Vu la requête enregistrée le 16 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de ville de SUCE-SUR-ERDRE (44240) ; la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 1er décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, d'une part, a annulé le jugement du 14 décembre 2004 du tribunal administratif de Nantes rejetant la demande de Mme Marie-Claude A tendant à ce que la responsabilité sans faute de la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE soit engagée du fait des travaux réalisés au droit de sa maison et, d'autre part, a condamné la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE à verser à Mme A la somme de 5 000 euros au titre du trouble de jouissance subi du fait de la perte d'accès à son garage suite aux travaux réalisés par la commune et la somme de 25 000 euros au titre du coût des travaux nécessaires au rétablissement de cet accès ;
2°) de mettre à la charge de Mme A le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Meyer-Lereculeur, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Sur le respect du principe du contradictoire :
Considérant que si Mme A a produit, le 27 octobre 2005, un mémoire en réponse au moyen d'ordre public qui lui avait été adressé le 14 octobre précédent, ainsi qu'une note en délibéré le 3 novembre 2005, il ne ressort pas des termes de l'arrêt attaqué que la cour se serait fondée sur ces écritures, qui ne faisaient qu'expliciter le mode de calcul du préjudice retenu dans ses précédentes écritures sans apporter d'élément nouveau, pour faire droit aux conclusions de Mme A au titre des troubles dans ses conditions d'existence ; que, par suite, la cour a pu, sans méconnaître le principe du contradictoire, s'abstenir de communiquer le mémoire précité à la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE et de rouvrir l'instruction ;
Sur la recevabilité des conclusions présentées devant la cour :
Considérant, d'une part, que Mme A, qui avait sollicité, devant les premiers juges, une indemnité de 1 500 euros au titre de l'indemnisation du préjudice lié à la perte de jouissance de son garage, a demandé devant la cour, une somme de 75 euros par mois pour ce chef de préjudice ; que la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que ces conclusions n'étaient pas nouvelles en appel, dans la mesure où le montant précité constituait l'équivalent mensuel de celui demandé aux premiers juges pour la période de vingt mois écoulée entre la demande préalable adressée le 7 avril 2001 à la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE et l'introduction le 19 décembre 2002, de la demande devant le tribunal administratif de Nantes ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des termes de la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Nantes que le montant de ses réclamations au titre du rétablissement de l'accès à son garage s'élevait à 26 880 euros pour les travaux et à 3 140 euros pour les honoraires de maîtrise d'oeuvre, en dépit d'une erreur de plume sur ce dernier point dans les conclusions de la demande ; que, par suite, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que le montant des prétentions de Mme A au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre n'avait pas été accru en appel ;
Considérant, enfin, que si l'arrêt attaqué vise les conclusions de Mme A tendant à la réparation du préjudice subi du fait des travaux, réalisés en 2001, d'installation de plots en bordure de trottoir empêchant le stationnement de son véhicule au droit de sa propriété, il ressort des termes du dispositif de l'arrêt que la cour n'a pas admis ce chef de préjudice en mettant à la charge de la commune une indemnité de 5 000 euros mais a entendu réparer les troubles dans les conditions d'existence de Mme A provoqués par la privation d'accès à son garage ; que, par suite, la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE n'est pas fondée à soutenir que la cour a commis une erreur de droit en admettant la recevabilité des conclusions sur ce point ;
Sur le moyen tiré de ce que la cour aurait statué au-delà des conclusions dont Mme A l'avait saisie :
Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour a condamné la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE à verser à Mme A, d'une part, la somme de 20 000 euros au titre du coût des travaux nécessaires au rétablissement de l'accès au garage depuis la rue, d'autre part, la somme de 5 000 euros au titre de la réparation des troubles dans les conditions d'existence entraînés par la privation de l'accès à ce garage ; qu'en fixant ainsi à 25 000 euros le montant total de l'indemnité, pour l'ensemble des chefs de préjudice, la cour n'a pas accordé à Mme A une indemnité d'un montant supérieur au montant total de la réclamation indemnitaire de l'intéressée, lequel s'élevait, en tout état de cause, à plus de 30 000 euros ; que par suite, la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait statué au-delà des conclusions dont Mme A l'avait saisie ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE a réalisé en 1997, notamment au droit de la maison de Mme A, des travaux de mise à l'horizontale du trottoir ayant le caractère de travaux publics, qui se sont traduits par un rehaussement du trottoir, et a procédé, à cette occasion, au murage de la porte d'accès au garage de Mme A ; qu'en 2001, la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE a procédé à de nouveaux aménagements, consistant, d'une part, en la pose d'un nouvel enrobé sur la chaussée et, d'autre part, en l'installation de plots sur le trottoir longeant la maison de Mme A, destinés à assurer le respect de l'interdiction de stationnement des véhicules ;
Considérant, en premier lieu, qu'en déduisant de cette succession d'aménagements ayant le caractère de travaux publics, qui ont eu pour conséquence de priver Mme A, dans un premier temps, d'un accès à son garage et, dans un second temps, de toute possibilité de stationnement sur le trottoir au droit de chez elle, que l'intéressée subissait, en définitive, un préjudice susceptible d'engager la responsabilité sans faute de la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE, la cour n'a méconnu ni les règles gouvernant la mise en jeu de la responsabilité administrative, ni commis d'erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en estimant, d'une part, que Mme A n'avait pas renoncé de son propre chef à accéder en voiture à son garage, d'autre part, que l'absence d'exercice de son droit d'accès ne faisait pas obstacle à la réparation de l'atteinte portée à ce droit, la cour n'a ni dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de droit ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en estimant que le préjudice subi par Mme A présentait un caractère actuel et certain, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui n'est entachée d'aucune dénaturation, et n'est, dès lors, pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en estimant que le préjudice résultant pour Mme A de la perte d'accès à son garage était la conséquence directe des travaux de rehaussement du trottoir au droit de sa maison, réalisés par la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE en 1997, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas donné aux faits une qualification juridique erronée ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'en estimant, dans les circonstances de l'espèce, que Mme A avait subi un préjudice grave et spécial de nature à lui ouvrir droit à réparation, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation ;
Considérant, en sixième lieu, qu'en jugeant que la circonstance que Mme A avait accepté le murage de la porte de son garage n'était pas de nature à établir que l'intéressée se serait sciemment exposée au préjudice dont elle demandait réparation et ne constituait pas, par suite, une faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune, la cour administrative d'appel, qui s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation, n'a pas inexactement qualifié ces faits ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 1er décembre 2005 ;
Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE versera à Mme A une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SUCE-SUR-ERDRE et à Mme Marie-Claude A.