Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er février et 31 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Michel A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 6 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur appel formé contre le jugement du 28 décembre 2000 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 1991 ;
2°) statuant au fond, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en l'absence de dépôt par Mme A d'une déclaration des résultats de son entreprise individuelle après la cession du fonds de commerce de celle-ci le 26 juillet 1991, l'administration fiscale a arrêté d'office les bases d'imposition des bénéfices industriels et commerciaux de l'intéressée au titre de cette année, et notifié à M. et Mme A les conséquences de ce redressement sur leur revenu imposable ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 6 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 28 décembre 2000 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée impliqués par ce redressement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes du 1 du I de l'article 39 quindecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : Sous réserve des dispositions des articles 41, 151 octies et 210 A à 210 C, le montant net des plus-values à long terme autres que celles visées au II fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16 % .../ Toutefois, ce montant net n'est pas imposable lorsqu'il est utilisé à compenser le déficit d'exploitation de l'exercice... ; que, par ces dispositions, le législateur a offert aux entreprises le choix d'éviter la taxation d'une plus value nette à long terme en la compensant avec un déficit ordinaire constaté au titre de l'exercice, ou reportable sur cet exercice ; que lorsqu'un contrôle établit qu'un contribuable a réalisé une plus value nette à long terme imposable au cours d'un exercice déficitaire, la seule circonstance que celui-ci n'a pas respecté ses obligations déclaratives ne peut le priver de la faculté de demander cette compensation à l'administration ou, le cas échéant, au juge de l'impôt ; que dès lors, en jugeant que Mme A, en s'abstenant de présenter une déclaration de résultats au titre de l'année 1991, avait pris la décision de gestion de renoncer à la faculté d'opter pour l'imputation de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession de son fonds de commerce sur le déficit de l'exercice, la cour a commis une erreur de droit ; que par suite, l'arrêt du 6 décembre 2004 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que la notification de redressement adressée le 15 janvier 1993 aux époux A aurait insuffisamment motivé la fixation à zéro du montant du bénéfice imposable au taux normal réalisé en 1990 par l'entreprise individuelle de Mme A est sans incidence sur l'imposition en litige, qui procède seulement de la taxation de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession du fonds de commerce ;
Sur la demande de compensation :
Considérant qu'ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, le défaut de déclaration de résultats au titre de l'exercice 1991 ne privait pas Mme A de la possibilité de demander, au stade de la réclamation, l'imputation de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession de son fonds de commerce sur les déficits de l'exercice ou sur des déficits reportables antérieurs ; que l'administration fiscale ayant évalué d'office à zéro le résultat imposable au titre de l'exercice 1991, il appartient aux contribuables d'établir la réalité des déficits qu'ils prétendent avoir réalisés au titre de cet exercice et des exercices antérieurs ; que, s'agissant de l'année 1991, M. et Mme A se bornent à rappeler qu'ils avaient mentionné dans leur déclaration de revenu global souscrite le 28 février 1992, un déficit commercial de 8 074 643 F, sans produire aucune pièce comptable justifiant un tel montant ; que, s'agissant d'un éventuel déficit reportable au titre de 1990, les contribuables ne peuvent se prévaloir d'une déclaration de résultats produite pour la première fois en appel et d'ailleurs dépourvue de signature, faisant état d'un déficit de 11 494 268 F ; qu'en revanche, il ressort de la notification de redressement du 11 juin 1991 que le déficit déclaré au titre de l'année 1990 s'établissait à 1 578 321 F ; que les redressements initialement notifiés en raison de «discordances de chiffres d'affaires inexpliquées ont été annulés par le jugement du 28 décembre 2000 du tribunal administratif de Toulouse, devenu définitif sur ce point ; que, dans ces conditions, la plus-value réalisée lors de la cession du fonds de commerce de l'entreprise individuelle de Mme A, d'un montant de 10 000 000 F, peut être imputée sur le déficit constaté au titre de 1990 à hauteur de 1 578 321 F (240 613,48 euros) ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander la réformation du jugement du 28 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté intégralement leur demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquels ils ont été assujettis au titre de 1991 ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 6 décembre 2004 est annulé.
Article 2 : La base de l'imposition sur la plus-value nette à long terme mise à la charge de M. et Mme A au titre de l'année 1991 est réduite de 240 613,48 euros.
Article 3 : M. et Mme A sont déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 1991, dans la mesure correspondant à cette réduction de base.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 28 décembre 2000 est réformé en ce qu'il est contraire à la présente décision.
Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par M et Mme A est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Michel A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.