Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 26 octobre 2006, 4 janvier et 25 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Trieu Quynh A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 11 juillet 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 21 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 1998 prise par le directeur du Centre d'études et de l'emploi en tant qu'elle lui a refusé la promotion au grade de maître de recherche et a nommé M. B à ce grade ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 21 novembre 2002 et la décision du 26 mai 1998 par laquelle le directeur du Centre d'études de l'emploi a nommé M. B au grade de maître de recherche et refusé cette promotion à Mme A ;
3°) de mettre à la charge du Centre d'études de l'emploi le versement de la somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 81-368 du 14 avril 1981 ;
Vu le décret n° 86-399 du 12 mars 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Auditeur,
- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A, de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat du Centre national de la recherche scientifique et de Me Balat, avocat du Centre d'études de l'emploi,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A, de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat du Centre national de la recherche scientifique et de Me Balat, avocat du Centre d'études de l'emploi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une note du 23 janvier 1998, la directrice du Centre d'études pour l'emploi, établissement public administratif chargé de développer l'ensemble des connaissances susceptibles d'éclairer l'action des pouvoirs publics et des acteurs économiques et sociaux dans le domaine de l'emploi, a informé les chercheurs que la commission d'évaluation se réunirait à la fin du mois d'avril afin d'examiner notamment les dossiers de candidatures internes pour l'accès à un poste de maître de recherche ; que Mme A, qui avait accédé au cinquième échelon du grade de chargée de recherche de cet établissement public, a présenté un dossier de candidature ; que la commission a émis un avis favorable aux dossiers des trois candidats présentés et s'est prononcée en faveur du choix de M. B ; que par une décision dont Mme A a été informée le 26 mai 1998, la directrice du Centre d'études de l'emploi a retenu la candidature de M. B pour l'accès au poste de maître de recherches ; que Mme A a alors saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant d'une part à l'annulation de cette décision, d'autre part à ce qu'il soit enjoint à la directrice du Centre d'études de l'emploi de prononcer sa promotion au grade de maître de recherche ; que par jugement du 21 novembre 2002, le tribunal administratif a rejeté cette demande ; que la cour administrative d'appel de Paris a, par l'arrêt attaqué du 11 juillet 2006, rejeté la requête d'appel de Mme A ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6 ;
Considérant que si le ministre chargé de l'enseignement supérieur n'était pas partie en première instance, la cour administrative d'appel de Paris lui a notifié la requête d'appel de Mme A et lui a enjoint, par une mise en demeure du 19 septembre 2003, de produire son mémoire en défense en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative relatif aux parties appelées à produire un mémoire ; que cette mise en demeure rappelait les dispositions de l'article R. 612-6 de ce code aux termes desquelles : Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans le mémoire du requérant ; que la cour a également notifié son arrêt au ministre chargé de l'enseignement supérieur ; que par conséquent elle a nécessairement donné à ce ministre la qualité de partie en appel ; que dès lors, les dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative lui faisaient obligation de communiquer à Mme A le premier mémoire en défense produit par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, en l'espèce le mémoire enregistré le 27 novembre 2003 au greffe de la juridiction ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ce mémoire n'a pas été communiqué ; que Mme A est dès lors fondée à soutenir que l'arrêt a été rendu au terme d'une procédure irrégulière et doit par suite être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 14 avril 1981 fixant le statut des chercheurs contractuels de l'Institut national d'études démographiques, qui régit également la situation des chercheurs du Centre d'études de l'emploi : Le personnel régi par le présent décret est classé dans d'un des grades suivants : Directeur de recherche ; / Maître de recherches ;/ Chargé de recherche ; / Attaché de recherche. / Les classements dans les différents grades sont effectués soit par promotion à partir du grade inférieur, soit par recrutement direct. / Ils sont prononcés par le directeur de l'institut (...) après avis d'une commission statutaire paritaire (...) ; qu'aux termes de l'article 11 : La nomination des chargés, maîtres et directeurs de recherche est prononcée pour une durée indéterminée par le directeur de l'institut (...) après avis de la commission statutaire chargée de l'étude du dossier des chercheurs (...). Toutefois, dans le cas d'un recrutement direct, la nomination peut être prononcée pour une période limitée, éventuellement suivie d'une nouvelle nomination pour une période indéterminée ; qu'il résulte de ces dispositions que le directeur du Centre d'études de l'emploi peut pourvoir un poste de maître de recherche aussi bien par promotion interne qu'en ayant recours à un recrutement externe, sans qu'aucune contrainte autre que l'obligation de consulter la commission paritaire n'encadre son choix ; qu'ainsi, le moyen tiré par Mme A de ce que M. B ne relevait pas, au moment de la décision, des cadres des chercheurs du Centre d'études et qu'il ne pouvait en conséquence être légalement recruté en qualité de candidat externe, ne peut qu'être rejeté ; que de même, Mme A ne peut soutenir que le poste ouvert au recrutement ne pouvait être pourvu que par la voie de la promotion interne ;
Considérant en deuxième lieu que la note de la directrice du Centre d'études de l'emploi du 23 janvier 1998 informait simplement les chercheurs que la commission d'évaluation qui se réunirait prochainement examinerait notamment les candidatures internes au poste susmentionné, et n'indiquait nullement, contrairement à ce qu'allègue la requérante, que le choix de la directrice se porterait nécessairement ou préférentiellement sur un candidat interne ;
Considérant en troisième lieu qu'aux termes de l'article 4 du décret du 14 avril 1981 susvisé : Les candidats doivent satisfaire aux conditions d'aptitude physique exigées pour l'accès aux emplois publics ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 5 : Le candidat au grade de maître de recherche doit avoir fait la preuve de son aptitude à faire progresser les connaissances scientifiques et mener une recherche personnel ou animer une équipe de chercheurs ; qu'aux termes de l'article 17 La commission statutaire paritaire examine chaque année les dossiers des chercheurs ayant l'ancienneté requise pour bénéficier d'une promotion de grade ou d'un avancement d'échelon. Chaque dossier comprend obligatoirement : le rapport annuel d'activité du chercheur ; un exposé du directeur de recherche s'il y a lieu ; un exposé des recherches que le chercheur propose d'entreprendre ou de poursuivre dans le cadre du programme général de travaux de l'institut ; que l'article 23 impose enfin au candidat à la promotion interne au grade de maître de recherche une durée de trois ans de service dans son grade et la satisfaction, soit à une obligation de mobilité, soit à une condition relative aux contenu de ses recherches ; que les dispositions susmentionnées exigent donc des candidats aux postes de maître de recherche, tant internes qu'externes, des conditions tenant à leur aptitude physiques et à leur capacité à faire progresser les connaissances ; que sont exigés en outre des candidats internes des rapports et exposés relatifs à leurs travaux passés ou projetés, ainsi que des conditions d'ancienneté dans le grade, de mobilité ou de contenu des travaux ; que le décret pose ainsi pour les candidats internes et externes, qui ne sont pas placés dans la même situation statutaire, des exigences différentes ; que Mme A n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'en exigeant d'elle un exposé de ses travaux qui n'a pas été demandé à M. B, la directrice du Centre d'études de l'emploi aurait méconnu le principe d'égalité d'accès aux charges publiques ;
Considérant en quatrième lieu, que M. B ayant été recruté en qualité de candidat externe, Mme A ne peut utilement soutenir que la décision contestée serait illégale faute pour l'intéressé de remplir les conditions pour être promus par la voie du recrutement interne ;
Considérant que Mme A soutient en cinquième lieu qu'en retenant la candidature de M. B, la directrice du Centre d'études de l'emploi aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ; que compte tenu du parcours professionnel de M. B, caractérisé en particulier par des postes de responsable de recherches à la Caisse nationale d'allocations familiales et de directeur des études, des statistiques, de l'évaluation et de la recherche à l'Agence nationale pour l'emploi, ainsi que par un poste de contractuel au sein du Centre d'études de l'emploi, la directrice de ce centre a pu sans erreur manifeste d'appréciation, estimer qu'il disposait des aptitudes requises ; que le moyen doit dès lors être écarté ;
Considérant en sixième lieu qu'aux termes de l'article 23 du décret du 14 avril 1981 susvisé : (...) peuvent être nommés au grade de maître de recherche les chargés de recherche qui répondent aux deux conditions suivantes : 1° justifier de trois années de service dans leur grade, sauf dérogation limitée à 20% des promotions.. ; ; que Mme A avait été nommée au garde de chargée de recherche par décision du 1er juillet 1997 ; qu'ainsi à la date de la décision attaquée elle ne remplissait pas les conditions pour être nommée maître de recherche ; que si une dérogation était prévue, Mme A ne saurait en tirer un quelconque droit à être promue ; qu'elle ne peut ainsi et en tout état de cause soutenir qu'elle devait être nommée maître de recherche ;
Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant cependant que le jugement attaqué d'une part, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de faire droit aux conclusions du Centre d'études de l'emploi tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'autre part, avait mis la somme de 450 euros à la charge de Mme A au titre desdites dispositions ; que Mme A est dès lors fondée à soutenir que les premiers juges ont entaché sur ce point leur jugement d'une contradiction entre les motifs et le dispositif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu en conséquence d'annuler l'article 2 du jugement en tant qu'il met à la charge de l'intéressée la somme de 450 euros et de rejeter le surplus de la requête d'appel de Mme A ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mis à la charge du Centre d'études de l'emploi qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme A la somme de 2 000 euros qui sera versée au Centre d'études de l'emploi au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 11 juillet 2006 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'article 2 du jugement du 21 novembre 2002 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a mis à la charge de Mme A une somme de 450 euros à verser au Centre d'études de l'emploi.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi et de la requête d'appel de Mme A sont rejetés.
Article 4 : Mme A versera au Centre d'études de l'emploi une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A, au Centre d'études de l'emploi et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.