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13/07/2007 | FRANCE | N°290266

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 13 juillet 2007, 290266


Vu, enregistré le 15 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt du 15 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, saisie d'une requête de la société à responsabilité limitée Pacific Piano Bar dirigée contre un jugement du 23 mars 2000 du tribunal administratif de Grenoble rejetant les conclusions de cette société rela

tives aux impositions supplémentaires, droits et pénalités, procédant ...

Vu, enregistré le 15 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt du 15 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, saisie d'une requête de la société à responsabilité limitée Pacific Piano Bar dirigée contre un jugement du 23 mars 2000 du tribunal administratif de Grenoble rejetant les conclusions de cette société relatives aux impositions supplémentaires, droits et pénalités, procédant d'une part de redressements en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1991, 1992 et 1993 et d'autre part de l'application de l'amende prévue à l'article 1768 du code général des impôts au titre des mêmes années, a fait partiellement droit aux conclusions d'appel en déchargeant la société de l'amende précitée et a réformé le jugement du tribunal administratif dans cette mesure ;

2°) statuant au fond, de remettre à la charge de la société Pacific Piano Bar l'amende en cause en tant qu'elle a été infligée à cette société à raison de son omission d'appliquer la retenue à la source prévue à l'article 182 A du code général des impôts sur les rémunérations versées à deux de ses salariés, MM. et ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention entre la France et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, signée le 22 mai 1968, modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Courtial, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1768 du code général des impôts, toute personne morale qui s'est abstenue d'opérer les retenues de l'impôt sur le revenu prévues à l'article 1671 A est passible d'une amende égale au montant des retenues non effectuées ; que ces dispositions sont, en vertu de ce dernier article, applicables à la retenue à la source à laquelle donne lieu, comme il est dit à l'article 182 A du même code, le versement de salaires de source française à des personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : Sont considérées comme ayant leur domicile en France au sens de l'article 4 A : /a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juges du fond que l'amende prévue à l'article 1768 du code général des impôts a été appliquée à la société Pacific Piano Bar qui s'était abstenue, au cours des années 1991, 1992 et 1993, d'opérer la retenue à la source de l'impôt sur le revenu sur les rémunérations versées à deux travailleurs saisonniers de nationalité britannique qu'elle employait dans son établissement de Val d'Isère et qui, selon l'administration, n'étaient pas domiciliés en France ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que, si ces salariés n'étaient employés en qualité de serveurs que pendant une période de cinq mois au cours de chacune des années d'imposition et avaient déclaré résider en Angleterre et y disposer d'un foyer d'habitation permanent, leur seule source de revenus était celle que leur procurait leur activité professionnelle à Val d'Isère, laquelle n'avait donc pas le caractère d'une activité accessoire ; que la cour administrative d'appel en a déduit que ces salariés devaient être regardés comme domiciliés en France au sens des dispositions du b) de l'article 4 B du code général des impôts et qu'il en résultait que les dispositions de l'article 182 A du code général des impôts relatives à la retenue à la source et, par voie de conséquence, l'amende prévue par l'article 1768 du même code, ne pouvaient être appliquées à la société Pacific Piano Bar ; que, sans remettre en cause l'analyse de la situation de ces deux salariés faite par la cour administrative d'appel au regard des dispositions du droit interne et alors même qu'il ressort des mémoires échangés devant les juges du fond que l'administration ne s'est aucunement prévalue devant eux des stipulations de la convention tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu conclue entre la France et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soutient que, en s'abstenant de rechercher, d'office, si les stipulations de cette convention fiscale ne faisaient pas obstacle à l'application des dispositions de droit interne, la cour a commis une erreur de droit et que, faute d'avoir énoncé les raisons pour lesquelles elle a estimé que les stipulations de la convention fiscale ne faisaient pas obstacle à l'application des dispositions de droit interne, elle a en outre insuffisamment motivé son arrêt ;

Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie ; que, s'il conclut que tel n'est pas le cas, il n'a pas à analyser, d'office, la situation du contribuable au regard des stipulations d'une convention fiscale ; que, par suite, ayant estimé, comme il a été dit ci-dessus, que l'amende litigieuse ne pouvait être appliquée à la société Pacific Piano Bar sur le fondement des dispositions des articles 182 A et 1768 du code général des impôts, la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation ni commis d'erreur de droit en s'abstenant d'analyser la situation qui lui était soumise au regard des stipulations de la convention franco-britannique et en se bornant, par un motif surabondant, à relever que celle-ci « n'écartait pas » les dispositions du b de l'article 4 B du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt du 15 décembre 2005 de la cour administrative d'appel de Lyon ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et à la société Pacific Espace.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 290266
Date de la décision : 13/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-05 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. TEXTES FISCAUX. CONVENTIONS INTERNATIONALES. - CONVENTION BILATÉRALE CONCLUE EN VUE D'ÉVITER LES DOUBLES IMPOSITIONS - POSSIBILITÉ DE SERVIR DE BASE LÉGALE À L'IMPOSITION - ABSENCE - CONSÉQUENCE SUR L'OFFICE DU JUGE DE L'IMPÔT [RJ1].

19-01-01-05 Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie. S'il conclut que tel n'est pas le cas, il n'a pas à analyser, d'office, la situation du contribuable au regard des stipulations de la convention.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Ass., 28 juin 2002, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie c/ Société Schneider Electric, n° 232276, p. 233.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2007, n° 290266
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Jean Courtial
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:290266.20070713
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