Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 9 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 18 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son recours tendant d'une part, à l'annulation des jugements du 30 novembre 2000 du tribunal administratif de Lille accordant à la SA France-Manche une réduction de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1996, 1997 et 1998, et d'autre part, à ce que ladite taxe soit remise à la charge de cette société au titre desdites années ;
2°) statuant au fond, de remettre à la charge de la société les impositions en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 portant loi de finances pour 2006 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SA France-Manche,
- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA France-Manche, qui assure conjointement avec la société The Channel Tunnel Group Limited au sein de la société en participation Eurotunnel l'exploitation du tunnel sous la Manche, a présenté au titre des années 1996 à 1998 des demandes de plafonnement en fonction de la valeur ajoutée des cotisations de taxe professionnelle dues à raison de l'établissement situé à Coquelles (Pas-de-Calais) ; que lors de l'instruction de cette demande, l'administration a constaté que la valeur ajoutée déclarée par la société SA France-Manche ne tenait pas compte des indemnités d'assurance qu'elle avait perçues pour couvrir la perte d'exploitation subie à la suite du sinistre survenu le 18 novembre 1996 dans le tunnel sous la Manche, et qu'elle avait comptabilisées au compte 79 transferts de charges ; que l'administration a augmenté dans cette mesure la valeur ajoutée déterminant le plafonnement, et limité les dégrèvements accordés à 3 961 629 F pour 1996, 31 059 191 F pour 1997 et 16 583 776 F pour 1998 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son recours tendant d'une part, à l'annulation des jugements du 30 novembre 2000 du tribunal administratif de Lille accordant à la SA France-Manche une réduction de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1996, 1997 et 1998, et d'autre part, à ce que la fraction des cotisations dégrevée à la suite de ces jugements soit remise à la charge de cette société au titre des années précitées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée à 4 % de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II (...). /II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : /D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; /Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. /Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion (...) ; que ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle ; que pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée ; qu'aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au même code : Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ;
Considérant que les indemnités d'assurance perçues par la SA France-Manche étaient destinées à compenser des pertes de recettes ou d'exploitation ; que de telles indemnités devaient, en application du plan comptable général alors en vigueur, être inscrites au crédit du compte 79 transferts de charges et ne pouvaient faire l'objet d'une comptabilisation à un autre compte ; que ce compte ne pouvait être rattaché à aucune des rubriques prévues pour le calcul de la valeur ajoutée par l'article 1647 B sexies, avant sa modification par l'article 85 de la loi de finances pour 2006 en date du 30 décembre 2005 ; qu'en jugeant que ces indemnités ne devaient pas être prises en compte dans la valeur ajoutée à retenir pour calculer le plafonnement de la taxe professionnelle due par la SA France-Manche, la cour administrative d'appel de Douai n'a donc pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la SA France-Manche et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SA France-Manche la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la SA France-Manche.