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07/08/2007 | FRANCE | N°257375

France | France, Conseil d'État, 2ème / 7ème ssr, 07 août 2007, 257375


Vu la décision en date du 22 novembre 2006 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, avant-dire droit sur le recours du MINISTRE DE LA SANTÉ ET DES SOLIDARITÉS tendant à l'annulation de l'arrêt du 13 février 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé le jugement du 3 février 1998 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société " Polyclinique des Alpilles " tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 172 347,50 F en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi dans l'

exploitation du lithotripteur autorisé dans ladite polycliniqu...

Vu la décision en date du 22 novembre 2006 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, avant-dire droit sur le recours du MINISTRE DE LA SANTÉ ET DES SOLIDARITÉS tendant à l'annulation de l'arrêt du 13 février 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé le jugement du 3 février 1998 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société " Polyclinique des Alpilles " tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 172 347,50 F en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi dans l'exploitation du lithotripteur autorisé dans ladite polyclinique pour la période du 30 novembre 1991 au 31 août 1993, d'autre part, condamné l'Etat à payer à MaîtreA..., en sa qualité de liquidateur de la société " Polyclinique des Alpilles ", une indemnité de 2 770 357 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 1992 et capitalisation des intérêts le 3 octobre 1994, le 20 avril 1998 et le 17 janvier 2000, a ordonné à ce ministre de produire, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, tous éléments d'information permettant de vérifier si les modalités définies par le décret n° 93-327 du 12 mars 1993 et l'arrêté du même jour pris pour son application répondent, en ce qui concerne les lithotripteurs, aux exigences de prise en compte du coût d'utilisation et d'amortissement de ces équipements et, en particulier, d'apporter des éléments de comparaison entre les dispositions applicables aux lithotripteurs et celles qui concernent le remboursement du fonctionnement et de l'amortissement d'autres équipements matériels lourds, tels que les scanographes, de justifier la fixation à 445,73 euros du forfait de remboursement des frais de sécurité et d'environnement engagés pour un acte de lithotritie et de préciser les modalités d'ensemble de remboursement des actes de lithotritie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970, modifiée ;

Vu la loi n° 91-738 du 31 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 93-327 du 12 mars 1993 ;

Vu l'arrêté interministériel du 12 mars 1993 fixant la classification des actes pouvant donner lieu à la tarification dans les établissements de soins privés régis par l'article L. 162-22 du code de la sécurité sociale et les modalités de cette tarification ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la société " Polyclinique des Alpilles ",

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par sa décision avant-dire droit susvisée en date du 22 novembre 2006, le Conseil d'Etat, après avoir jugé que le coût d'utilisation afférent à l'exploitation et à l'amortissement d'un équipement matériel lourd dont l'installation a été autorisée en vertu de la loi est, en l'absence de mention contraire dans l'acte d'autorisation, remboursable par la sécurité sociale et qu'il appartenait à l'Etat de prendre, dans un délai raisonnable, les dispositions réglementaires nécessaires à ce remboursement, a sursis à statuer sur la requête de la " Polyclinique des Alpilles " jusqu'à ce que le MINISTRE CHARGÉ DE LA SANTÉ ait produit tous les éléments d'information permettant de vérifier si les modalités définies par le décret du 12 mars 1993 modifiant le décret du 3 décembre 1992 relatif aux établissements de soins privés et par son arrêté d'application de la même date répondent, en ce qui concerne les lithotripteurs, aux exigences de prise en compte du coût d'utilisation et d'amortissement de ces équipements ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents que le MINISTRE CHARGÉ DE LA SANTÉ a produits en exécution de la décision avant-dire droit du Conseil d'Etat, que si, avant la publication du décret du 12 mars 1993 et de son arrêté d'application, aucune disposition réglementaire ne prévoyait les conditions de remboursement du coût d'utilisation des équipements matériels lourds ayant fait l'objet de l'autorisation mentionnée aux articles 31 et 32 de la loi du 31 décembre 1970, repris aux articles L. 712-8 et L. 712-12 du code de la santé publique, il en va différemment depuis la publication desdits textes, qui est intervenue le 13 mars 1993 ; qu'en effet, les dispositions du décret du 12 mars 1993 prévoient le versement aux établissements de soins privés d'un complément afférent aux frais de sécurité et d'environnement pour les actes professionnels qui relèvent du secteur opératoire hors salle d'opération, au nombre desquels figurent, aux termes de l'arrêté du 12 mars 1993 susmentionné, les actes relatifs à la lithotritie extracorporelle biliaire et à la lithotritie extracorporelle lithiase rénale ; que le complément afférent aux frais de sécurité et d'environnement doit être regardé, pour les dispositifs utilisés hors salle d'opération, comme étant l'équivalent du complément afférent aux frais de salles d'opération ; que l'article 11 de la convention-type entre les établissements de soins et les caisses régionales d'assurance-maladie annexée à l'arrêté interministériel du 29 juin 1978 et prorogée par la convention nationale de l'hospitalisation privée du 11 mai 1992, approuvée par un arrêté du 19 juin 1992, définit le complément afférent aux frais de salles d'opération comme couvrant " notamment l'utilisation de la salle d'opération, du matériel et du personnel (à l'exception des praticiens rémunérés à l'acte), la fourniture de tous les anesthésiques, des objets de pansement, du linge ainsi que de la pharmacie nécessaire à l'intervention... " ; que le complément afférent aux frais de sécurité et d'environnement rembourse les prestations analogues effectuées hors salle d'opération ; qu'il s'ensuit que les dispositions du décret du 12 mars 1993 ont pour objet et pour effet d'assurer le financement du coût d'utilisation et d'amortissement des lithotripteurs qui sont utilisés hors salle d'opération ; qu'elles constituent ainsi les dispositions réglementaires nécessaires à l'application des dispositions législatives précitées ; que, par suite, en retenant le moyen tiré de la carence de l'administration pour la totalité de la période considérée du 30 novembre 1991 au 31 août 1993, alors que cette carence a pris fin le 15 mars 1993, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt en date du 13 février 2003 d'une erreur de droit ; que le MINISTRE DE LA SANTÉ ET DES SOLIDARITÉS est, par suite, fondé à en demander l'annulation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article L. 821-1 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sur le principe de la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il appartenait à l'autorité administrative de prévoir, dans un délai raisonnable, les conditions de remboursement de l'utilisation des lithotripteurs dans les établissements de soins privés ; que les dispositions réglementaires nécessaires au remboursement de l'utilisation des lithotripteurs dans les établissements de soins privés n'ont été prises que par le décret et l'arrêté du 12 mars 1993 susmentionnés, soit au-delà du délai raisonnable dans lequel elles pouvaient intervenir ; que le retard pris par l'administration à satisfaire les obligations qui lui incombaient est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers la " Polyclinique des Alpilles " du 30 novembre 1991 jusqu'à la date d'entrée en vigueur du décret et de l'arrêté, soit le 15 mars 1993 ;

Sur le montant du préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pendant la période considérée, la " Polyclinique des Alpilles " a pratiqué 1 504 séances de lithotritie dont le coût unitaire correspondant au fonctionnement et à l'amortissement du matériel doit être fixé à 421,22 euros, montant correspondant au forfait de remboursement des frais de sécurité et d'environnement engagés pour chaque acte de lithotritie, tel qu'il a été arrêté en application du décret du 12 mars 1993 susmentionné, soit un coût total de 633 845,76 euros ; qu'il y a lieu de déduire de ce montant les forfaits de salle d'opération payés par les caisses d'assurance maladie au titre des séances de lithotritie, les forfaits encaissés et les électrodes facturés aux patients en 1991, soit une somme de 440 926,72 euros ; que le préjudice indemnisable subi par la " Polyclinique des Alpilles " s'élève ainsi à la somme de 192 919,04 euros ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner l'Etat à verser à la clinique une indemnité égale à ce montant, avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 1992, date de réception par l'administration de sa réclamation préalable, et capitalisation des intérêts au 3 octobre 1994 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la " Polyclinique des Alpilles " est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice lié à sa carence fautive ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 13 février 2003 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 3 février 1998 est annulé.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Me A..., agissant en qualité de liquidateur de la " Polyclinique des Alpilles " une somme de 192 919,04 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 1992 et capitalisation des intérêts au 3 octobre 1994 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la " Polyclinique des Alpilles " devant le tribunal administratif de Marseille est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Me A..., liquidateur de la société " Polyclinique des Alpilles " et au MINISTRE DE LA SANTÉ, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS.


Synthèse
Formation : 2ème / 7ème ssr
Numéro d'arrêt : 257375
Date de la décision : 07/08/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

SANTÉ PUBLIQUE - ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS DE SANTÉ - AUTORISATIONS DE CRÉATION - D'EXTENSION OU D'INSTALLATION D'ÉQUIPEMENTS MATÉRIELS LOURDS - REMBOURSEMENT PAR LA SÉCURITÉ SOCIALE DU COÛT D'UTILISATION AFFÉRENT À L'EXPLOITATION ET À L'AMORTISSEMENT D'UN ÉQUIPEMENT MATÉRIEL LOURD DONT L'INSTALLATION A ÉTÉ AUTORISÉE EN VERTU DE LA LOI - OBLIGATION POUR L'ETAT DE PRENDRE LES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION NÉCESSAIRES [RJ1] - OBLIGATION SATISFAITE PAR LE DÉCRET DU 12 MARS 1993 ET SON ARRÊTÉ D'APPLICATION - EXISTENCE - LITHOTRIPTEURS.

61-07-01 Il résulte de la combinaison des articles 31 et 32 de la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière - repris aux articles L. 712-8 et L. 712-12 du code de la santé publique - et de l'article L. 162-21 du code de la sécurité sociale que le coût d'utilisation afférent à l'exploitation et à l'amortissement d'un équipement matériel lourd dont l'installation a été autorisée en vertu de la loi est, en l'absence de mention contraire dans l'acte d'autorisation, remboursable par la sécurité sociale. Il appartenait à l'Etat de prendre, dans un délai raisonnable, les dispositions réglementaires nécessaires à l'application des dispositions législatives précitées. Constituent de telle dispositions d'application, en ce qui concerne les lithotripteurs, les dispositions du décret n° 93-327 du 12 mars 1993 et de son arrêté d'application du même jour. En effet, les dispositions de ce décret prévoient le versement aux établissements de soins privés d'un complément afférent aux frais de sécurité et d'environnement pour les actes professionnels qui relèvent du secteur opératoire hors salle d'opération, au nombre desquels figurent, aux termes de l'arrêté du 12 mars 1993, les actes relatifs à la lithotriptie. Or ce complément doit être regardé, pour les dispositifs utilisés hors salle d'opération, comme étant l'équivalent du complément afférent aux frais de salles d'opération, lequel couvre notamment l'utilisation de la salle d'opération, du matériel et du personnel. Les dispositions du décret du 12 mars 1993 ont donc pour objet et pour effet d'assurer le financement du coût d'utilisation et d'amortissement des lithotripteurs qui sont utilisés hors salle d'opération.

SÉCURITÉ SOCIALE - RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS ET LES ÉTABLISSEMENTS SANITAIRES - RELATIONS AVEC LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ - ETABLISSEMENTS DE SANTÉ PRIVÉS - REMBOURSEMENT DU COÛT D'UTILISATION AFFÉRENT À L'EXPLOITATION ET À L'AMORTISSEMENT D'UN ÉQUIPEMENT MATÉRIEL LOURD DONT L'INSTALLATION A ÉTÉ AUTORISÉE EN VERTU DE LA LOI - OBLIGATION POUR L'ETAT DE PRENDRE LES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION NÉCESSAIRES [RJ1] - OBLIGATION SATISFAITE PAR LE DÉCRET DU 12 MARS 1993 ET SON ARRÊTÉ D'APPLICATION - EXISTENCE - LITHOTRIPTEURS.

62-02-02 Il résulte de la combinaison des articles 31 et 32 de la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière - repris aux articles L. 712-8 et L. 712-12 du code de la santé publique - et de l'article L. 162-21 du code de la sécurité sociale que le coût d'utilisation afférent à l'exploitation et à l'amortissement d'un équipement matériel lourd dont l'installation a été autorisée en vertu de la loi est, en l'absence de mention contraire dans l'acte d'autorisation, remboursable par la sécurité sociale. Il appartenait à l'Etat de prendre, dans un délai raisonnable, les dispositions réglementaires nécessaires à l'application des dispositions législatives précitées. Constituent de telle dispositions d'application, en ce qui concerne les lithotripteurs, les dispositions du décret n° 93-327 du 12 mars 1993 et de son arrêté d'application du même jour. En effet, les dispositions de ce décret prévoient le versement aux établissements de soins privés d'un complément afférent aux frais de sécurité et d'environnement pour les actes professionnels qui relèvent du secteur opératoire hors salle d'opération, au nombre desquels figurent, aux termes de l'arrêté du 12 mars 1993, les actes relatifs à la lithotriptie. Or ce complément doit être regardé, pour les dispositifs utilisés hors salle d'opération, comme étant l'équivalent du complément afférent aux frais de salles d'opération, lequel couvre notamment l'utilisation de la salle d'opération, du matériel et du personnel. Les dispositions du décret du 12 mars 1993 ont donc pour objet et pour effet d'assurer le financement du coût d'utilisation et d'amortissement des lithotripteurs qui sont utilisés hors salle d'opération.


Références :

[RJ1]

Cf., dans la même affaire, la décision avant dire droit du 22 novembre 2006, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 aoû. 2007, n° 257375
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:257375.20070807
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