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23/12/2008 | FRANCE | N°322354

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 décembre 2008, 322354


Vu la requête et le nouveau mémoire, enregistrés les 12 novembre et 10 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Kai A, élisant domicile pour la présente instance chez M. Yves B, ... ; M. Kai A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 22 septembre 2008 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté son recours dir

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Vu la requête et le nouveau mémoire, enregistrés les 12 novembre et 10 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Kai A, élisant domicile pour la présente instance chez M. Yves B, ... ; M. Kai A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 22 septembre 2008 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté son recours dirigé contre la décision du 28 juillet 2008 par laquelle le consul de France à Wuhan (Chine) lui a refusé un visa de long séjour en vue de rejoindre son partenaire de pacte civil de solidarité ;

2°) d'enjoindre au consul de France à Wuhan et au ministre de lui délivrer un visa d'entrée en France ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que le refus de visa contesté est opposé à un étranger partenaire de pacte civil de solidarité d'un ressortissant français et que cette décision a pour effet de prolonger leur séparation géographique depuis plus de sept mois ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'elle est tout d'abord entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, la stabilité et la réalité de la relation du requérant avec son partenaire est attestée, l'administration n'apportant pas la preuve du caractère frauduleux de leur relation ; que le requérant ne représente aucune menace à l'ordre public et a fait la preuve de son intégration dans la société française ; que la décision contestée a également pour effet de prolonger la durée de séparation contrainte des partenaires de pacte civil de solidarité, portant ainsi atteinte au droit au respect de leur vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas formé de recours direct auprès du ministre ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie du recours présenté le 14 août 2008 à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et la copie de la requête en annulation présentée par M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2008, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions à fin d'injonction sont manifestement irrecevables dès lors qu'elles auraient des effets identiques à l'annulation de la décision attaquée, excédant ainsi la compétence du juge des référés ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la décision contestée ne saurait être considéré comme fondé ; qu'en effet, l'existence d'un PACS signé entre un ressortissant français et un ressortissant étranger ne crée pas légalement de droit au séjour en France au profit de ce dernier ; qu'en outre, les rares justificatifs produits à l'appui de la requête et le caractère variable des motifs de séjour en France avancés par le requérant à ses différents interlocuteurs ne sont pas en mesure de démontrer que ce dernier entretient avec M. B une relation suivie et sérieuse depuis plusieurs années ; que par conséquent le refus de visa contesté n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, ne constituant donc pas une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ces éléments que la condition d'urgence ne saurait être considérée comme remplie en l'espèce ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 16 décembre 2008 à 12 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me ORTSCHEIDT, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- M. B ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été prolongée ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 16 décembre 2008, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui précise que la décision du 22 septembre 2008 a été prise à la suite de la transmission, par les services de la Présidence de la République, d'un courrier électronique adressé au Président de la République par M. B ; le ministre soutient qu'ainsi cette décision statue sur un recours hiérarchique ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 17 décembre 2008, présenté pour M. A, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre que la décision du ministre en date du 22 septembre, qui n'est pas la réponse à un recours hiérarchique formé par lui-même, est entachée d'incompétence ; il conclut en outre, à titre subsidiaire, à la suspension de la décision implicite de rejet de son recours par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 décembre 2008, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui soutient que la seule décision contestée dans l'instance est le rejet implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 décembre 2008, présenté par M. A, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 décembre 2008, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui reprend les conclusions de ses précédents mémoires et les mêmes moyens ;

Vu les pièces dont il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la décision du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que les conclusions dirigées contre la décision du ministre de l'immigration, de l'identité nationale et du développement solidaire en date du 22 septembre 2008 rejetant un recours hiérarchique, formé au nom de M. A, contre la décision du 28 juillet 2008 des autorités consulaires françaises à Wuhan (Chine) refusant à l'intéressé un visa de long séjour sont irrecevables car la décision implicite postérieure par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable obligatoire formé par M. A le 14 août 2008 s'est entièrement substituée à la décision ministérielle ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 22 décembre 2008, présenté pour M. A, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens et précise qu'en tant que de besoin la requête doit être regardée comme dirigée contre la décision de rejet implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de la décision du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire en date du 22 septembre 2008 :

Considérant que M. B a adressé le 31 août 2008 au Président de la République un courrier électronique contestant le refus de visa de long séjour opposé le 28 juillet 2008 par le consul de France à Wuhan (Chine) à son partenaire de pacte civil de solidarité, M. Kai A ; que ce courrier a été transmis au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui a rejeté, par décision du 22 septembre 2008, ce recours qui doit être regardé comme un recours hiérarchique formé au nom de M. A ; que toutefois, postérieurement à ce rejet, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie à son tour par les soins de M. A, s'est prononcée par une décision de rejet implicite sur son recours deux mois après son enregistrement ; que cette nouvelle décision s'est entièrement substituée à la décision ministérielle ; qu'ainsi les conclusions d'excès de pouvoir dirigées contre cette dernière décision ne pourraient être que jugées irrecevables par le juge du fond ; que, par suite, les conclusions présentées devant le juge des référés et tendant à sa suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ne peuvent être que rejetées ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de la décision implicite de la commission des recours contre les refus de visa d'entrée en France :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B, de nationalité française, et M. A, de nationalité chinoise, se sont rencontrés au Cambodge en 2004 ; que M. B a participé au financement des études de M. A en Chine ; que M. A a séjourné en France chez M. B de novembre 2006 à avril 2008, date à laquelle il a dû retourner en Chine faute de pouvoir séjourner régulièrement en France ; que M. B et M. A ont conclu le 9 mai 2007 un pacte civil de solidarité ; que, dans ces circonstances, et alors que les documents produits par M. B ne sont pas entachés des contradictions invoquées par le ministre, le moyen tiré de ce que le refus de visa contesté porte une atteinte excessive au droit de M. A au respect de sa vie privée et méconnaît ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales paraît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ce refus ; qu'eu égard à la séparation résultant du refus de visa, la condition d'urgence doit être regardée comme satisfaite ; qu'il en résulte que M. A est fondé à demander la suspension de l'exécution de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que si M. A demande que soit enjoint au ministre de lui délivrer un visa de long séjour, l'exécution de cette injonction aurait des effets identiques à ceux de la mesure d'exécution que cette autorité serait tenue de prendre en cas d'annulation pour excès de pouvoir de la décision de refus de la commission de recours ; qu'il n'appartient pas, dès lors, au juge des référés de prononcer l'injonction demandée, mais seulement, comme le demande M. A à titre subsidiaire, d'ordonner au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder à un nouvel examen de la demande de visa de l'intéressé dans le délai de trente jours à compter de la notification de la présente ordonnance ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, rejetant le recours de M. A, est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa de long séjour présentée par M. A dans les trente jours suivant la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4: La présente ordonnance sera notifiée à M. Kai A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 322354
Date de la décision : 23/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2008, n° 322354
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Avocat(s) : SCP VUITTON, ORTSCHEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:322354.20081223
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