Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 1er août et 1er décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'EARL GEORGES DE BLANQUET, dont le siège social est situé domaine du Château Bas à Vernègues (13116) ; l'EARL GEORGES DE BLANQUET demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 15 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement en date du 14 octobre 2003 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné la SNCF à lui verser la somme de 2 893 082,30 € en réparation des dommages occasionnés par le viaduc de Vernègues édifié pour le passage de la ligne TGV- Méditerranée ;
2°) de mettre à la charge de la SNCF une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 ;
Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 ;
Vu le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 ;
Vu le décret n° 97-445 du 5 mai 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Meyer-Lereculeur, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de l'EARL GEORGES DE BLANQUET, de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de Réseau ferré de France et de Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l'arrêt :
Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêt attaqué que pour juger que l'ensemble des conclusions de la requête de l'EARL GEORGES DE BLANQUET auraient dû être dirigées contre l'établissement public Réseau Ferré de France (RFF), la cour a notamment retenu que le fait générateur des dommages dont la requérante demandait l'indemnisation était constitué par la présence et le fonctionnement du viaduc de Vernègues, dont la construction n'avait pas débuté au 1er janvier 1997 ; qu'en jugeant ainsi, la cour, qui n'a pas dénaturé les termes de la requête, a suffisamment motivé son arrêt ;
Considérant que la cour, en rejetant comme mal dirigées l'ensemble des conclusions de la requête de l'EARL GEORGES DE BLANQUET, a nécessairement rejeté les conclusions présentées par la requérante devant les premiers juges et tendant à l'indemnisation des dommages nés du fonctionnement de l'ouvrage ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêt de la cour aurait méconnu l'effet dévolutif de l'appel ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien fondé de l'arrêt :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 13 février 1997 portant création de l'établissement public Réseau ferré de France : Les biens constitutifs de l'infrastructure et les immeubles non affectés à l'exploitation de transport appartenant à l'Etat et gérés par la SNCF sont, à la date du 1er janvier 1997, apportés en pleine propriété à Réseau ferré de France. / Les biens constitutifs de l'infrastructure comprennent les voies, y compris les appareillages fixes associés, les ouvrages d'art et les passages à niveau, les quais à voyageurs et à marchandises, les triages et les chantiers de transport combiné, les installations de signalisation, de sécurité, de traction électrique et de télécommunications liées aux infrastructures, les bâtiments affectés au fonctionnement et à l'entretien des infrastructures ; qu'aux termes de l'article 6 de ladite loi : Réseau ferré de France est substitué à la SNCF pour les droits et obligations liés aux biens qui lui sont apportés, à l'exception de ceux afférents à des dommages constatés avant le 1er janvier 1997 (...) ; qu'aux termes, enfin, du 3ème alinéa de l'article 1er de la même loi Compte tenu des impératifs de sécurité et de continuité du service public, la gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national ainsi que le fonctionnement et l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau sont assurés par la société nationale des chemins de fer français pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par Réseau ferré de France. Il la rémunère à cet effet ;
Considérant que les biens constitutifs de l'infrastructure ferroviaire, qui ont été apportés en pleine propriété à RFF par l'article 5 précité de la loi du 13 février 1997, constituent un ouvrage public ; qu'il résulte de l'article 6 de la même loi que, vis-à-vis des tiers, la responsabilité de RFF est susceptible d'être engagée sans faute pour tous les dommages permanents constatés à partir du 1er janvier 1997 imputables à cet ouvrage, que ces dommages résultent de l'implantation, du fonctionnement ou de l'entretien de l'ouvrage ; qu'en application de ces mêmes dispositions, la responsabilité de la SNCF ne peut engagée vis-à-vis des tiers pour des dommages permanents résultant de l'implantation ou du fonctionnement de cet ouvrage, que si ces dommages ont été constatés avant le 1er janvier 1997 ; qu'en dehors de cette dernière hypothèse, la responsabilité de la SNCF n'est susceptible d'être engagée, vis-à-vis des tiers, pour des dommages nés à partir du 1er janvier 1997, que si ces dommages sont directement imputables aux modalités d'entretien de l'ouvrage ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si le principe de la réalisation de l'ouvrage public litigieux a été arrêté avant 1er janvier 1997, sa construction n'avait pas débuté à cette date ; que par suite, la cour a pu, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, juger que les dommages dont l'EARL GEORGES DE BLANQUET demandait réparation n'avaient pas été constatés avant le 1er janvier 1997 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et qu'il n'était pas davantage allégué devant eux, que les dommages dont la requérante demandait l'indemnisation étaient directement imputables aux modalités d'entretien de l'ouvrage par la SNCF ; que dès lors, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que seule la responsabilité de RFF pouvait être engagée, en sa qualité de maître de l'ouvrage, pour les dommages résultant de l'implantation et du fonctionnement du viaduc ;
Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée : Le maître de l'ouvrage est la personne morale (...) pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre. (...) ; qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 97-444 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France : RFF exerce lui-même sa maîtrise d'ouvrage ou confie à la SNCF, en application de l'article 1er de la loi du 13 février 1997 susvisée, des mandats de maîtrise d'ouvrage pouvant porter sur des ensembles d'opérations (...) ; qu'à la supposer établie, la circonstance que la SNCF ait pu recevoir un tel mandat de maîtrise d'ouvrage pour la conception du viaduc de Vernègues, est sans incidence sur la qualité de maître d'ouvrage de RFF ; que par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les dispositions précitées de l'article 6 du décret n° 97-444 du 5 mai 1997 ne pouvaient avoir eu pour effet de transférer à la SNCF la responsabilité des dommages permanents engendrés par la présence et le fonctionnement de cet ouvrage, qui ne pouvait être recherchée qu'auprès du maître de l'ouvrage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL GEORGES DE BLANQUET n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative de Marseille en date du 15 mai 2006 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SNCF, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'EARL GEORGES DE BLANQUET au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'EARL GEORGES DE BLANQUET la somme de 3 000 euros demandée par la SNCF au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'EARL GEORGES DE BLANQUET est rejetée.
Article 2 : L'EARL GEORGES DE BLANQUET versera à la SNCF une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'EARL GEORGES DE BLANQUET, à la SNCF et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.