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25/07/2007 | FRANCE | N°285961

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 25 juillet 2007, 285961


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 octobre 2005 et 7 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS, dont le siège est 4, avenue Ruysdaël à Paris (75379 cedex 08) ; le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 août 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 juin 2002 du tribunal administratif de Limoges annulant, à la demande

de M. A, sa décision du 7 novembre 1995 confirmant la décision du conse...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 octobre 2005 et 7 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS, dont le siège est 4, avenue Ruysdaël à Paris (75379 cedex 08) ; le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 août 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 juin 2002 du tribunal administratif de Limoges annulant, à la demande de M. A, sa décision du 7 novembre 1995 confirmant la décision du conseil régional de l'ordre des pharmaciens du Limousin refusant de traduire M. B devant la chambre de discipline ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 13 juin 2002 et de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Limoges ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Jacques-Yves A,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisi d'une plainte de M. A, pharmacien d'officine, contre son confrère, M. B, le conseil régional de l'ordre des pharmaciens du Limousin a refusé, par une décision du 30 avril 1995, de traduire ce dernier en chambre de discipline et que le conseil national de l'ordre des pharmaciens a rejeté, par une décision du 7 novembre 1995, le recours administratif formé par M. A contre cette décision ; que, par un jugement du 13 juin 2002, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du conseil national de l'ordre des pharmaciens ; que ce dernier se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 août 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il résulte des articles L. 523 et L. 527 du code de la santé publique alors en vigueur que la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens constitue la juridiction disciplinaire de première instance compétente à l'égard des pharmaciens d'officine ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 5016 du même code, alors en vigueur : « L'action disciplinaire contre un pharmacien ne peut être introduite que par une plainte formée par l'une des personnes suivantes : le ministre chargé de la santé, le ministre chargé de la sécurité sociale, le ministre chargé des départements d'outre-mer, le directeur général de l'Agence du médicament pour les pharmaciens des établissements relevant de son contrôle, le préfet, le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, le directeur régional des affaires sanitaires et sociales, le procureur de la République, le président du conseil national, d'un conseil central ou d'un conseil régional de l'ordre des pharmaciens ou un pharmacien inscrit à l'un des tableaux de l'ordre » ; qu'aux termes de l'article R. 5020 alors en vigueur : « La comparution en chambre de discipline est obligatoire si elle est demandée expressément par le ministre chargé de la santé, le directeur général de l'Agence du médicament pour les pharmaciens des établissements relevant de son contrôle ou le procureur de la République. Dans tous les autres cas, le président du conseil intéressé saisit son conseil de l'affaire. / Si le conseil décide de ne pas traduire en chambre de discipline, cette décision est notifiée (...) au pharmacien poursuivi, au plaignant (...) » ;

Considérant que lorsqu'un conseil régional de l'ordre des pharmaciens décide de ne pas déférer un pharmacien devant la juridiction disciplinaire, il ne statue pas sur une contestation portant sur un droit ou une obligation de caractère civil, ni ne décide du bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens des stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux a, dès lors, commis une erreur de droit en se fondant sur ces stipulations pour annuler pour insuffisance de motivation la décision du CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS du 7 novembre 1995 refusant de traduire M. B devant la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens du Limousin ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aucune disposition n'attribue au CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS compétence pour annuler une décision d'un conseil régional refusant de traduire un pharmacien en chambre de discipline et qu'il n'est pas au nombre des personnes disposant, en vertu de l'article R. 5020 du code de la santé publique alors en vigueur, du pouvoir de traduire elles-mêmes un pharmacien en chambre de discipline ; que le conseil national de l'ordre des pharmaciens était dès lors tenu de rejeter la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision du conseil régional de l'ordre du Limousin refusant de traduire M. B en chambre de discipline ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision du conseil national rejetant cette demande serait insuffisamment motivée est inopérant ; que le Conseil national de l'ordre des pharmaciens est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur l'insuffisance de motivation de sa décision du 7 novembre 1995 pour annuler cette décision ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Limoges ;

Considérant que les moyens invoqués par M. A, qui ne sont opérants que contre la décision du 30 avril 1995 par laquelle le conseil régional de l'ordre des pharmaciens du Limousin a refusé de traduire M. B en chambre de discipline, peuvent être regardés comme dirigés en réalité contre cette décision ;

Considérant qu'aucun texte ni aucun principe n'impose au conseil régional de l'ordre de communiquer au plaignant le rapport du rapporteur prévu par l'article R. 5019 du code de la santé publique ou d'entendre les observations orales du plaignant avant de prendre la décision de ne pas traduire en chambre de discipline le pharmacien visé par la plainte ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas applicables à la décision d'un conseil régional de l'ordre des pharmaciens décidant de ne pas déférer un pharmacien devant la juridiction disciplinaire ; que M. A ne saurait dès lors utilement invoquer ces stipulations pour soutenir que la décision du conseil régional aurait dû être précédée d'une audience publique ;

Considérant qu'aucun principe ni aucun texte ne s'opposait à la présence, au sein du conseil régional de l'ordre, de l'inspecteur de la pharmacie prévu par l'article L. 523 du code de la santé publique ;

Considérant que la motivation de la décision du conseil régional de l'ordre de ne pas traduire un pharmacien en chambre de discipline à la suite d'une plainte n'est exigée par aucun texte ni aucun principe ;

Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une plainte d'une personne qui ne dispose pas du droit de traduire elle-même un pharmacien en chambre de discipline, il appartient au conseil régional de l'ordre des pharmaciens, après avoir procédé à l'instruction prévue par les articles R. 5017 à R. 5019 du code de la santé publique alors en vigueur, de décider des suites à donner à la plainte ; qu'il dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte notamment de la gravité des manquements allégués, du sérieux des éléments de preuve recueillis ainsi que de l'opportunité d'engager des poursuites compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ; qu'ainsi, à supposer même qu'il ait tenu compte de ce dernier élément d'appréciation, le conseil régional n'aurait pas commis d'erreur de droit ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en considérant que les infractions dénoncées dans la plainte n'étaient pas suffisamment établies, il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du conseil régional de l'ordre des pharmaciens du 30 avril 1995 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mises à la charge du CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS les sommes demandées par M. A devant le tribunal administratif, la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 9 août 2005 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement du 13 juin 2002 du tribunal administratif de Limoges sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Limoges, ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS, au conseil régional de l'ordre des pharmaciens du Limousin, à M. Jacques-Yves A, à M. Olivier B et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 285961
Date de la décision : 25/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOTIVATION - MOTIVATION OBLIGATOIRE - ABSENCE D'OBLIGATION DE MOTIVATION - CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS - DÉCISION DE NE PAS TRADUIRE UN PHARMACIEN EN CHAMBRE DE DISCIPLINE.

01-03-01-02-01-03 La motivation de la décision d'un conseil régional de l'ordre des pharmaciens de ne pas traduire un pharmacien en chambre de discipline n'est exigée par aucun texte ni aucun principe.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE (ART - 6) - CHAMP D'APPLICATION - EXCLUSION - DÉCISION D'UN CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS DE NE PAS TRADUIRE UN PHARMACIEN EN CHAMBRE DE DISCIPLINE [RJ1].

26-055-01-06-01 Lorsqu'un conseil régional de l'ordre des pharmaciens décide de ne pas déférer un praticien devant la juridiction disciplinaire, il ne statue pas sur une contestation portant sur un droit ou une obligation de caractère civil, ni ne décide du bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens des stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉCISION D'UN CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS DE NE PAS TRADUIRE UN PHARMACIEN EN CHAMBRE DE DISCIPLINE - APPLICATION DES STIPULATIONS DE L'ARTICLE 6 - §1 - DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - ABSENCE [RJ1].

55-04-01-01 Lorsqu'un conseil régional de l'ordre des pharmaciens décide de ne pas déférer un praticien devant la juridiction disciplinaire, il ne statue pas sur une contestation portant sur un droit ou une obligation de caractère civil, ni ne décide du bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens des stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La motivation de la décision d'un conseil régional de l'ordre des pharmaciens de ne pas traduire un pharmacien en chambre de discipline n'est exigée par aucun texte ni aucun principe.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES - VOIES DE RECOURS - DÉCISION D'UN CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS DE NE PAS TRADUIRE UN PHARMACIEN EN CHAMBRE DE DISCIPLINE - VOIE DE RECOURS DEVANT LE CONSEIL NATIONAL - ABSENCE [RJ2].

55-04-01-05 Le conseil national de l'ordre des pharmaciens n'est pas au nombre des autorités qui tirent des dispositions de l'article R. 5020 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur, le pouvoir de traduire elles-mêmes un praticien en chambre de discipline. Par ailleurs, aucune disposition ne lui attribue compétence pour annuler la décision par laquelle un conseil régional de l'ordre a décidé de ne pas déférer un pharmacien devant la juridiction disciplinaire. En conséquence, il est tenu de rejeter une demande tendant à une telle annulation.


Références :

[RJ1]

Comp. CEDH, 12 février 2004, Perez c/ France, n° 47287/99 ;

CEDH 16 novembre 2006, Tsalkitzis c/ Grèce, n°11801/04.,,

[RJ2]

Rappr. 27 janvier 1993, Mme Temple Boyer, n°s 104320 104372, T. p. 993.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2007, n° 285961
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Damien Botteghi
Rapporteur public ?: M. Olson
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:285961.20070725
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