Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Aminata A et M. Mohamed Jean-Yves B, demeurant respectivement ... ; Mme A et M. B demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du consul général de France à Abidjan (Côte d'Ivoire) en date du 9 novembre 2007 refusant de délivrer le visa de long séjour sollicité par Mme A en faveur de son fils Mohamed Jean-Yves B, en qualité d'enfant de ressortissante française ;
2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du consul général de France à Abidjan en date du 9 novembre 2007 ;
3°) d'enjoindre au consul général de France à Abidjan de délivrer le visa sollicité en faveur de M. Mohamed Jean-Yves B sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
les requérants soutiennent que la condition d'urgence est remplie dès lors que le refus de visa d'entrée en France qui leur est opposé a pour effet de maintenir M. Mohamed Jean-Yves B éloigné des membres de sa famille établie en France ; que M. B, inscrit pour l'année en cours à l'université de Limoges, doit impérativement réaliser un stage professionnel et se présenter aux épreuves relatives au diplôme qu'il prépare ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'elle est entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'une demande de communication des motifs du refus a été adressée à la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France ; qu'elle est entachée tant d'une erreur de droit que d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leur droit de mener une vie familiale normale ; qu'en effet, étant âgé de moins de 21 ans lors du dépôt de sa demande de visa, effectué conformément aux dispositions de l'article L. 314-11-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auprès des autorités consulaires, M. Mohamed Jean-Yves B n'était pas tenu de produire des pièces justifiant de sa prise en charge par sa mère Mme A ; qu'au surplus, M. B ayant toujours été pris en charge par sa mère, est en mesure de produire ces pièces ;
Vu la décision dont la suspension est demandée ;
Vu la requête à fin d'annulation de la même décision et le recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu, enregistrées le 20 avril 2009, les pièces nouvelles communiquées par Mme A et M. B ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que le juge des référés ne peut sans excéder sa compétence prononcer l'annulation d'une décision administrative ni ordonner une mesure qui aurait des effets identiques à ceux d'une annulation ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction sont irrecevables ; que la condition d'urgence n'est pas satisfaite ; que Mme A ayant acquis la nationalité française en 1995 et justifiant d'une situation sociale et familiale établie depuis de nombreuses années, son enfant M. B et elle-même n'ont déposé une demande de visa qu'en août 2007 ; que M. B avait la possibilité de déposer une demande de visa afin de d'effectuer son stage et de se présenter aux épreuves universitaires ; que l'état d'isolement familial dont font état les requérants n'est pas établi dès lors que d'autres membres de la famille de M. B vivent en Côte d'Ivoire ; que si la décision du consul de France à Abidjan en date du 9 novembre 2007 est entachée d'une erreur de droit, le caractère incomplet du dossier en ce qui concerne les droits du père de l'enfant sur ce dernier permettait légitimement aux autorités consulaires ainsi qu'à la commission de recours de s'opposer à la délivrance du visa sollicité ; que le moyen tiré du défaut de motivation doit être rejeté dès lors que les requérants ne justifient pas avoir adressé à la commission de recours une demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet ; que la situation de droit et de fait actuelle de M. B ne permet pas à l'administration de lui délivrer un visa d'entrée en France en qualité d'enfant étranger à charge d'un parent français ; que Mme A n'établit pas pourvoir aux besoins de son fils M. B ni même en avoir la capacité financière ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; qu'en effet, Mme A ne justifie pas avoir maintenu des liens étroits avec M. B ni même avoir contribué à son éducation depuis son arrivée en France ; qu'au surplus Mme A n'allègue pas avoir effectué des séjours réguliers en Côte d'Ivoire pour y visiter son fils, ni qu'elle serait dans l'impossibilité de le faire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A et M. B et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 avril 2009 à 16h00 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me de Nervo, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A et de M. B ;
- La représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que Mohamed Jean-Yves B, de nationalité ivoirienne, est le fils de Mme A, qui est elle-même de nationalité française et vit en France ; qu'il a suivi à distance, pendant l'année scolaire 2007-2008, des cours à la faculté des sciences et techniques de l'Université de Limoges et a été déclaré admis au diplôme d'université Médiation multimédia et monitorat ; qu'il est inscrit pour la présente année scolaire dans la même université pour un Deust Tic webmaster ; qu'il demande la suspension de la décision par laquelle un visa de long séjour lui a été refusé ;
Considérant que M. B fait valoir que la validation de son année d'études universitaires est subordonnée à la réalisation d'un stage qu'il doit accomplir en France ; qu'eu égard à la proximité de la fin de l'année scolaire, la condition d'urgence doit être regardée en l'espèce comme remplie ;
Considérant que l'administration ne conteste pas que la décision du consul de France à Abidjan dont la suspension est demandée est entachée d'erreur de droit, la situation du jeune homme devant être appréciée à la date de sa demande de visa, alors qu'il n'avait pas atteint l'âge de vingt-et-un ans ; qu'au surplus et en tout état de cause, la mère du jeune B dont le père a disparu, justifie assurer l'essentiel des charges de son entretien ; que s'il est vrai que Mme A qui vit en France depuis 1995 ne s'est pas hâtée de faire venir son fils auprès d'elle et si certains membres de la famille de M. B demeurent encore en Côte d'Ivoire, l'existence de relations suivies entre Mme A et son fils ressort du dossier et a été confirmée à l'audience ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision dont la suspension est demandée porterait atteinte au droit des intéressés de mener une vie familiale normale est, en l'état de l'instruction, propre à faire douter de la légalité de cette décision ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'en prononcer la suspension, d'enjoindre aux autorités consulaires françaises en Côte d'Ivoire de réexaminer la demande de visa de M. B sans toutefois assortir cette injonction d'une astreinte et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de la décision du 9 novembre 2007 du consul de France à Abidjan est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au consul de France à Abidjan de réexaminer dans un délai de trois semaines à compter de la notification de la présente ordonnance la demande de visa présentée pour M. Mohamed Jean-Yves B.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A et à M. B la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A et de M. B est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Mohamed Jean-Yves B, à Mme Aminata A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.