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19/12/2007 | FRANCE | N°294439

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 19 décembre 2007, 294439


Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Eugène A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 18 avril 2006 modifiant le décret du 26 mars 1852 sur l'organisation des cultes protestants dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

2°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 novembre 2007, présentée pour M. A ;

Vu la Constitution, notamment ses

articles 34 et 37 ;

Vu la charte des Nations-Unies signée à San Francisco le 26 juin 1945 ;

V...

Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Eugène A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 18 avril 2006 modifiant le décret du 26 mars 1852 sur l'organisation des cultes protestants dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

2°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 novembre 2007, présentée pour M. A ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ;

Vu la charte des Nations-Unies signée à San Francisco le 26 juin 1945 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les articles organiques applicables aux cultes protestants de la loi du 18 germinal an X relative à l'organisation des cultes ;

Vu la loi locale du 21 juin 1905 relative à l'organisation synodale de l'Eglise réformée en Alsace-Lorraine et portant abrogation de certaines dispositions de la loi du 18 germinal an X ;

Vu la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

Vu le décret du 26 mars 1852 modifié sur l'organisation des cultes protestants ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Brice Bohuon, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. Eugène A, du Conseil presbytéral de l'église réformée de Lixheim du Conseil presbytéral de l'église réformée de Sarrebourg, de M. Michel B, de M. Sylvain C, de M. Philippe D, de M. Jean-Marc E, de M. Gabriel F,

- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 18 avril 2006 modifiant le décret du 26 mars 1852 sur l'organisation des cultes protestants dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle en tant que ce décret porte atteinte à la liberté d'exercice de culte des membres de l'Eglise réformée d'Alsace et de Lorraine ;

Sur l'intervention du Conseil presbytéral de l'église réformée de Lixheim et autres :

Considérant que le Conseil presbytéral de l'église réformée de Lixheim et autres ont intérêt à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi, leur intervention est recevable ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant que l'article 3 du décret du 18 avril 2006 instaure une Union des églises protestantes d'Alsace et de Lorraine, " chargée de conduire des actions communes et de resserrer les liens entre les deux églises protestantes d'Alsace et de Lorraine ", qui comprend trois organes dont notamment un conseil restreint de l'Union composée du président et du vice-président du directoire de l'église protestante de la confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine et de deux membres de ce directoire désignés par celui-ci ainsi que du président du conseil synodal de l'Eglise protestante réformée d'Alsace et de Lorraine et d'un membre de ce conseil synodal désigné par celui-ci ; qu'aux termes de l'article 5 du décret du 26 mars 1852 dans sa rédaction issue de l'article 5 du décret attaqué : " Les consistoires de l'église réformée nomment les pasteurs sur proposition du conseil presbytéral et après avis du conseil restreint de l'Union. Les consistoires de l'église réformée proposent au ministre de l'intérieur après approbation du conseil restreint de l'Union, la création ou le transfert des postes pastoraux. " ; qu'en vertu des dispositions de l'article 2 de la loi locale du 21 juin 1905 susvisée, le synode de l'ERAL, sans préjudice des attributions appartenant d'après le droit existant aux différents consistoires, délibère et statue sur les affaires de l'église en général et a notamment pour fonctions de veiller au maintien de la constitution et de la discipline de l'église, de faire ou d'approuver les règlements concernant le régime de l'église ainsi que de juger en dernier ressort les difficultés auxquelles leur application peut donner lieu ;

Considérant en premier lieu, que le régime applicable aux établissements publics du culte dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ne relève pas de la compétence exclusive du législateur et peut être réformé par des dispositions réglementaires dès lors que ces dispositions n'ont pour effet ni de créer une nouvelle catégorie d'établissement public ni de modifier, dans un sens ou dans l'autre, les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice de la liberté du culte ; que, s'agissant de l'Eglise protestante réformée d'Alsace et de Lorraine, le décret attaqué ne confie aucun pouvoir propre de décision aux organes de l'Union ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutient le requérant, la seule circonstance que ce décret, d'une part, substitue l'avis facultatif du conseil restreint de l'Union à l'avis facultatif du conseil synodal sur les admissions au ministère pastoral, alors même que les consistoires conservent leur pouvoir de nomination, et d'autre part, en matière de création et de transfert de postes pastoraux, substitue au pouvoir d'approbation du conseil synodal le pouvoir d'approbation du conseil restreint de l'Union, alors même que les consistoires conservent leur pouvoir de proposition, ne suffit pas, par elle-même, à porter atteinte aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice de la liberté du culte ; que par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué interviendrait dans le domaine législatif dès lors qu'il porte atteinte aux règles constitutives de l'Eglise réformée d'Alsace et de Lorraine ne peut qu'être écarté ;

Considérant en second lieu que l'article 37 de la Constitution du 4 octobre 1958 habilite le gouvernement à modifier, par décret en Conseil d'Etat, les textes de forme législative antérieurs à la promulgation de la Constitution dès lors que ceux-ci ressortissent à la compétence du pouvoir réglementaire telle qu'elle résulte du texte constitutionnel ; que cette procédure est susceptible de recevoir application aux lois locales maintenues en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle pour autant qu'elles touchent à des matières relevant de la compétence réglementaire en vertu de la Constitution ; qu'en tout état de cause, tel est le cas de l'article 2 de la loi locale du 21 juin 1905 qui ne relève d'aucune des matières réservées à la loi par la Constitution ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le décret attaqué interviendrait dans le domaine législatif au motif qu'il modifierait les dispositions de l'article 2 de la loi locale du 21 juin 1905 précitée ne peut qu'être écarté ;

Considérant enfin que ni la déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, adoptée par l'assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 47/135 du 18 décembre 1992, ni de la recommandation 1134 du 1er octobre 1990 relative aux droits des minorités de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ne sauraient davantage être utilement invoquées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention du Conseil presbytéral de l'église réformée de Lixheim et autres est admise.

Article 2 : La requête de M. A est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Eugène A, au Conseil presbytéral de l'église réformée de Lixheim, au Conseil presbytéral de l'église réformée de Sarrebourg, à M. Michel B, à M. Sylvain C, à M. Philippe D, à M. Jean-Marc E, à M. Gabriel F et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 294439
Date de la décision : 19/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE - LOI ET RÈGLEMENT - ARTICLES 34 ET 37 DE LA CONSTITUTION - MESURES RELEVANT DU DOMAINE DU RÈGLEMENT - MESURES NE CONCERNANT PAS LES DROITS CIVIQUES ET LES GARANTIES FONDAMENTALES ACCORDÉS AUX CITOYENS POUR L'EXERCICE DES LIBERTÉS PUBLIQUES - COMPÉTENCE DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE DANS LA DÉFINITION DU RÉGIME APPLICABLE AUX ÉTABLISSEMENTS DU CULTE EN ALSACE-LORRAINE - CONDITIONS - A) ABSENCE DE MODIFICATION DES GARANTIES FONDAMENTALES ACCORDÉES AUX CITOYENS POUR L'EXERCICE DE LA LIBERTÉ DE CULTE - B) MODIFICATION DE LOIS ANTÉRIEURES À LA CONSTITUTION RELEVANT DE LA COMPÉTENCE DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - APPLICATION À L'ARTICLE 2 DE LA LOI LOCALE DU 21 JUIN 1905.

01-02-01-03-01 a) Le régime applicable aux établissements publics du culte dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ne relève pas de la compétence exclusive du législateur et peut être réformé par des dispositions réglementaires dès lors que ces dispositions n'ont pour effet ni de créer une nouvelle catégorie d'établissement public ni de modifier, dans un sens ou dans l'autre, les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice de la liberté du culte. S'agissant de l'Eglise protestante réformée d'Alsace et de Lorraine, le décret du 18 avril 2006 modifiant le décret du 26 mars 1852 sur l'organisation des cultes protestants dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ne confie aucun pouvoir propre de décision aux organes de l'Union des églises protestantes d'Alsace et de Lorraine (l'Union). La seule circonstance que ce décret, d'une part, substitue l'avis facultatif du conseil restreint de l'Union à l'avis facultatif du conseil synodal sur les admissions au ministère pastoral, alors même que les consistoires conservent leur pouvoir de nomination et, d'autre part, en matière de création et de transfert de postes pastoraux, substitue au pouvoir d'approbation du conseil synodal le pouvoir d'approbation du conseil restreint de l'Union, alors même que les consistoires conservent leur pouvoir de proposition, ne suffit pas, par elle-même, à porter atteinte aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice de la liberté du culte.... ...b) La procédure prévue par l'article 37 de la Constitution du 4 octobre 1958 habilitant le gouvernement à modifier, par décret en Conseil d'Etat, les textes de forme législative antérieurs à la promulgation de la Constitution dès lors que ceux-ci ressortissent à la compétence du pouvoir réglementaire telle qu'elle résulte du texte constitutionnel est susceptible de recevoir application aux lois locales maintenues en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle pour autant qu'elles touchent à des matières relevant de la compétence réglementaire en vertu de la Constitution. Tel est le cas de l'article 2 de la loi locale du 21 juin 1905 relative à l'organisation synodale de l'Eglise réformée en Alsace-Lorraine et portant abrogation de certaines dispositions de la loi du 18 germinal an X, qui ne relève d'aucune des matières réservées à la loi par la Constitution.

CULTES - RÉGIME CONCORDATAIRE D'ALSACE-MOSELLE - COMPÉTENCE DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE DANS LA DÉFINITION DU RÉGIME APPLICABLE AUX ÉTABLISSEMENTS DU CULTE - CONDITIONS - A) ABSENCE DE MODIFICATION DES GARANTIES FONDAMENTALES ACCORDÉES AUX CITOYENS POUR L'EXERCICE DE LA LIBERTÉ DE CULTE - B) MODIFICATION DE LOIS ANTÉRIEURES À LA CONSTITUTION RELEVANT DE LA COMPÉTENCE DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - APPLICATION À L'ARTICLE 2 DE LA LOI LOCALE DU 21 JUIN 1905.

21-04 a) Le régime applicable aux établissements publics du culte dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ne relève pas de la compétence exclusive du législateur et peut être réformé par des dispositions réglementaires dès lors que ces dispositions n'ont pour effet ni de créer une nouvelle catégorie d'établissement public ni de modifier, dans un sens ou dans l'autre, les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice de la liberté du culte. S'agissant de l'Eglise protestante réformée d'Alsace et de Lorraine, le décret du 18 avril 2006 modifiant le décret du 26 mars 1852 sur l'organisation des cultes protestants dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ne confie aucun pouvoir propre de décision aux organes de l'Union des églises protestantes d'Alsace et de Lorraine (l'Union). La seule circonstance que ce décret, d'une part, substitue l'avis facultatif du conseil restreint de l'Union à l'avis facultatif du conseil synodal sur les admissions au ministère pastoral, alors même que les consistoires conservent leur pouvoir de nomination et, d'autre part, en matière de création et de transfert de postes pastoraux, substitue au pouvoir d'approbation du conseil synodal le pouvoir d'approbation du conseil restreint de l'Union, alors même que les consistoires conservent leur pouvoir de proposition, ne suffit pas, par elle-même, à porter atteinte aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice de la liberté du culte.... ...b) La procédure prévue par l'article 37 de la Constitution du 4 octobre 1958 habilitant le gouvernement à modifier, par décret en Conseil d'Etat, les textes de forme législative antérieurs à la promulgation de la Constitution dès lors que ceux-ci ressortissent à la compétence du pouvoir réglementaire telle qu'elle résulte du texte constitutionnel est susceptible de recevoir application aux lois locales maintenues en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle pour autant qu'elles touchent à des matières relevant de la compétence réglementaire en vertu de la Constitution. Tel est le cas de l'article 2 de la loi locale du 21 juin 1905 relative à l'organisation synodale de l'Eglise réformée en Alsace-Lorraine et portant abrogation de certaines dispositions de la loi du 18 germinal an X, qui ne relève d'aucune des matières réservées à la loi par la Constitution.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2007, n° 294439
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Brice Bohuon
Rapporteur public ?: Mme Landais Claire
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:294439.20071219
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