Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 9 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF, dont le siège est 60 rue de la Brosse à Châteauneuf-sur-Loire (45110) ; la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 7 août 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant l'annulation de la procédure de passation d'un contrat de partenariat pour la réalisation et l'entretien d'un pont suspendu et à ce qu'il soit enjoint au département de Tarn-et-Garonne de reprendre l'intégralité de la procédure ;
2°) statuant en référé, d'annuler la procédure engagée et d'enjoindre au département de Tarn-et-Garonne de la reprendre intégralement ;
3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge du département de Tarn-et-Garonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l'ordonnance du 17 juin 2004 ;
Vu le décret n° 2004-1145 du 27 octobre 2004 ;
Vu l'arrêté du 28 août 2006 fixant les modèles d'avis pour la passation et l'attribution des marchés publics et accords-cadres ;
Vu l'arrêté du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du conseil général de Tarn-et-Garonne,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du conseil général de Tarn-et-Garonne ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation (...) des contrats de partenariat (...). Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local ; qu'en application de ces dispositions, il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ;
Sur les conclusions aux fins de non-lieu :
Considérant que la demande présentée par la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de la décision par laquelle le département a rejeté sa candidature, et le pourvoi par lequel elle demande l'annulation de l'ordonnance du juge des référés précontractuels rejetant ses conclusions aux fins d'annulation de la procédure constituent deux litiges distincts ; que le département de Tarn-et-Garonne n'est dès lors pas fondé à soutenir que le désistement de la société dans la première de ces deux instances priverait d'objet son pourvoi contre l'ordonnance du juge des référés précontractuels ;
Sur le pourvoi de la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF :
Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge des référés précontractuels que le conseil général de Tarn-et-Garonne a entendu conclure un contrat de partenariat portant sur la destruction d'un pont situé sur le territoire de Verdun-sur-Garonne, la conception et la construction d'un nouvel ouvrage, l'entretien de celui-ci et le financement de l'opération ; qu'il a, à cet effet, envoyé, le 30 janvier 2007 en vue de sa publication au journal officiel de l'Union européenne, et le 31 janvier 2007 en vue de sa publication au bulletin officiel des annonces des marchés publics, un avis d'appel public à la concurrence, également diffusé au Moniteur des travaux publics et sur le site internet de la collectivité, faisant apparaître son choix de recourir à la procédure du dialogue compétitif ; que la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF, en groupement avec sa filiale la société Arnodin, a présenté sa candidature, qui a été rejetée par un courrier de la collectivité publique parvenu à la société le 23 juin 2008, au motif que le groupement présentait des références insuffisantes en matière de conception de ponts suspendus neufs ;
Considérant que la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF a introduit le 21 juillet 2008 une demande en référé précontractuel auprès du tribunal administratif de Toulouse ; que par l'ordonnance du 7 août 2008, contre laquelle la société se pourvoit régulièrement en cassation, le juge des référés a rejeté cette demande ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que, lors de l'audience du 5 août 2008, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a souhaité prendre connaissance des mémoires de présentation des candidatures et des notes de motivation que le département de Tarn-et-Garonne avait demandé aux candidats potentiels et dont l'entreprise soutenait qu'ils introduisaient un critère subjectif dans l'appréciation des candidatures ; que ces documents ont été communiqués au juge le 6 août 2008 ; que pour écarter le moyen tiré de ce que la demande de ces mémoires aurait introduit un critère subjectif dans le choix des candidats, le juge s'est fondé sur le contenu de ces documents, sans les communiquer à la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF, et sans s'assurer qu'ils avaient été communiqués directement à cette société ; que par suite, à supposer même que ces documents aient été couverts par le secret industriel et commercial, et quand bien même ils lui auraient été communiqués après la lecture de l'ordonnance attaquée, la société est fondée à soutenir que cette ordonnance est intervenue en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ; qu'il y a lieu de l'annuler pour ce motif ;
Considérant qu'il y a lieu en l'espèce de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article D. 1414-2 du code général des collectivités territoriales : A l'appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités des candidats, la personne publique ne peut demander que les renseignements ou l'un des renseignements et les documents ou l'un des documents suivants : déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les prestations auxquelles se réfère le contrat de partenariat (...), présentation d'une liste des principales prestations fournies au cours des trois dernières années ou présentation d'une liste des travaux en cours d'exécution ou exécutés au cours des cinq dernières années (...) ; indication des titres d'études et/ou de l'expérience professionnelle (...) ; déclaration indiquant l'outillage, le matériel et l'équipement technique (...) ; certificats de qualification professionnelle (...) ; certificats établis par des services chargés du contrôle de qualité et habilités à attester la conformité des prestations à des spécifications ou des normes (...) échantillons, descriptions (...) ; qu'il résulte de l'instruction que dans son avis d'appel public à la concurrence, la personne publique avait fait apparaître les mentions suivantes : Le candidat ou l'équipe candidate produira tout élément permettant d'apprécier les garanties professionnelles et techniques et leur aptitude à assurer, directement ou indirectement, le financement, la conception, la réalisation, la surveillance, l'entretien et la maintenance d'un pont suspendu pendant la durée du contrat. / A cette fin, les candidats produiront un mémoire explicitant leur candidature notamment : - une note de motivation sur les conditions dans lesquelles le candidat entend mener à bien l'ensemble des missions liées à l'opération, en particulier les moyens matériels et humains dont il dispose ; que ce faisant, la personne publique n'a pas sollicité des candidats d'éléments d'information autres que ceux prévus par les dispositions précitées, mais leur a simplement demandé une présentation formalisée de ces informations ; qu'il en résulte que la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF n'est fondée à soutenir, ni que le département aurait méconnu le caractère limitatif des informations et documents énumérés à l'article D. 1414-2 du code général des collectivités territoriales, ni qu'il aurait introduit, par cette demande de mémoire, un critère subjectif dans la sélection des candidatures ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'avis paru au bulletin officiel des annonces des marchés publics faisait apparaître, au titre de la rubrique caractéristiques principales, les indications suivantes : Le projet consiste à financer, concevoir, réaliser, surveiller, entretenir et maintenir : un pont suspendu... ; qu'à la rubrique référence professionnelle et capacité technique apparaissaient les mentions suivantes : Le candidat ou l'équipe candidate produira tout élément permettant d'apprécier les garanties professionnelles et techniques et leur aptitude à assurer, directement ou indirectement, le financement, la conception, la réalisation, la surveillance, l'entretien et la maintenance d'un pont suspendu... ; que nonobstant l'absence de demande précise de la part de la collectivité quant aux références des candidats en matière de conception de tels ouvrages, les attentes de la personne publique en termes de conception étaient dépourvues d'ambiguïté ; qu'ainsi, la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF n'est pas fondée à soutenir qu'en écartant sa candidature motif pris d'une expérience insuffisante en matière de conception de ponts suspendus, la collectivité publique aurait utilisé un critère non mentionné dans l'avis d'appel public à la concurrence ;
Considérant en troisième lieu que l'article D. 1414-2 du code général des collectivités territoriales précité autorise la personne publique à demander la présentation d'une liste des principales prestations fournies au cours des trois dernières années ou présentation d'une liste des travaux en cours d'exécution ou exécutés au cours des cinq dernières années, indiquant notamment le montant, la date et le destinataire public ou privé ; qu'il résulte de l'instruction que le département de Tarn-et-Garonne a demandé ces deux éléments ; que toutefois, dès lors que le projet comprenait à la fois des travaux et des prestations d'entretien et de maintenance, et eu égard à la nécessité, pour la personne publique, de disposer de ces deux séries d'informations pour porter une appréciation éclairée sur les candidatures, une telle demande ne méconnaissait pas les dispositions précitées ; qu'il suit de là que la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF n'est pas fondée à soutenir qu'en demandant aux candidats de fournir ces deux catégories d'informations, le département aurait méconnu ces dispositions ;
Considérant en quatrième lieu que si la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF soutient qu'en omettant de mentionner, dans l'avis paru au bulletin officiel des annonces des marchés publics, d'une part, la date d'envoi de l'avis au Journal officiel de l'Union Européenne , d'autre part, la durée de validité des offres, elle n'indique pas en quoi ces manquements du département de Tarn-et-Garonne à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, à les supposer établis, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, l'auraient lésée ou auraient été susceptibles de la léser, fût-ce d'une façon indirecte ; que le moyen doit, dès lors être écarté ;
Considérant en cinquième lieu qu'aux termes de l'article L. 1414-5 du code général des collectivités territoriales les contrats de partenariat peuvent être passés selon les procédures du dialogue compétitif, de l'appel d'offres ou selon une procédure négociée. / Si, compte tenu de la complexité du projet et quel que soit le critère d'éligibilité retenu en application de l'article L. 1414-2 pour fonder le recours au contrat de partenariat, la personne publique est objectivement dans l'impossibilité de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet, elle peut recourir au dialogue compétitif dans les conditions prévues à l'article L. 1414-7. Elle indique le choix de la procédure dans l'avis de publicité ; que ces dispositions n'imposent pas à la personne publique de faire figurer dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les autres documents de consultation les considérations qui justifient son recours à la procédure de dialogue compétitif, mais se bornent à exiger que la mention de ce choix figure dans l'avis de publicité ; que la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF n'est ainsi pas fondée à soutenir que le département de Tarn-et-Garonne, qui s'est conformé à cette exigence, aurait manqué sur ce point à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure par laquelle le département de Tarn-et-Garonne a fait appel à la concurrence en vue de la conclusion d'un contrat de partenariat ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que la somme de 3 000 euros demandée par la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF soit mise à la charge du département de Tarn-et-Garonne, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF une somme de 2 000 euros qui sera versée au département de Tarn-et-Garonne au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les conclusions aux fins de non-lieu du département de Tarn-et-Garonne sont rejetées.
Article 2 : L'ordonnance du 7 août 2008 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est annulée.
Article 3 : La demande en référé précontractuel présentée par la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF est rejetée.
Article 4 : La SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF versera au département de Tarn-et-Garonne une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 5 : Les conclusions de la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BAUDIN CHATEAUNEUF et au département de Tarn-et-Garonne.