Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 12 décembre 2005, 12 avril et 18 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS, représentée par son maire ; la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 29 septembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, sur la requête du syndicat intercommunal des eaux de Piennes et le recours du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 décembre 2001 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 7 avril 1995, modifié le 29 juin 1995 du préfet de Meurthe-et-Moselle déclarant d'utilité publique la dérivation de la source de la Brasserie n° 2 à Mercy-le-Bas et l'établissement des périmètres de protection autour du point de prélèvement, l'arrêté du 6 avril 2000 prorogeant pour cinq ans l'arrêté précité et l'arrêté du 29 mars 2001 déclarant cessible au profit dudit syndicat, une partie de la parcelle cadastrée AH 12, sise à Mercy-le-Bas, nécessaire à la construction du périmètre de protection immédiate, d'autre part rejeté les conclusions de la commune présentées devant le tribunal administratif de Nancy contre les arrêtés susmentionnés, ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et du syndicat intercommunal des eaux de Piennes le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Auditeur,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS et de la SCP Defrenois, Levis, avocat du syndicat intercommunal des eaux de Piennes,
- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la demande de la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS, le tribunal administratif de Nancy a, en se fondant sur l'appartenance de la parcelle litigieuse au domaine public de la commune, annulé par un jugement du 18 décembre 2001, les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle des 7 avril et 29 juin 1995 déclarant d'utilité publique au profit du syndicat intercommunal des eaux de Piennes la dérivation de la source de la brasserie n° 2 à Mercy-le-Bas et l'établissement d'un périmètre de protection autour du point de prélèvement, l'arrêté du 6 avril 2000 portant prorogation de la déclaration d'utilité publique, et l'arrêté de cessibilité du 29 mars 2001, par lequel le syndicat intercommunal était autorisé à acquérir par voie d'expropriation le terrain nécessaire à la constitution du périmètre de protection immédiate ; que par un arrêt en date du 29 septembre 2005, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement et rejeté la demande de la commune ;
Considérant que le principe d'inaliénabilité des biens du domaine public, rappelé par l'article L. 1311-1 du code général des collectivités territoriales, a pour objet de protéger l'affectation de ces biens à l'utilité publique et s'applique alors même que le bien en cause serait affecté à un service public géré par une collectivité publique différente de la collectivité publique qui en est le propriétaire ; qu'il suit de là qu'en jugeant que le terrain en cause ne pouvait pas être regardé comme appartenant au domaine public de la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS, du fait de son affectation à un service public géré par une autre collectivité publique, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS est fondée pour ce motif à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au fond ;
Sur la recevabilité des conclusions de la commune devant le tribunal administratif :
En ce qui concerne les arrêtés du 7 avril et du 29 juin 1995 :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 20 du code de la santé publique alors applicable : En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes activités et tous dépôts ou installations de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les activités, installations et dépôts ci-dessus visés ; que sur le fondement de cet article et du code de l'expropriation, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 7 avril 1995, déclaré d'utilité publique la dérivation de la source de la brasserie n° 2 à Mercy-le-Bas et l'établissement d'un périmètre de protection autour du point de prélèvement, en définissant notamment la parcelle AH12 comme périmètre de protection immédiate ; qu'ainsi cet arrêté portait à la fois déclaration d'utilité publique, arrêté de cessibilité et institution de servitudes ; que par arrêté du 29 juin 1995, il a uniquement modifié le périmètre de protection rapproché défini par l'arrêté du 7 avril 1995 ;
Considérant que contrairement à ce que soutient le syndicat intercommunal des eaux de Piennes, la circonstance que la demande de la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS ait été enregistrée plus de deux mois après la publication de ces deux arrêtés au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-et-Moselle ne peut à elle seule la faire regarder comme tardive, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les arrêtés attaqués aient fait l'objet d'une mesure de publicité suffisante ;
Mais considérant que, faute d'avoir été transmis dans un délai de six mois au juge de l'expropriation, conformément à l'article R. 12-1 du code de l'expropriation, l'arrêté du 7 avril 1995 était devenu caduc, en tant qu'il portait arrêté de cessibilité, à la date à laquelle les conclusions de la commune contre cet arrêté ont été enregistrées ; que le syndicat intercommunal des eaux de Piennes est donc fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il y fait droit ;
En ce qui concerne l'arrêté du 6 avril 2000 :
Considérant que l'arrêté du 6 avril 2000 proroge les effets de la déclaration d'utilité publique du 7 avril 1995 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'un affichage en mairie du 14 avril au 15 mai 2000 ; que le syndicat requérant est fondé à soutenir que les conclusions dirigées contre cet arrêté, enregistrées au tribunal administratif de Nancy le 25 mai 2001, étaient tardives et donc irrecevables ;
En ce qui concerne l'arrêté du 29 mars 2001 :
Considérant que l'arrêté de cessibilité du 29 mars 2001 n'est pas, contrairement à ce que soutient le syndicat intercommunal des eaux de Piennes, un acte confirmatif de l'arrêté du 7 avril 1995, mais emporte nouvelle autorisation, au bénéfice du syndicat intercommunal, en vue d'acquérir par voie d'expropriation le terrain nécessaire à la constitution du périmètre de protection immédiate ; que les conclusions présentées par la commune, enregistrées dans le délai de recours contentieux, sont donc recevables ;
Sur les autres moyens des appelants :
Considérant que la parcelle litigieuse objet de la procédure d'expropriation appartient à la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle est affectée au service public de l'eau géré par le syndicat intercommunal des eaux de Piennes et avait fait l'objet d'aménagements spéciaux à cette fin ; que les requérants n'invoquent à l'appui de leurs appels, outre les moyens examinés plus haut, que le moyen tiré de ce que la parcelle litigieuse appartiendrait au domaine privé de la commune ; que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'affectation de la parcelle au service public de l'eau géré par le syndicat intercommunal ne saurait remettre en cause son caractère de dépendance du domaine public de la commune ; qu'elle ne pouvait ainsi faire l'objet d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique et que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le syndicat intercommunal et le ministre ne sont dès lors fondés à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en ce qu'il fait droit à la demande de la commune d'annulation de l'arrêté du 7 avril 1995 en tant qu'il porte cessibilité de la parcelle litigieuse, et de l'arrêté du 6 avril 2000 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis la charge de la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande le syndicat intercommunal des eaux de Piennes ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat et du syndicat intercommunal des eaux de Piennes une somme de 2 500 euros chacun à verser à la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS au titre des frais exposés par elle devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Nancy ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 29 septembre 2005 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 décembre 2001 est annulé en tant qu'il annule les dispositions de l'arrêté du 7 avril 1995 portant cessibilité de la parcelle cadastrée AH 12 et l'arrêté du 6 avril 2000.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées devant la cour administrative d'appel par le syndicat intercommunal des eaux de Piennes et le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est rejeté.
Article 4 : L'Etat et le syndicat intercommunal des eaux de Piennes verseront chacun à la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MERCY-LE-BAS, au syndicat intercommunal des eaux de Piennes et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.