Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 octobre 2005 et 6 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme A, domiciliés ...
M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 8 août 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mai 2002 condamnant la commune de Moustiers-Sainte-Marie à leur verser la somme de 24 000 euros, rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune à l'indemnisation des troubles de jouissance subis du fait du fonctionnement de l'aire de stationnement communale, et mis à leur charge la somme de 152 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) réglant l'affaire au fond, de leur accorder l'indemnité demandée en cause d'appel avec intérêts de droit au jour de la demande et capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Moustiers-Sainte-Marie le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 22 mai et 26 mai 2008, présentées pour M. et Mme A ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. et Mme A et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la commune de Moustiers-Sainte-Marie,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision en date du 24 mars 1989, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a accordé à M. et Mme A une indemnité de 150 000 F en réparation des préjudices occasionnés par l'aménagement en contrebas de leur propriété d'une aire de stationnement par la commune de Moustiers Sainte Marie ; que, par son jugement du 14 mai 2002, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune à verser aux intéressés une deuxième indemnité de 24 000 euros en réparation des troubles de jouissance occasionnés par le fonctionnement de cet ouvrage du 20 mai 1992 au 29 mars 2000 et rejeté le surplus de leurs conclusions indemnitaires ; que, par un arrêt du 13 juin 2005 contre lequel M. et Mme A se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé l'article 2 du jugement précité accordant une indemnité de 24000 euros et rejeté les conclusions des intéressés tendant à être indemnisés des troubles de jouissance ;
Considérant qu'en vertu d'une règle générale de procédure applicable même sans texte, un membre d'une juridiction administrative ne peut pas participer au jugement d'un recours dirigé contre une décision juridictionnelle qui a été prise par une juridiction dont il était membre et aux délibérations de laquelle il a pris part ; que la circonstance qu'il a été donné satisfaction par les premiers juges aux conclusions d'une des parties ne fait pas obstacle à ce que cette dernière puisse se prévaloir devant le juge de cassation de la méconnaissance de cette règle ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'un des membres de la cour administrative d'appel de Marseille qui siégeait à la séance de la sixième chambre qui s'est tenue le 13 mai 2005 et au cours de laquelle a été examinée la requête présentée par la commune de Moustiers Sainte Marie contre le jugement du 14 mai 2002 du tribunal administratif de Marseille avait, en qualité de membre de ce tribunal administratif, pris part aux délibérations ayant donné lieu à ce jugement ; qu'ainsi, la composition de la cour administrative d'appel de Marseille était irrégulière ; que, dès lors, M. et Mme A sont fondés, pour ce motif, à demander l'annulation de l' arrêt en date du 13 juin 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au fond ;
Sur l'appel principal de la commune :
Considérant que, par sa décision du 24 mars 1989 précitée, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, après avoir relevé que les requérants demandaient à être indemnisés du préjudice subi du fait de l'aménagement d'un parc de stationnement à proximité de leur propriété, a jugé que, compte tenu tant des dimensions et des caractéristiques de cet ouvrage que de sa situation par rapport à leur propriété, il serait fait une juste appréciation des dommages subis , en condamnant la commune à leur payer une indemnité de 150 000 F ; qu'en statuant ainsi, le Conseil d'Etat a indemnisé les préjudices occasionnés tant par l'aménagement de cet ouvrage que par son utilisation dans des conditions conformes à sa destination ; que, par suite, la commune est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la somme allouée par le Conseil d'Etat tenait compte de la seule implantation illégale du parc de stationnement et non de ses conditions de fonctionnement ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions indemnitaires de M. et Mme A autres que celles qui ont été expressément rejetées par le tribunal administratif de Marseille et qui n'ont pas été reprises en appel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. et Mme A ont déjà été indemnisés pour le préjudice lié à l'utilisation par des autobus de l'aire de stationnement ; qu'il ne résulte de l'instruction ni que les conditions de cette utilisation auraient été modifiées depuis la décision précitée du 24 mars 1989 dans des proportions de nature à entraîner une aggravation de leur préjudice, ni que cette aire ait été utilisée par des usagers dans des conditions non conformes à sa destination ; que, par suite, la commune est fondée à soutenir que c'est à tort que par l'article 2 du jugement attaqué le tribunal administratif a accordé aux intéressés une indemnité de 24 000 euros du chef des troubles de jouissance ;
Sur l'appel incident de M. et Mme A :
Considérant que, pour les motifs indiqués ci-dessus, M. et Mme A ne sont pas fondés à demander par la voie de l'appel incident la condamnation de la commune à réparer les préjudices qu'ils auraient subis du fait des conditions d'utilisation de l'aire de stationnement ;
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune les sommes que demandent M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge des intéressés les sommes que demande la commune au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 8 août 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille et les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 14 mai 2002 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions incidentes présentées par M. et Mme A devant la cour administrative d'appel de Marseille tendant à ce que l'indemnité accordée par le tribunal administratif soit majorée sont rejetées.
Article 3 : La demande de M. et Mme A présentée devant le tribunal administratif et tendant à la condamnation de la commune de Moustiers-Sainte-Marie à leur verser une indemnité en réparation des troubles de jouissance occasionnés par le fonctionnement d'une aire de stationnement municipale est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées tant par M. et Mme A que par la commune de Moustiers-Sainte-Marie au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A, à la commune de Moustiers-Sainte-Marie et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.