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22/08/2008 | FRANCE | N°318277

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 22 août 2008, 318277


Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mamadou Sanoussy A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Dakar refusant la délivrance de visas de long séjour en faveur de deux de ses enfants

;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'...

Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mamadou Sanoussy A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Dakar refusant la délivrance de visas de long séjour en faveur de deux de ses enfants ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer aux enfants un visa de long séjour dans un délai de cinq jours à compter de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie dans la mesure où la décision contestée porte une atteinte grave et immédiate à ses intérêts et à ceux de ses enfants ; qu'en effet, les enfants sont séparés de leurs parents en raison de l'inertie des autorités publiques depuis plus de six ans et vivent en Guinée dans des conditions précaires ; qu'en outre, il est impossible pour M. et Mme Bah, réfugiés statutaires, de se rendre en Guinée pour voir leurs deux enfants ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que cette décision est contraire à l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui impose qu'un récépissé indiquant la date de dépôt de la demande de visa soit remis par les autorités consulaires à l'auteur de la demande ; que, c'est à tort que les autorités consulaires ont estimé que les actes de naissance des deux enfants produits n'étaient pas authentiques et que les jugements supplétifs fournis n'avaient pas de valeur probante ; que par conséquent, la décision contestée porte atteinte, d'une part, aux articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et, d'autre part, à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la copie du recours enregistré le 22 janvier 2008 par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. A ;

Vu, enregistré le 18 août 2008, le mémoire présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête : il soutient que l'absence de remise d'un accusé de réception formel de la demande de visa présentée par M. A ne peut avoir d'incidence sur la légalité de la décision contestée ; que, contrairement à ce que soutient M. A, l'administration ne dispose pas en l'espèce d'une marge d'appréciation restreinte ; que l'existence de la décision préfectorale autorisant le regroupement familial, qui n'implique pas la délivrance de plein droit d'un visa, n'est pas démontrée ; que la filiation entre le requérant et les enfants Thierno et Aïssatou n'est nullement établie dans la mesure où ont été produits des actes de naissance non authentiques et des jugements supplétifs dépourvus de valeur probante ; qu'en effet, d'une part, aucune trace d'enregistrement des actes de naissance des deux enfants n'a pu être trouvée auprès de l'état civil guinéen et d'autre part, plusieurs éléments tendent à démontrer que les jugement supplétifs produits constituent des documents de complaisance ; que la production d'actes frauduleux ou apocryphes est une circonstance qui justifie à elle seule le rejet des demandes de visas pour les enfants Thierno et Aïssatou ; que, de même, il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. A n'est pas fondé à soutenir que les décisions contestées auraient été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'au surplus, M. et Mme A ne justifient pas entretenir et maintenir des relations régulières avec leur famille supposée ; qu'ainsi, la condition d'urgence n'est pas satisfaite ; que, notamment, aucun document n'est produit à l'appui des allégations du requérant relatives à la situation de précarité dans laquelle vivraient en Guinée les deux enfants ;

Vu, enregistré le 19 août 2008, le nouveau mémoire présenté par M. A qui persiste dans ses conclusions : il soutient, en outre, que contrairement à ce que fait valoir l'administration, lui comme son épouse se sont toujours inquiétés du sort de leurs deux enfants ; que s'ils ne pouvaient, au départ, se rendre en Afrique pour voir leurs enfants avant d'avoir obtenu la qualité de réfugiés, ils se sont, par la suite, rendus à Dakar à plusieurs reprises ; qu'il contribue également financièrement à l'entretien et l'éducation des deux enfants ;

Vu, enregistré le 20 août 2008, le nouveau mémoire présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui persiste dans ses conclusions : il soutient, au surplus, qu'il est surprenant que M. A, qui avait initialement précisé que la séparation d'avec ses enfants était complète et durait depuis plus de six ans, indique désormais s'être rendu au Sénégal pour leur rendre visite ; que M. A ne rapporte aucune preuve de sa contribution financière à l'éducation des enfants ; qu'enfin M. A ne démontre toujours pas le caractère précaire des conditions dans lesquelles vivraient les enfants en Guinée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 22 août à 12 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Bouzidi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- M. et Mme A ;

- les représentants du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que si la condition d'urgence est de nature à être regardée comme remplie eu égard à l'ancienneté des démarches accomplies par des parents étrangers pour obtenir le rapprochement sur le territoire national de leurs enfants mineurs, il ressort des pièces du dossier et de l'échange d'arguments effectué à l'occasion de la séance de ce jour que M. et Mme A n'ont justifié par aucun document probant d'une détérioration récente et sensible des conditions d'existence et d'éducation des deux enfants concernés ; que M. et Mme A ont déclaré, après les avoir confiés à des oncles au Sénégal, avoir pris l'initiative de les faire héberger par une personne sans aucun lien de famille en Guinée, pays où ils ne peuvent se rendre au regard de leur statut de réfugié ; que dans les circonstances particulières de l'espèce, et en l'état des pièces et documents versés au dossier, les conditions d'urgence requises ne peuvent être regardées comme remplies ; que dès lors, en tout état de cause, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin de suspension de la requête ainsi que celles à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Mamadou Sanoussy A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Mamadou Sanoussy A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 318277
Date de la décision : 22/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 aoû. 2008, n° 318277
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Schrameck
Rapporteur ?: M. Olivier Schrameck
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:318277.20080822
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