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13/02/2009 | FRANCE | N°317973

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 13 février 2009, 317973


Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Hervé J, demeurant ..., M. Alain D, demeurant ..., M. Michel B, demeurant ..., M. Michel I, demeurant ..., Mme Sylvie D, demeurant ..., M. M-Claude C, demeurant ... ; M. J et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 4 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Limoges, sur la protestation de M. Didier G, d'une part, a annulé l'élection de M. C au conseil municipal de la commune de Goulles, d'autre part, a proclamé élu M. Henri K en qua

lité de conseiller municipal ;

2°) de réformer le jugement du t...

Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Hervé J, demeurant ..., M. Alain D, demeurant ..., M. Michel B, demeurant ..., M. Michel I, demeurant ..., Mme Sylvie D, demeurant ..., M. M-Claude C, demeurant ... ; M. J et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 4 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Limoges, sur la protestation de M. Didier G, d'une part, a annulé l'élection de M. C au conseil municipal de la commune de Goulles, d'autre part, a proclamé élu M. Henri K en qualité de conseiller municipal ;

2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Limoges en validant l'élection de M. C et en annulant l'élection de M. K ;

3°) de mettre à la charge de M. G le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Raquin, Auditeur,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Goulles (Corrèze), la totalité des sièges du conseil municipal a été pourvue dès le premier tour, onze candidats obtenant un nombre de voix supérieur à la majorité absolue de 147 suffrages exprimés ; que la liste Goulles entre tradition et modernité conduite par M. J, maire sortant, a obtenu six sièges, le dernier élu de cette liste, M. C, obtenant 147 voix ; que la liste Se parler, se concerter, agir pour Goulles, dont M. G était tête de liste, a obtenu cinq sièges, le dernier élu obtenant 148 suffrages ; que M. G a alors formé une réclamation, consignée au procès-verbal des élections, faisant état de la comptabilisation de deux ou trois bulletins comportant des signes extérieurs de reconnaissance ; que le tribunal administratif de Limoges, par un jugement du 4 juin 2008, a estimé que deux bulletins avaient été comptabilisés à tort au profit de chacun des candidats de la liste menée par M. J et a rectifié les résultats des opérations électorales en annulant l'élection de M. C et en proclamant élu M. K ;

Sur la qualité de partie de M. K, M. E, Mme F, M. H, M. L et M. M :

Considérant que M. K, M. E, Mme F, M. H, M. L et M. M ont intérêt au maintien du jugement attaqué, dès lors que ce jugement a inversé en leur faveur la majorité électorale au sein du conseil municipal ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent M. J et autres, ils ont la qualité de partie en défense dans la présente instance ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 119 du code électoral : Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai (...). / Dans l'un et l'autre cas, la notification est faite, dans les trois jours de l'enregistrement de la protestation, aux conseillers dont l'élection est contestée qui sont avisés en même temps qu'ils ont cinq jours pour tout délai à l'effet de déposer leurs défenses au greffe (bureau central ou greffe annexe) du tribunal administratif et de faire connaître s'ils entendent ou non user du droit de présenter des observations orales. / Il est donné récépissé, soit des protestations, soit des défenses déposées au greffe ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si la protestation doit être notifiée aux conseillers dont l'élection est contestée, cette notification peut revêtir, notamment lorsque la protestation a été portée sur le procès-verbal des opérations électorales, la forme d'un simple avis au destinataire mentionnant l'existence et le contenu de cette protestation ; qu'en l'espèce, la lettre de transmission de la protestation de M. G adressée par la préfecture au tribunal et notifiée aux requérants le 17 mars 2008, indiquait clairement le contenu de cette protestation ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 119, R. 120 et R. 121 du code électoral et R. 773-1 du code de justice administrative relatives aux délais impartis au tribunal administratif pour statuer, que le juge électoral n'était pas tenu de communiquer le mémoire complétant la protestation, qui était en tout état de cause consultable au greffe du tribunal administratif, ni aucune autre pièce jointe à la protestation ; que le juge de l'élection n'avait pas davantage l'obligation d'indiquer aux intéressés qu'ils avaient la faculté de venir prendre communication des pièces annexées à la protestation au greffe du tribunal ; que par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article R. 119 du code électoral et le principe du contradictoire ;

Considérant, en second lieu, que les requérants soutiennent qu'en annulant l'élection de M. C et en proclamant élu M. K, le tribunal administratif de Limoges aurait statué au-delà des conclusions dont il était saisi ; que toutefois, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à la validité de certains bulletins de vote, le juge de l'élection doit rechercher si cette contestation est de nature à remettre en cause l'élection d'un ou plusieurs candidats ; que dans l'affirmative, il peut réviser le nombre de voix réellement obtenues par les candidats et modifier, le cas échéant, les résultats proclamés ; qu'en l'espèce, le tribunal administratif de Limoges était saisi d'une contestation relative à la validité de certains bulletins de vote, ce qui impliquait nécessairement qu'il lui était demandé de modifier les résultats du scrutin ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les requérants ont été informés de la nature de cette protestation ; que par suite, en rectifiant les résultats de l'élection, sans en informer préalablement les parties, les premiers juges n'ont ni méconnu le principe du contradictoire, ni excédé leur office ;

Sur les opérations électorales :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du code électoral : Les bulletins blancs, ceux ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. / Mais ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau. / Chacun de ces bulletins annexés doit porter mention des causes de l'annexion. / Si l'annexion n'a pas été faite, cette circonstance n'entraîne l'annulation des opérations qu'autant qu'il est établi qu'elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin ; qu'aux termes de l'article R. 66 du même code : Une fois les opérations de lecture et de pointage terminées, les scrutateurs remettent au bureau les feuilles de pointage signées par eux, en même temps que les bulletins, enveloppes électorales et enveloppes de centaine dont la régularité leur a paru douteuse, ou a été contestée par des électeurs ou par les délégués des candidats ; qu'aux termes de l'article R. 68 du même code : Les pièces fournies à l'appui des réclamations et des décisions prises par le bureau, ainsi que les feuilles de pointage sont jointes au procès-verbal. / Les bulletins autres que ceux qui, en application de la législation en vigueur, doivent être annexés au procès-verbal sont détruits en présence des électeurs ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'une protestation a été inscrite sur le procès-verbal des élections, les bulletins litigieux doivent lui être annexés et transmis à la juridiction saisie d'un recours ; que le juge de l'élection peut former sa conviction même en l'absence d'annexion des bulletins litigieux, dès lors que ni leur existence ni leurs caractéristiques matérielles ne sont contestées ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que les bulletins litigieux n'ont pas été joints à la protestation ; que toutefois, il est constant que sur deux bulletins comptabilisés en faveur de tous les candidats de la liste Goulles entre tradition et modernité, tous les noms des candidats étaient précédés du même signe ; que ces marques, qui n'étaient pas nécessaires à la désignation des candidats, rendaient possible l'identification des électeurs ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal administratif de Limoges a annulé ces bulletins au motif qu'ils avaient été considérés à tort comme valables par le bureau de vote pour la proclamation des résultats, et a rectifié en conséquence les résultats de l'élection ;

Considérant que les sept bulletins annexés au procès-verbal ont à bon droit été déclarés nuls par le bureau de vote ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'élection de M. C et proclamé élu M. K en tant que conseiller municipal de la commune de Goulles ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. G qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. J et autres et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. G et autres au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. J et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. G et autres tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à MM. Hervé J, Alain D, Michel B, Michel I, à Mme Sylvie D, à MM. M-Claude C, Didier G, Henri K, Henri E, à Mme Sandrine F et à MM. Raymond H, André L et François M.

Copie en sera adressée pour information à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 317973
Date de la décision : 13/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2009, n° 317973
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Cécile Raquin
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:317973.20090213
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