Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DE CONCERTATION ET DE PROPOSITION POUR L'AMENAGEMENT ET LES TRANSPORTS, dont le siège est mairie de Juvigny à Juvigny (74140), le GAEC PRE DE LA GRANGE, dont le siège est Chef-lieu à Lully (74890), M. Edouard A, demeurant ..., M. Stéphane B, demeurant ..., le GAEC GONDRAND, dont le siège est ..., le GAEC LE REBATY, dont le siège est La Ferme Lauchensaz à Allinges (74200), M. Laurent C, demeurant ..., M. Jean D, demeurant ..., le GAEC L'OREE DU BOIS, dont le siège est Le Taillou à Cervens (74550), Mme Isabelle E, demeurant ..., M. Robert F, demeurant ..., M. Claude G, demeurant X, M. Jannantuoni H, demeurant ..., M. Gilbert I, demeurant ..., M. Roger J, demeurant ..., Mme Marie-Claude K, demeurant ..., Mme Elisabeth L, demeurant ..., M. Pierre M, demeurant ..., M. et Mme Jean-Guy N, demeurant ..., Mme Elisabeth O, demeurant ..., Mme Françoise P, demeurant ..., M. et Mme Didier Q, demeurant ..., M. Louis R, demeurant ..., M. Maurice S, demeurant ..., Mme Anne E, demeurant ..., M. Sylvain T, demeurant ..., Mme Caroline U, demeurant ..., Mme Corinne U, demeurant ..., M. Yves V, demeurant ..., M. Eric W, demeurant ..., l'ASSOCIATION LES AMIS DES VOIRONS, dont le siège est ... ; l'ASSOCIATION DE CONCERTATION ET DE PROPOSITION POUR L'AMENAGEMENT ET LES TRANSPORTS et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du 17 juillet 2006 déclarant d'utilité publique les travaux de la liaison entre le carrefour des Chasseurs à Annemasse et le contournement de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), portant attribution du caractère de route express à la voie, des PR 35 + 500 à 43 + 875 de la route anciennement dénommée RN. 206 et 0 à 15 + 700 de la voie nouvelle, et portant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes d'Allinges, Bons-en-Chablais, Cranves-Sales, Loisin, Perrignier et Saint-Cergues ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982, ensemble le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat du Syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais (SIAC),
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite de l'annulation, par le Conseil d'Etat statuant au contentieux, du décret du 6 mai 1995 déclarant d'utilité publique la construction de l'autoroute A 400 entre Annemasse et Thonon-les-Bains, le ministre des transports a adopté, par décision du 7 juillet 1999, un schéma de transport multimodal de désenclavement du Chablais prévoyant l'amélioration de la desserte ferroviaire et en transports publics routiers entre Annemasse et Thonon, ainsi qu'un volet routier comportant notamment la réalisation par l'Etat d'une liaison rapide à 2 fois 2 voies entre ces deux villes ; que l'ASSOCIATION DE CONCERTATION ET DE PROPOSITION POUR L'AMENAGEMENT ET LES TRANSPORTS et autres demandent l'annulation du décret du 17 juillet 2006 ayant déclaré d'utilité publique les travaux de la liaison routière entre le carrefour des Chasseurs, sur le territoire de la commune d'Annemasse, et le contournement de Thonon-les-Bains ;
Sur l'intervention de MM. Y, Z, AA et AB et de Mme AC :
Considérant que MM. Y, Z, AA et AB résident sur le territoire des communes de Bonne, Cruseilles et La Roche-sur-Foron qui, contrairement à ce qu'ils soutiennent, ne sont pas traversées par le projet d'infrastructure déclaré d'utilité publique et n'indiquent pas en quoi ils seraient affectés par ce projet ; que si Mme AC réside sur le territoire de la commune de Thonon-les-Bains, traversée par le projet, elle n'indique pas davantage en quoi la future infrastructure serait de nature à l'affecter directement ; que dans ces conditions, leur intervention n'est pas recevable ;
Sur l'intervention du Syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais :
Considérant que le Syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais, qui regroupe 62 communes de la région du Chablais et a pour objet notamment de participer à la réalisation des infrastructures de désenclavement du Chablais, a intérêt au maintien du décret attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur la légalité du décret attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
Sur les moyens tirés des insuffisances du dossier soumis à enquête :
Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que la notice explicative est manifestement insuffisante ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : / I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : / 1º Une notice explicative ; / (...) 5º L'appréciation sommaire des dépenses ; / 6º L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés (...) ; / 7º L'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret nº 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi nº 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, lorsque les travaux constituent un grand projet d'infrastructures tels que défini à l'article 3 du même décret./ II. (...) ; la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu ( ...) » ; qu'aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement : « (...) II. - L'étude d'impact présente successivement : / 1º Une analyse de l'état initial du site et de son environnement (...) ; / 2º Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; / 3º Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; / 4º Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; (...) / IV. - Lorsque la totalité des travaux prévus au programme est réalisée de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacune des phases de l'opération doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'analyse détaillée de l'insertion du projet dans l'environnement et de ses inconvénients relève de l'étude d'impact prévue par l'article R. 122-3 du code de l'environnement et non de la notice explicative ; que, de même, l'étude des conditions d'exploitation d'un grand projet d'infrastructure de transports relève de l'évaluation économique et sociale, en vertu de l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 ;
Considérant que la notice explicative contient une présentation détaillée du projet et du programme d'ensemble dont il constitue un volet, et qu'elle indique les raisons pour lesquelles le parti retenu a été choisi ; qu'il ressort de l'étude d'impact figurant au dossier d'enquête que des mesures du bruit ont été réalisées, que les nuisances sonores ont fait l'objet d'estimations précises par secteur et que des mesures de protection adaptées, à savoir la pose d'écrans acoustiques et de merlons et l'isolation de certaines façades, sont prévues tout au long du tracé ; que l'étude d'impact mentionne l'existence d'un axe de développement et de circulation de la grande faune, analyse les effets du projet sur cet axe et présente les mesures destinées à en limiter les inconvénients ; qu'elle mentionne également la présence, dans un secteur traversé par le projet, de l'espèce protégée du crapaud sonneur à ventre jaune et les mesures prises pour limiter les effets du projet sur cette espèce, notamment la reconstitution de mares à amphibiens ; qu'enfin, le dossier d'enquête comporte une évaluation économique et sociale qui procède à une estimation chiffrée des coûts d'entretien ; que par suite, le moyen tiré de ce que la notice explicative serait insuffisante, faute de faire apparaître l'importance de l'opération, les nuisances sonores qu'elle engendre, l'atteinte à plusieurs « corridors écologiques », les coûts d'entretien de l'infrastructure et les mesures compensatoires prévues ne peut qu'être rejeté ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'appréciation sommaire des dépenses mentionne que le coût du projet s'élève à 157,6 millions d'euros, incluant 15,76 millions d'euros de mesures compensatoires ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'appréciation sommaire des dépenses n'intègrerait pas le coût des mesures nécessaires pour limiter les effets du projet sur l'environnement et serait de ce fait manifestement sous-évalué manque en fait ;
Considérant, en troisième lieu, que le projet déclaré d'utilité publique, dont la longueur est de 23,5 kilomètres, prévoit l'aménagement de la voie existante sur 7 kilomètres et la construction d'une voie nouvelle sur 16,5 kilomètres ; qu'il ressort de l'étude d'impact que cinq tracés ont été étudiés s'agissant de la voie nouvelle ; que par ailleurs, la réalisation d'une liaison routière rapide entre Annemasse et Thonon-les-Bains, dont le présent projet constitue le principal élément, n'est que l'un des volets du schéma de désenclavement du Chablais, qui repose également sur le développement d'autres modes de transport ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les tracés alternatifs et le recours à d'autres modes de transport n'auraient pas été étudiés manque en fait ;
Sur le moyen tiré du fractionnement irrégulier du projet :
Considérant, en premier lieu, que la section comprise entre le carrefour des Chasseurs et le contournement de Thonon-les-Bains constitue une liaison routière susceptible de faire l'objet d'un programme autonome de travaux, alors même qu'elle a vocation à être prolongée par l'aménagement d'une liaison rapide jusqu'au raccordement avec l'A 40 ; que dans ces conditions, ni l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ni aucune autre disposition n'imposait que l'enquête publique portât sur la totalité du projet de liaison entre l'A 40 et Thonon-les-Bains ;
Considérant, en deuxième lieu, que cette opération, qui constitue un grand projet d'infrastructure au sens de l'article 2 du décret du 17 juillet 1984, devait dès lors faire l'objet de l'évaluation économique et sociale prévue à l'article 4 dudit décret ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 de ce décret : « Lorsqu'un projet est susceptible d'être réalisé par tranches successives, les conditions prévues à l'article 2 s'apprécient au regard de la totalité dudit projet et non de chacune de ses tranches ; l'évaluation prévue à l'article 4 doit être préalable à la réalisation de la première tranche » et qu'aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 repris au IV de l'article R. 122-3 du code de l'environnement : « Lorsque la totalité des travaux prévus au programme est réalisée de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacune des phases de l'opération doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme » ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'évaluation économique et sociale a porté sur la totalité du projet, ainsi d'ailleurs que sur les autres volets du schéma de désenclavement du Chablais, et non sur la seule section déclarée d'utilité publique ; que de même, l'étude d'impact comporte une analyse des impacts de la totalité de l'opération ;
Considérant que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet aurait été irrégulièrement fractionné ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'un projet ne peut légalement être déclaré d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'il comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la R. N. 5, principale liaison routière entre Genève, Annemasse et Evian, située en bordure du lac Léman, est saturée et que la croissance de son trafic est supérieure à la moyenne nationale, en raison du dynamisme économique de la région ; que l'aménagement d'une liaison rapide à deux fois deux voies permettant de relier Annemasse et Thonon par l'intérieur des terres permettra d'améliorer la fluidité du trafic régional et d'améliorer la sécurité des usagers ; que, si cette opération comporte certains inconvénients, notamment pour les riverains de l'infrastructure et pour l'environnement, il ressort du dossier que ces inconvénients seront limités par diverses mesures compensatoires, dont le coût représente près de 10 % de celui de l'opération ; qu'en particulier, les nuisances sonores pour les riverains font l'objet des diverses mesures de protection mentionnées ci-dessus ; que des mesures techniques sont prévues afin, notamment, de limiter les rejets des eaux de ruissellement provenant de l'infrastructure dans les zones humides traversées, et de rétablir tout au long de l'itinéraire plusieurs points permettant le passage de la grande faune ; que, dans ces conditions, les inconvénients de l'opération ne peuvent être regardés comme excessifs par rapport à l'intérêt qu'elle présente ; que la circonstance qu'un autre tracé aurait présenté moins d'inconvénients n'est pas de nature à mettre en cause la légalité du décret attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION DE CONCERTATION ET DE PROPOSITION POUR L'AMENAGEMENT ET LES TRANSPORTS et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 17 juillet 2006 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de MM. Y, Z, AA et AB et de Mme AC n'est pas admise.
Article 2 : L'intervention du Syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais est admise.
Article 3 : La requête de l'ASSOCIATION DE CONCERTATION ET DE PROPOSITION POUR L'AMENAGEMENT ET LES TRANSPORTS et autres est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DE CONCERTATION ET DE PROPOSITION POUR L'AMENAGEMENT ET LES TRANSPORTS, au GAEC « PRE DE LA GRANGE », à M. Edouard A, à M. Stéphane B, au GAEC « GONDRAND », au GAEC « LE REBATY », à M. Laurent C, à M. Jean D, au GAEC « L'OREE DU BOIS », à Mme Isabelle E, à M. Robert F, à M. Claude G, à M. Jannantuoni H, à M. Gilbert I, à M. Roger J, à Mme Marie-Claude K, à Mme Elisabeth L, à M. Pierre M, à M. ou Mme Jean-Guy N, à Mme Elisabeth O, à Mme Françoise P, à M. ou Mme Didier Q, à M. Louis R, à M. Maurice S, à Mme Anne E, à M. Sylvain T, à Mme Caroline U, à Mme Corinne U, à M. Yves V, à M. Eric W, à l'ASSOCIATION LES AMIS DES VOIRONS, à M. Abel Y, à M. Guy Y, à M. Samuel Z, à M. Raphaël Y, à M. Bernard AA, à M. AB, à Mme Wanda AC, au Syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais, au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.