Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 août et 28 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Zoïta B, exerçant ... ; Mme B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 30 juin 2005 par laquelle la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, réformant la décision du 17 juin 2004 de la section des assurances sociales du conseil régional de l'ordre de Haute-Normandie statuant sur une plainte du médecin conseil, chef du service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen, lui a infligé la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée d'un an, assortie d'un sursis pour la période excédant six mois, et a décidé la publication de cette sanction dans les locaux de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la plainte du médecin-conseil chef du service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen ;
3°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nicole Guedj, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de Mme B et de Me Foussard, avocat du médecin-conseil chef du service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que, si le juge disciplinaire peut, après avoir indiqué la nature des faits reprochés au praticien qu'il considère comme fautifs, désigner par référence à des numéros de dossiers joints à la plainte les griefs qu'il a retenus, il lui appartient toutefois, lorsque cette simple référence ne suffit pas à identifier ces griefs d'apporter les précisions complémentaires nécessaires à cette fin ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le médecin conseil, chef du service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen, a saisi la section des assurances sociales du conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Haute-Normandie d'une plainte contre Mme B ; que chacun des cent cinquante-sept dossiers joints à la plainte mentionnait, pour un patient identifié par un numéro, les actes considérés comme fautifs par le plaignant ; que, saisie en appel, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre a, par une décision du 30 juin 2005, prononcé à l'encontre de Mme B une sanction d'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux en retenant notamment le fait pour le praticien d'avoir, dans treize dossiers identifiés par leur numéro, facturé vingt-huit « inlays-core » sans les avoir réalisés ainsi que le fait d'avoir pratiqué vingt-huit cotations excédant celles prévues par la nomenclature générale des actes professionnels dans dix-sept dossiers également identifiés par leur numéro ; que, toutefois, d'une part les treize dossiers mentionnent un nombre d'« inlays-core » facturés sans être réalisés supérieur à vingt-huit et, d'autre part, les dix-sept dossiers ne mentionnent pas tous des surcotations ; que la décision attaquée ne précise pas si, comme il est soutenu en défense devant le juge de cassation, ces discordances entre les mentions de la décision attaquée et celles des dossiers joints à la plainte auxquels cette décision se réfère résulteraient de la circonstance que le juge disciplinaire aurait considéré que certains des actes mentionnés par le plaignant comme facturés mais non réalisés devraient être en réalité qualifiés de surcotations ; que, dans ces conditions, Mme B, qui s'était défendue de façon précise devant les juges du fond pour chacun des actes tels qu'ils étaient qualifiés dans la plainte, est fondée à soutenir que la décision attaquée, qui ne permet d'identifier ni les facturations sanctionnées par le juge disciplinaire comme correspondant à des actes non réalisés ni celles sanctionnées par lui comme des surcotations, ne met pas ainsi à même le juge de cassation d'exercer son contrôle et qu'elle est par suite entachée d'une insuffisance de motivation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B est fondée à demander l'annulation de la décision de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes du 30 juin 2005 ; que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions du médecin conseil, chef du service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen ainsi que de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que Mme B n'est pas fondée à demander l'application de ces dispositions à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen, qui n'est pas partie à l'instance ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes du 30 juin 2005 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du médecin conseil, chef du service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen ainsi que de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Zoïta B, au médecin conseil, chef du service médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen, à la caisse nationale maladie des travailleurs salariés et au président de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.