Vu 1°), sous le n° 324238, la requête, enregistrée le 19 janvier 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Nicole V, demeurant ... ; M. Jack N, demeurant ... ; M. François S, demeurant ... ; Mme Marie-France E, demeurant ... ; M. Michel F, demeurant ... ; Mme Eliane G, demeurant ... ; M. Jean-Claude M, demeurant ... ; Mme Annie U, demeurant ... ; Mme Michelle C, demeurant ... ; Mme Evelyne Q, demeurant ... ; M. Guy L, demeurant ... ; M. Thierry J, demeurant ... ; Mme Brigitte A, demeurant ... ; Mme Gélita O, demeurant ... ; M. Robert X, demeurant ... ; M. Gérard R, demeurant ... ; Mme Josiane B, demeurant ... ; M. Jean-Luc D, demeurant ... ; Mme Isabelle K, demeurant ... ; M. Ivan T, demeurant ... ; Mme Mireille I, demeurant ... ; Madame Odette H, demeurant ... ; M. Bernard W, demeurant ... ; M. Jean-François P, demeurant ... ; ils demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution des décisions, contenues dans une lettre du 15 décembre 2008, de la ministre de la culture et de la communication de supprimer, à compter du 5 janvier 2009, la publicité en soirée sur les chaînes télévisées du groupe France Télévisions et d'enjoindre au président de France Télévisions de ne plus commercialiser les espaces publicitaires entre 20h et 6h sur France 2, France 3, France 4, France 5 à partir du 5 janvier 2009 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que l'urgence est caractérisée par une ingérence dans les prérogatives du Parlement, par l'irréversibilité des effets produits et par une perte de recette sans compensation assurée de façon certaine pour France Télévisions ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision, laquelle fait grief ; qu'en effet, la ministre de la culture et de la communication était incompétente pour prendre les décisions attaquées, qui relèvent de la loi alors qu'au demeurant elle ne dispose ni du pouvoir réglementaire ni sur ce point d'un pouvoir de tutelle ; que lesdites décisions sont également entachées d'une erreur de droit en ce qu'elles méconnaissent le droit d'amendement et le principe de la séparation des pouvoirs ; qu'elles sont, enfin, constitutives d'un détournement de pouvoir en ce qu'elles ont pour objectif d'éluder le débat législatif ;
Vu la copie de la décision dont la suspension est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la même décision ;
Vu, enregistré le 2 février 2009, le mémoire en défense présenté pour la ministre de la culture et de la communication, qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que la requête au fond est irrecevable en ce qu'elle porte sur une décision insusceptible de recours pour excès de pouvoir faute de faire grief ; que la décision contestée est entièrement exécutée et ne peut donc plus faire l'objet d'une suspension ; qu'en tout état de cause, l'urgence n'est pas caractérisée la réversibilité des effets étant acquise, la garantie de la compensation des pertes de ressources publicitaires étant assurée ; qu'il y a au contraire urgence à ne pas suspendre ; qu'il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu'en effet, la ministre de la culture et de la communication ne s'est substituée, ni à l'action du législateur, ni à celle du pouvoir réglementaire ; qu'il n'existe pas d'atteinte au droit d'amendement et au principe de la séparation des pouvoirs dans la mesure où la lettre attaquée ne fait que suggérer des mesures transitoires en attendant que le projet de loi aboutisse ; que s'agissant de mesures transitoires, le détournement de pouvoir n'est pas constitué ; qu'il n'y a aucune violation de l'article 53§VI de la loi du 30 septembre 1986 ;
Vu, enregistré le 3 février 2009, le mémoire en réplique présenté pour Mme V et autres ; ils soutiennent que la décision contestée est bien un acte décisoire susceptible de recours pour excès de pouvoir ; qu'elle n'a pas épuisé ses effets ; que la ministre de la culture et de la communication était incompétente pour prendre une telle décision, qui ne constitue pas une simple décision de gestion relevant de la compétence de l'entreprise ;
Vu 2°), sous le n° 324408, la requête, enregistrée le 23 janvier 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Nicole V, demeurant ... ; M. Jack N, demeurant ... ; M. François S, demeurant ... ; Mme Marie-France E, demeurant ... ; M. Michel F, demeurant ... ; Mme Eliane G, demeurant ... ; M. Jean-Claude M, demeurant ... ; Mme Annie U, demeurant ... ; Mme Michelle C, demeurant ... ; Mme Evelyne Q, demeurant ... ; M. Guy L, demeurant ... ; M. Thierry J, demeurant ... ; Mme Brigitte A, demeurant ... ; Mme Gélita O, demeurant ... ; M. Robert X, demeurant ... ; M. Gérard R, demeurant ... ; Mme Josiane B, demeurant ... ; M. Jean-Luc D, demeurant ... ; Mme Isabelle K, demeurant ... ; M. Ivan T, demeurant ... ; Mme Mireille I, demeurant ... ; Madame Odette H, demeurant ... ; M. Bernard W, demeurant ... ; M. Jean-François P, demeurant ... ; ils demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la délibération du conseil d'administration de France Télévisions du 16 décembre 2008 supprimant la publicité en mettant fin à la commercialisation des espaces publicitaires entre 20h et 6h sur France 2, France 3, France 4, France 5 à partir du 5 janvier 2009 au soir et confiant sa mise en oeuvre à son président ;
2°) de mettre à la charge de France Télévisions la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que l'urgence est caractérisée et qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision en invoquant les mêmes moyens que ceux soulevés à l'appui de la requête 324238 ; ils soutiennent en outre que la délibération du conseil d'administration est un acte réglementaire d'organisation du service public et qu'elle a été prise en application de la décision ministérielle illégale ; que le conseil d'administration de France Télévisions était incompétent pour prendre la décision attaquée ; que ladite décision est également entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle méconnaît le droit d'amendement et le principe de la séparation des pouvoirs ; qu'elle est, enfin, illégale au titre de l'exception d'illégalité en ce qu'elle a été prise en application des décisions, illégales, du ministre de la culture et de la communication du 15 décembre 2008 ;
Vu la copie de la décision dont la suspension est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la même décision ;
Vu, enregistré le 2 février 2009, le mémoire en défense présenté pour la société France Télévisions ; elle soutient que la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur la décision attaquée, acte de droit privé relevant de la compétence judiciaire et non pas acte pris pour l'accomplissement d'une mission de service public manifestant l'exercice par une personne privée d'une prérogative de puissance publique ; que la délibération, loin d'être prise pour organiser le service public, est relative au fonctionnement et à la gestion patrimoniale du groupe ; que la requête est irrecevable en ce que la décision contestée est entièrement exécutée ; qu'elle est, enfin, irrecevable en ce qu'à supposer la juridiction administrative compétente, le litige ressortirait de la compétence du tribunal administratif de Paris ; qu'en tout état de cause, l'urgence n'est pas caractérisée faute de caractère irréversible d'une décision qui ne met pas en péril le bon fonctionnement du service public de l'audiovisuel ; qu'il y a urgence à ne pas suspendre ; qu'il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu'en effet, le conseil d'administration de France Télévisions était bien compétent pour fixer les conditions de commercialisation des espaces publics des chaînes de France Télévisions et n'a violé ni l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986, ni le décret du 27 mars 1992, ni les cahiers des charges ; qu'il ne s'est substitué, ni à l'action du législateur, ni à celle du pouvoir réglementaire ; qu'il n'appartient pas à la société France Télévisions de répondre au moyen tiré de l'exception d'illégalité de la lettre ministérielle ; qu'en tout état de cause, elle ne pouvait que tirer les conséquences de la situation de fait constatée par la lettre de la ministre de la culture et de la communication du 15 décembre 2008 et du souhait exprimé par son actionnaire unique ;
Vu, enregistré le 3 février 2009, le mémoire en réplique présenté pour Mme V et autres ; ils soutiennent que la décision contestée est bien un acte administratif en ce qu'elle affecte l'organisation de la mission de service public confiée à France Télévisions ; qu'elle n'a pas épuisé ses effets ; que le Conseil d'Etat est bien compétent ; que le conseil d'administration de France Télévisions n'était pas compétent pour prendre la décision attaquée, qui ne saurait constituer une simple décision de gestion du service ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, enregistrées le 4 février 2009, les notes en délibéré présentées pour Mme V et autres dans les instances 324238 et 324408 ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi modifiée n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
Vu le décret n°92-280 du 27 mars 1992 ;
Vu les décrets modifiés 94-813 du 16 septembre 1994, 95-71 du 20 janvier 1995 et 2005-286 du 29 mars 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme Nicole V et d'autre part, la ministre de la culture et de la communication et le représentant de France Télévisions ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 3 février 2009 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;
- MM. Jack Z et Ivan AA, requérants ;
- Me Piwnica, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de France Télévisions ;
- les représentants de France Télévisions ;
- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la ministre de la culture et de la communication ;
- la représentante de la direction du développement médias ;
Considérant que les requêtes n° 324238 et 324408 présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une même ordonnance ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; que Mme V et les autres requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, d'une part, l'exécution de la lettre du 15 décembre 2008 de la ministre de la culture et de la communication demandant au président-directeur général de la société France Télévisions d'envisager les mesures nécessaires afin de ne plus commercialiser ses espaces publicitaires entre 20h et 6h sur France 2, France 3, France 4 et France 5 à partir du 5 janvier 2009, et, d'autre part, de la délibération du conseil d'administration de France Télévisions du 16 décembre 2008 par laquelle ce conseil prend acte du courrier ministériel arrêtant les orientations relatives à la suppression de la publicité entre 20h et 6h à compter du 5 janvier 2009 et confie au président directeur général la responsabilité de sa mise en oeuvre ;
Sur la compétence de la juridiction administrative et au sein de la juridiction administrative :
Considérant que la lettre de la ministre de la culture et de la communication du 15 décembre 2008, adressée au président-directeur général de France Télévisions, est ainsi rédigée : « Vous m'avez saisie de votre préoccupation concernant la programmation des messages publicitaires sur les antennes des chaînes de votre groupe à compter du 5 janvier 2009 en raison du délai d'examen par le Parlement du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision./ Les modalités de cette suppression de la publicité après 20 heures à compter du 5 janvier sont précisées par l'article 18 du projet de loi qui a été adopté à l'Assemblée nationale lors de la séance du 12 décembre./ Par ailleurs, comme vous le savez, le Parlement a adopté le projet de loi de finances pour 2009, qui prévoit une dotation de 450 M€ afin de compenser la perte de recettes commerciales liée à la suppression de la publicité après 20h sur les antennes de France télévisions. Les ressources du groupe sont donc désormais garanties pour l'année 2009./ La suppression en soirée de la publicité, annoncée en juin dernier, a été intégrée par les annonceurs dans leurs plans de communication, a été longuement préparée par vos équipes et constitue l'un des fondements de l'offre de programmes que vous avez présentée le 2 décembre. Il est évidemment souhaitable de maintenir le calendrier prévu, échéance qui est désormais connue et attendue par les téléspectateurs./ Aussi, je vous serais reconnaissante d'envisager les mesures nécessaires afin de ne plus commercialiser vos espaces publicitaires entre 20h et 6h sur France 2, France 3, France 4 et France 5 à partir du 5 janvier prochain, conformément à l'esprit et à la lettre de réforme législative en cours. » ; et qu'aux termes de la délibération du 16 décembre 2008 du conseil d'administration de France Télévisions : « Le Président expose au conseil que le nouveau régime de la publicité sur les antennes des chaînes publiques doit, selon les termes du projet de loi relatif à la « communication audiovisuelle et aux nouveaux services de la télévision », prendre effet dès le 5 janvier 2009./ Il s'avère aujourd'hui que la publication de la loi ne pourra intervenir avant cette date./ La ministre a adressé au président directeur général un courrier en date du 15 décembre 2008, dont le conseil d'administration a pris connaissance./ Ce courrier invite le président à prendre les mesures nécessaires pour ne plus commercialiser, à compter du 5 janvier 2009, les espaces publicitaires entre 20h et 6h sur France 2, France 3, France 4, France 5, conformément à l'esprit et à la lettre de la réforme législative en cours./ Le conseil d'administration de France Télévisions, considérant : - que France Télévisions a déjà du prendre un certain nombre de dispositions en raison du temps nécessaire pour mettre en oeuvre, d'une part, le nouveau dispositif publicitaire et d'autre part, les grilles de programmes adaptées en conséquence,/ - et que la loi de finances pour 2009, votée dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale et au Sénat comporte une dotation de 450 millions d'euros au profit de France Télévisions afin de compenser la perte de recettes publicitaires engendrée par la suppression de la publicité après 20h à compter du 5 janvier 2009,/ prend acte du courrier de la ministre arrêtant les orientations relatives à la suppression de la publicité en 20h et 6h à compter du 5 janvier 2009 et confie au président directeur général la responsabilité de sa mise en oeuvre.» ;
Considérant qu'en l'état de l'instruction, ne paraît pas manifestement insusceptible de relever de la compétence de la juridiction administrative et, en son sein de celle du Conseil d'Etat, normalement ou par la voie de la connexité, la contestation par Mme V et autres de la lettre et de la délibération précitées, relatives toutes deux à l'application sur France 2, France 3, France 4, et France 5, sociétés nationales de programme, dès le 5 janvier 2009, des règles nouvelles de commercialisation des espaces publicitaires contenues dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision par la société France Télévisions, chargée en application de l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 de coordonner les politiques de programmes et l'offre de service et de gérer les affaires communes de ces sociétés, qui poursuivent comme elle-même, en vertu de l'article 43-11 de la même loi, des missions de service public ;
Sur la condition d'urgence et, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir invoquées en défense ;
Considérant que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;
Considérant que le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a été, à la date de la présente ordonnance, adopté par le Parlement ; que la loi, est, sous réserve de la saisine du Conseil constitutionnel, en instance de promulgation ; que, par ailleurs une dotation de 450 millions d'euros a été inscrite dans la loi de finances pour 2009 afin de compenser les pertes de recettes publicitaires du groupe France Télévisions ; que l'illégalité invoquée des actes dont la suspension est demandée ne serait pas par elle-même de nature à caractériser une situation d'urgence ; qu'enfin, la suspension, demandée les 19 et 23 janvier 2009, n'aurait d'effet pratique sur la programmation qu'au terme d'un délai de plusieurs mois, eu égard aux contraintes du marché de la publicité et à celles de la programmation des émissions de télévision ; qu'ainsi, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative pour qu'une suspension puisse être prononcée n'est pas satisfaite ; que par suite les requêtes ne peuvent qu'être rejetées, y compris en ce qu'elles comportent des demandes de remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;