Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE LES LABORATOIRES THERANOL DEGLAUDE, dont le siège est 72, rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (75008), représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE LES LABORATOIRES THERANOL DEGLAUDE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 31 mai 2006 du directeur de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) rejetant ses recours gracieux dirigés contre les deux décisions du 3 février 2006 par lesquelles ce dernier a retiré l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité Moderatan 75 mg gélule et celle de la spécialité Fenproporex action prolongée Deglaude 20 mg comprimé ;
2°) d'enjoindre au directeur de l'AFSSAPS de retirer ses deux décisions du 3 février 2006 ou, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction des recours gracieux qu'elle a présentés contre ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'AFSSAPS le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'arrêt rendu le 24 juillet 2003 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire C-39/03, ensemble les jugements rendus le 26 novembre 2002 par le tribunal de première instance des Communautés européennes dans les affaires T-74/00, T-76/00, T-83/00 à T-85/00, T-132/00, T-137/00 et T-141/00 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Berti, chargé des fonctions de Maître des requêtes,
- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, en vigueur à la date des décisions attaquées, et de l'article R. 5121-47 du même code, que les autorisations de mise sur le marché d'une spécialité pharmaceutique peuvent être suspendues ou retirées par le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) lorsqu'il apparaît que la spécialité pharmaceutique est nocive dans les conditions normales d'emploi ou que l'effet thérapeutique annoncé fait défaut ;
Considérant que, par une décision du 15 octobre 1999, le directeur de l'Agence du médicament a suspendu l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité Moderatan 75 mg, gélule et celle de la spécialité Fenproporex action prolongée Deglaude 20 mg, comprimé dont bénéficiait la SOCIETE LES LABORATOIRES THERANOL DEGLAUDE, au motif que ces spécialités anorexigènes amphétaminiques, qui contiennent respectivement de l'amfépramone et du fenproporex, présentaient un « rapport bénéfices/risques » défavorable ; que cette suspension a été renouvelée pour la troisième fois par une décision du 21 août 2003 dans l'attente de la communication par la société titulaire de données actualisées sur le bénéfice thérapeutique et la sécurité de ces médicaments depuis 1999 ; que, par deux décisions du 3 février 2006, le directeur général de l'AFSSAPS a prononcé le retrait de ces autorisations de mise sur le marché ; que la SOCIETE LES LABORATOIRES THERANOL DEGLAUDE demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 31 mai 2006 par laquelle le directeur de l'AFSSAPS a rejeté ses recours gracieux présentés contre ces décisions ;
Considérant, en premier lieu, que les conditions de publication d'une décision administrative sont, en principe, sans incidence sur sa légalité, laquelle s'apprécie à la date de son édiction ; que, par suite, la SOCIETE LES LABORATOIRES THERANOL DEGLAUDE ne peut utilement se prévaloir de ce que les décisions du 3 février 2006 n'ont pas fait l'objet de la publication prescrite par les dispositions de l'article R. 5121-50 du code de la santé publique ni de la publicité prévue, de manière d'ailleurs facultative, par l'article R. 5121-47 du même code ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le tribunal de première instance des Communautés européennes a annulé, par plusieurs jugements du 26 novembre 2002, les décisions de la Commission européenne du 9 mars 2000 demandant le retrait du marché des spécialités comprenant du fenproporex et de l'amfépramone au double motif que celle-ci n'était pas compétente pour ordonner un tel retrait et que, « en tout état de cause », ces décisions méconnaissaient l'article 11 de la directive 65/65/CEE du Conseil du 26 janvier 1965 dont il résulte que la Commission européenne, en l'absence de données scientifiques ou d'informations nouvelles, ne pouvait revenir sur l'appréciation positive de l'efficacité des substances en cause qu'elle avait émise précédemment, ces jugements ne faisaient cependant pas obstacle, par eux-mêmes, à ce que le directeur général de l'AFSSAPS, dans le cadre de la compétence des Etats membres reconnue par ces mêmes jugements, porte une appréciation propre sur l'efficacité des spécialités en cause et les risques que comporte leur utilisation et décide, au vu des éléments dont il dispose et de ses décisions antérieures, de procéder au retrait de l'autorisation de mise sur le marché des produits litigieux ;
Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des résultats des différentes enquêtes réalisées sur les anorexigènes amphétaminiques, de l'avis du comité des spécialités pharmaceutiques en date du 31 août 1999 recommandant le retrait définitif du marché des spécialités anorexigènes et des avis émis en 2004 et 2005 par la commission d'autorisation de mise sur le marché, d'une part, que les spécialités à base d'amfépramone et de fenproporex ne produisent que des effets modestes et de court terme, alors qu'il est admis que le traitement de l'obésité requiert une action de long terme entraînant une perte de poids progressive et significative, et, d'autre part, que leur utilisation entraîne des effets indésirables, notamment une pharmacodépendance et des difficultés cardio-vasculaires, et n'est pas exempte de tout risque, en particulier d'hypertension artérielle pulmonaire primitive ; qu'il ressort d'ailleurs d'une enquête réalisée en 2004 auprès des quinze Etats alors membres de l'Union européenne que le fenproporex était interdit dans la totalité de ceux-ci et que l'amfépramone l'était dans onze d'entre eux ; que, si la société requérante soutient que certains anorexigènes tels que l'orlistat et la sibutramine n'ont pas fait l'objet d'une mesure de retrait, elle ne conteste en tout état de cause pas les affirmations de l'AFSSAPS selon lesquelles ces spécialités présenteraient un « rapport bénéfices/risques » favorable et que leur mécanisme d'action serait différent de celui des produits commercialisés par la SOCIETE LES LABORATOIRES THERANOL DEGLAUDE ; que, dans ces conditions, et en l'absence d'éléments nouveaux produits par la société à la suite des mesures de suspension devenues définitives dont faisaient l'objet les deux spécialités en cause et susceptibles de remettre en cause l'appréciation qu'il avait portée en 1999, le directeur général de l'AFSSAPS n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, entaché son appréciation d'erreur manifeste ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la SOCIETE LES LABORATOIRES THERANOL DEGLAUDE doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE LES LABORATOIRES THERANOL DEGLAUDE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LES LABORATOIRES THERANOL DEGLAUDE et à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.