Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 13 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Monica A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 10 janvier 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 18 octobre 2007 du directeur du groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul-la-Roche-Guyon mettant fin à son contrat avec effet au 18 janvier 2008 ;
2°) statuant comme juge des référés, de prononcer la suspension de l'exécution de la décision du 18 octobre 2007 ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance Publique-hôpitaux de Paris, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Richard, avocat Mme A et de Me Foussard, avocat de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il résulte de l'article R. 6152-610 du code de la santé publique que les praticiens attachés à un établissement hospitalier sont, à l'issue d'un première période de vingt quatre mois, recrutés sur un contrat de trois ans renouvelable de droit par tacite reconduction ; qu'ils peuvent être licenciés pour motifs disciplinaires et sans indemnité selon l'article R. 6152-626 du code, après avis de la commission médicale d'établissement ou, le cas échéant, du comité consultatif médical ainsi que du médecin inspecteur régional après communication du dossier ; qu'ils peuvent, selon l'article R. 6152-628 du même code, être licenciés moyennant une indemnité qui est fixée compte tenu du nombre d'années de services effectifs accomplis dans l'établissement, pour des motifs d'insuffisance professionnelle laquelle consiste en « une incapacité dûment constatée du praticien à accomplir les travaux ou à assumer les responsabilités relevant normalement de ses fonctions », après avis de la commission médicale d'établissement ou, le cas échéant, du comité consultatif médical, ainsi que du médecin inspecteur régional ou du pharmacien inspecteur régional de santé publique et communication du dossier ; que l'article R. 6152-629 du code dispose enfin que : « Lorsque, à l'issue des différents congés maladie, longue maladie, longue durée, accident du travail, le praticien attaché bénéficiant d'un contrat de trois ans est déclaré définitivement inapte par le comité médical prévu à l'article R. 6152-36, il est licencié.../ Le praticien attaché qui bénéficie d'un contrat triennal peut être licencié, après avis de la commission médicale d'établissement ou, le cas échéant, du comité consultatif médical. Le préavis est alors de trois mois. La décision de licenciement prononcée par le directeur est motivée.... » ; qu'il résulte de ces dispositions que le licenciement d'un praticien attaché avant le terme de son contrat pour des motifs tenant à sa personne autre que son inaptitude médicale définitive ne peut être prononcé que pour des raisons disciplinaires ou d'insuffisance professionnelle et selon les procédures prévues aux articles R. 6152-626 ou R. 6152-628 du code ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par lettre en date du 18 octobre 2007, le directeur du groupe hospitalier-Cochin-Saint-Vincent-de-Paul-la-Roche-Guyon a informé Mme A de la décision de l'hôpital de mettre fin, de manière anticipée, à son contrat triennal, avec un préavis de trois mois, au motif que les difficultés et tensions graves générées par son comportement au sein du centre des hémophiles étaient préjudiciables au bon fonctionnement de cette structure et que les tensions en résultant ne permettaient pas à l'équipe médicale et paramédicale d'exercer ses missions et activités dans un climat serein, confraternel et sécurisé ; que cette décision de licenciement prise pour des motifs tenant au comportement de l'intéressée n'a été précédée d'aucune des garanties procédurales figurant aux articles R. 6152-626 et R. 6152-628 ; que dès lors, en jugeant que le moyen tiré de ce que les procédures prescrites par les articles R. 6152-626 et R. 6152-628 n'avaient pas été respectées, n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 18 octobre 2007, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit ; que Mme A est, par suite, fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de son ordonnance du 10 janvier 2008 ;
Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mme A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) » ;
Considérant, d'une part, que la décision litigieuse a pour effet de mettre fin, de manière anticipée, au contrat triennal qui liait Mme A à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ; que la condition d'urgence exigée par les dispositions précitées doit, par suite, être regardée comme remplie ;
Considérant, d'autre part, que l'un au moins des moyens invoqués par Mme A à l'appui de sa requête en annulation de la décision litigieuse du directeur du groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul-la-Roche-Guyon et tiré de l'irrégularité de la procédure ayant précédé son licenciement paraît, en l'état de l'instruction, propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision ; qu'il convient, en conséquence, de prononcer la suspension de la décision du directeur du groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul en date du 18 octobre 2007 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris la somme de 3 000 euros que demande Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A la somme que demande l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à ce titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 10 janvier 2008 est annulée.
Article 2 : La décision du directeur du groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul-la-Roche-Guyon du 18 octobre 2007 mettant fin au contrat triennal de Mme A est suspendue.
Article 3 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris versera à Mme Monica A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Monica A et à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.
Copie pour information en sera communiquée à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.