Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 26 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Solange A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 19 avril 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 3 mai 2005 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1998 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de lui accorder la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Boudier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A ont fait apport, par acte notarié du 16 décembre 1998, de leurs terres agricoles au groupement foncier agricole (GFA) des Hamets créé à cet effet ; que, par acte notarié du 22 décembre 1998, M. et Mme A ont constitué la société civile agricole (SCEA) de Napre à laquelle ils ont apporté les éléments mobiliers et immobiliers, autres que les terres agricoles, de leur exploitation pour un montant net de 1 999 500 F rémunéré par 199 950 parts ; que le 4 janvier 1999, M. et Mme A ont cédé l'ensemble de leurs parts de la SCEA de Napre à Mlle Rémy, agricultrice devenue gérante de la SCEA de Napre tandis que le GFA des Hamets lui donnait à bail de longue durée les terres agricoles en cause ; que, par l'arrêt dont Mme A demande l'annulation, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 3 mai 2005 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1998 au motif que l'intéressée n'entrait pas, pour l'imposition des plus-values résultées de cette opération, dans les prévisions de l'article 151 octies du code général des impôts qui en autorisent, sur option du contribuable, le report ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 151 octies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : I. Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle ou de l'apport d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : (...) / b. L'imposition des plus-values afférentes aux autres immobilisations est effectuée au nom de la société bénéficiaire de l'apport selon les modalités prévues au d du 3 de l'article 210 A pour les fusions de sociétés (...) / Les dispositions du présent article sont applicables à l'apport à une société, par un exploitant agricole individuel, de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé à l'exception des immeubles, si ceux-ci sont immédiatement mis à disposition de la société bénéficiaire de l'apport dans le cadre d'un contrat écrit et enregistré visé aux articles L. 411-1, L. 411-2 et L. 416-1 du code rural (...) ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions qu'elles impliquent que l'apport ou la mise à disposition qu'elles mentionnent doivent, y compris pour les immeubles, être faits par l'exploitant lui-même et non par un tiers ; qu'il suit de là qu'en jugeant qu'il ne pouvait être légalement fait application de l'option prévue à l'article 151 octies du code général des impôts en faveur du report imposition d'une plus-value qu'à la condition que l'apport ou la mise à disposition d'actifs et d'immeubles soit réalisé par l'exploitant lui-même et non par un tiers, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 151 octies du code général des impôts que l'apport ou la mise à disposition d'actifs et d'immeubles doivent être réalisés par l'exploitant lui-même pour que ce dernier puisse bénéficier du report d'imposition prévu par ces dispositions ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes de l'article 151 octies précité du code général des impôts que ces dispositions n'excluent pas, par elles-mêmes, que la mise à disposition des immeubles intervienne quelques jours après l'apport à une société, par un exploitant agricole, de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé à l'exception des immeubles ; que l'instruction administrative du 17 mai 1996 qui commente ces dispositions n'en donne d'ailleurs pas une interprétation différente dont les requérants pourraient se prévaloir ;
Considérant que la circonstance qu'il se soit écoulé plus d'une semaine entre la constitution de la SCEA de Napres et la mise à sa disposition des terres ne fait pas obstacle à ce que les terres soient regardées comme ayant été mises immédiatement à disposition de la société au sens des dispositions précitées de l'article 151 octies du code général des impôts ; que c'est par suite à tort que le tribunal s'est fondé sur le caractère non immédiat de la mise à disposition des terres pour rejeter la demande de Mme A ;
Considérant que si l'administration soutenait devant le tribunal administratif que l'apport de Mme A à la SCEA de Napres et au GFA des Hamets suivi d'une cession des parts de la SCEA à Melle Rémy dissimulait une cession d'exploitation, elle ne pouvait soulever ce moyen qu'en faisant application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que ce moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1998 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A de la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par elle devant les juges du fond et en cassation et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Nancy du 19 avril 2007 est annulé.
Article 2 : Mme A est déchargée des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1998.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 5 000 euros à Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 mai 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Solange A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.