Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 6 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Lina A, demeurant ...; Mlle A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 19 octobre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a annulé le jugement du 4 janvier 2007 du tribunal administratif de Paris annulant l'arrêté du 27 octobre 2006 du préfet de police décidant sa reconduite à la frontière et, d'autre part, a rejeté sa demande de première instance, ensemble l'arrêté préfectoral du 27 octobre 2006 ;
2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et au profit de la SCP Delaporte, Briard et Trichet la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Musitelli, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat Mlle A,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
- la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mlle A, née en 1985, est entrée en France en janvier 2003, soit un peu moins de quatre ans avant l'intervention de la mesure attaquée, à l'âge de 17 ans, pour rejoindre ses parents ainsi que son frère qui résidaient en France depuis 1997 et ont obtenu un premier titre de séjour temporaire en 2005 ; qu'elle a été scolarisée pendant toute cette période ; qu'il n'est pas contesté qu'elle est bien intégrée et qu'elle parle et lit le français ; qu'ainsi, en estimant, dans ces circonstances particulières, et alors même que ses grands-parents et un oncle sont demeurés dans leur pays d'origine, que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de Mlle A ne portait pas au droit au respect de la vie privée et familiale de celle-ci une atteinte disproportionnée, le magistrat délégué par le président de la cour administrative d'appel de Paris a entaché sa décision d'une erreur sur la qualification juridique des faits au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, Mlle A est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que pour les motifs indiqués ci-dessus, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a exactement qualifié les faits de l'espèce au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en retenant que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A portait une atteinte excessive au respect de la vie privée et familiale de cette dernière ; que, dès lors, le premier juge s'est fondé à juste titre sur ce motif pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de Mlle A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 octobre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A ;
Sur les conclusions aux fins de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :
Considérant qu'à la suite d'une annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressée doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de fait et de droit existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de police, sans qu'il soit nécessaire de prononcer l'astreinte demandée, de délivrer à Mlle A une autorisation provisoire de séjour et de lui prescrire de se prononcer sur la situation de Mlle A dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de Mlle A, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 19 octobre 2007 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : Les conclusions du préfet de police présentées devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mlle A et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera à la SCP Delaporte, Briard et Trichet la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que la SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Lina A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.