La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2008 | FRANCE | N°305125

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 27 juin 2008, 305125


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 avril 2007 et 23 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour LA POSTE, dont le siège est 44 boulevard de Vaugirard à Paris Cedex 15 (75757) ; LA POSTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 28 février 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a : 1°/ annulé les décisions des 14 avril 2004, 8 octobre 2004 et 4 mai 2005 de LA POSTE portant notation de Mme Valérie A au titre de l'année

2003 ; 2°/ enjoint à LA POSTE de prendre une nouvelle décision portant n...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 avril 2007 et 23 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour LA POSTE, dont le siège est 44 boulevard de Vaugirard à Paris Cedex 15 (75757) ; LA POSTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 28 février 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a : 1°/ annulé les décisions des 14 avril 2004, 8 octobre 2004 et 4 mai 2005 de LA POSTE portant notation de Mme Valérie A au titre de l'année 2003 ; 2°/ enjoint à LA POSTE de prendre une nouvelle décision portant notation de Mme A au titre de cette même année ; 3°/ mis à la charge de LA POSTE la somme de 1000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) statuant au fond, de rejeter la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée, ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée ;

Vu le décret n° 72-420 du 25 mai 1972 modifié ;

Vu le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 modifié ;

Vu le décret n° 90-1231 du 31 décembre 1990 modifié ;

Vu le décret n° 92-932 du 7 septembre 1992 modifié ;

Vu le décret n° 94-130 du 11 février 1994 modifié ;

Vu le décret n° 2001-614 du 9 juillet 2001 ;

Vu l'arrêté du 9 juillet 2001 du ministre chargé de l'industrie pris pour l'application du décret du 9 juillet 1991 ;

Vu la décision du président du conseil d'administration de La Poste en date du 2 janvier 2004 ;

Vu la décision du directeur du centre régional des services financiers de Marseille en date du 1er juin 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sophie-Justine Liéber, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Haas, avocat de LA POSTE et de Me Carbonnier, avocat de Mlle A,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;



Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en retenant le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 14 avril 2004 pour annuler les décisions contestées, le tribunal administratif de Marseille, qui n'a pas soulevé ce moyen d'office, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ; que ce moyen pouvait être soulevé devant le tribunal administratif sans l'avoir été préalablement lors des recours préalables introduits par la requérante, qui n'avaient pas de caractère obligatoire ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 9 juillet 2001 susvisé relatif à la notation des fonctionnaires de LA POSTE et des fonctionnaires de France Télécom : « La notation qui exprime la valeur professionnelle des fonctionnaires de La Poste et des fonctionnaires de France Télécom est établie annuellement et comporte pour chaque fonctionnaire : /1° Une appréciation d'ordre général qui rend compte de sa manière de servir, notamment de l'évolution de sa valeur professionnelle par rapport à l'année précédente ainsi que de son aptitude à exercer, dans l'immédiat ou dans l'avenir, au besoin après une formation appropriée, des fonctions différentes de même niveau ou d'un niveau supérieur ; / 2° L'indication d'un niveau de valeur qui est déterminé d'après une échelle de cotation à quatre niveaux (...) ; qu'aux termes de l'article 2 dudit décret : « La notation définie à l'article 1er ci-dessus est arrêtée par le chef de service après un entretien qui réunit le fonctionnaire et son supérieur hiérarchique pour un examen des éléments qui caractérisent la valeur professionnelle de ce fonctionnaire. Elle donne lieu à l'établissement d'une notice individuelle de notation. / Chaque fonctionnaire reçoit communication de sa notice de notation. Il peut y porter ses observations avant de la retourner au chef de service. » ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : « Le fonctionnaire peut demander une médiation sur sa notation avant un recours devant la commission administrative paritaire. En ce cas, le chef de service ayant le pouvoir de notation réunit une commission de médiation (...). / La commission peut prendre toute disposition pour l'instruction de la réclamation, y compris l'audition du fonctionnaire intéressé et de la personne ayant conduit l'entretien. Elle peut proposer au chef de service de modifier tout ou partie de la notation. / La saisine de la commission de médiation conserve le délai du recours contentieux. » et qu'aux termes de l'article 15 du décret du 12 décembre 1990 susvisé portant statut de LA POSTE : « Le président du conseil d'administration peut déléguer tout ou partie de ses attributions propres. / (...) / Le président peut en outre déléguer aux chefs des services déconcentrés tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement, de nomination et de gestion des personnels qui relèvent de leur autorité, sous réserve, pour les personnels fonctionnaires, de la mise en place de commissions administratives paritaires locales et du respect du principe d'égalité. / Dans le cadre des délégations de pouvoirs qui leur sont consenties, les chefs des services déconcentrés peuvent déléguer leur signature à leurs collaborateurs immédiats, chargés de la gestion des personnels, en ce qui concerne l'ensemble des personnels relevant de leur service, ainsi qu'aux chefs d'unité opérationnelle, en ce qui concerne les personnels relevant de leur unité. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que par une décision du 2 janvier 2004 portant déconcentration en matière de recrutement et de gestion des personnels, prise en application des dispositions précitées de l'article 15 du décret du 12 décembre 1990, le président du conseil d'administration de LA POSTE a notamment délégué ses pouvoirs en matière de notation et d'appréciation des personnels de classe I à III aux directeurs des centres régionaux des services financiers, d'une part, et a autorisé ces mêmes directeurs à déléguer leur signature « à leurs collaborateurs chargés de la gestion des ressources humaines et aux responsables des services et des établissements placés sous leur autorité », d'autre part, que par décision du 1er juin 2004 portant délégation en matière d'organisation et de fonctionnement des services, le directeur du centre régional des services financiers (CRSF) de Marseille a délégué sa signature au directeur des ressources humaines du centre régional, « pour prendre, pour l'ensemble des personnels fonctionnaires (...) affectés au CRSF de Marseille, toute mesure conformément à la décision n° 1 du 2 janvier 2004 du président du conseil d'administration de La Poste (...), à l'exception des mesures disciplinaires. » ; qu'en revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant cette date, le directeur « Projets Management de la Qualité » du CRSF de Marseille ait bénéficié d'une délégation de signature régulièrement consentie par le directeur du centre ;

Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite de l'entretien prévu par l'article 2 du décret du 9 juillet 2001, réalisé le 8 avril 2004, le supérieur hiérarchique direct de Mme A au centre régional des services financiers de Marseille, a proposé de fixer son appréciation globale au titre de l'année 2003 au niveau de valeur « B », pour « bon », deuxième niveau de l'échelle de cotation qui comporte en outre les niveaux « E », pour « excellent », « A », pour moyen, et « D » pour insuffisant ; que par décision du 14 avril 2004, M. Fernandez, directeur « Projets Management de la Qualité » du centre régional des services financiers de Marseille, a retenu la proposition du supérieur hiérarchique de Mme A et fixé son appréciation globale au niveau « B » pour « bon » ; que Mme A, dont l'appréciation au titre de l'année 2002 avait été fixée au niveau « E » pour « excellent », a sollicité, le 7 juin 2004, la médiation de la commission prévue par l'article 4 du décret du 9 juillet 2001 précité ; que la commission de médiation, réunie le 30 septembre 2004, a proposé de maintenir l'appréciation globale au niveau « B » ; que par décision du 8 octobre 2004, prise au vu de la proposition de la commission de médiation, le directeur des ressources humaines du centre régional des services financiers de Marseille a fixé l'appréciation globale de Mme A au niveau « B » ; que la commission administrative paritaire, saisie, en application de l'article 3 du décret du 9 juillet 2001 précité, d'un recours de Mme A tendant à la révision de la décision du 8 octobre 2004 fixant son appréciation au niveau « B », s'est prononcée, le 5 avril 2005 ; que par décision du 4 mai 2005, prise sur recours de la commission administrative paritaire, M. Cordoleani, directeur des ressources humaines du centre régional, a fixé l'appréciation globale de Mme A au niveau « B » ;

Considérant qu'en se fondant sur le seul vice d'incompétence de l'auteur de la décision initiale du 14 avril 2004, pour annuler par voie de conséquence les décisions des 8 octobre 2004 et 4 mai 2005, sans relever aucun vice propre susceptible d'affecter la légalité de ces deux décisions, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a entaché le jugement contesté d'erreur de droit ; que par suite, LA POSTE est fondée à en demander l'annulation en tant qu'il a annulé les décisions des 8 octobre 2004 et 4 mai 2005 et lui a enjoint de reprendre une nouvelle décision de notation de Mme A au titre de l'année 2003 ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du directeur des ressources humaines du centre régional des services financiers de Marseille, en date des 8 octobre 2004 et 4 mai 2005 :

Considérant que le directeur des ressources humaines du centre régional des services financiers de Marseille bénéficiait, en application de la décision précitée du 1er juin 2004 du directeur du centre portant délégation en matière d'organisation et de fonctionnement des services, d'une délégation de signature pour les décisions de notation et d'appréciation des personnels de classe I à III du centre ; que par suite, le moyen tiré de ce que les décisions des 8 octobre 2004 et 4 mai 2005 auraient été prises par une autorité incompétente doit être écarté ;

Considérant que la commission administrative paritaire, saisie d'un recours de Mme A tendant à la révision de la décision en date du 8 octobre 2004 du directeur des ressources humaines du centre régional des services financiers de Marseille fixant son appréciation au niveau « B », s'est réunie le 5 avril 2005, les voix de ses huit membres s'étant également partagées lors du vote ; que si Mme A soutient que ladite commission aurait été irrégulièrement composée au regard des dispositions combinées des décrets susvisés du 9 juillet 1991 et du 11 février 1994, elle n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé, et n'établit pas davantage en quoi l'irrégularité alléguée aurait été de nature à entacher la légalité de la décision de notation du 8 octobre 2004 prise au vu de l'avis de la commission administrative paritaire ;

Considérant qu'en fondant ses décisions en date des 8 octobre 2004 et 4 mai 2005 fixant le niveau d'appréciation de Mme A à « B », d'une part, sur les difficultés rencontrées par l'intéressée dans « l'appréhension de la restructuration de son service d'affectation », d'autre part, sur son manque de motivation, lors du premier semestre 2003, « pour se mettre à niveau dans le domaine de la téléphonie », l'autorité compétente, qui a suffisamment motivé ses décisions, n'a commis ni erreur de fait, ni erreur manifeste d'appréciation ; qu'elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit au regard de l'article 1er du décret du 9 juillet 1991 relatif à la notation et de l'arrêté du ministre chargé de l'industrie pris pour son application ; que Mme A ne saurait utilement se prévaloir des articles 52, 53 et 54 de l'instruction du 23 juillet 2001, qui comportent de simples recommandations à l'usage des notateurs ; qu'en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration ait méconnu lesdites recommandations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions du 8 octobre 2004 et 4 mai 2005 ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à LA POSTE de prendre une nouvelle décision portant notation au titre de l'année 2003 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de LA POSTE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A le versement de la somme de 2 000 euros demandée par LA POSTE au même titre ;

D E C I D E :
--------------
Article 1 : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille en date du 28 février 2007 est annulé en tant, d'une part, qu'il a annulé les décisions des 8 octobre 2004 et 4 mai 2005 du directeur des ressources humaines du centre régional des services financiers de Marseille de LA POSTE, d'autre part, qu'il a enjoint à LA POSTE de prendre une nouvelle décision portant notation de Mme A au titre de l'année 2003.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A devant le tribunal administratif de Marseille et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Mme A versera à LA POSTE la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à LA POSTE et à Mme Valérie A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2008, n° 305125
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mlle Sophie-Justine Liéber
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave Emmanuelle
Avocat(s) : HAAS ; CARBONNIER

Origine de la décision
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Date de la décision : 27/06/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 305125
Numéro NOR : CETATEXT000019081263 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2008-06-27;305125 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award