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09/07/2007 | FRANCE | N°294706

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 09 juillet 2007, 294706


Vu 1°, sous le n° 294706, la requête, enregistrée le 28 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Pascal A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 27 avril 2006 par laquelle le directeur des services judiciaires, rejetant son recours hiérarchique dirigé contre une décision du 30 décembre 2005 du sous-directeur de la magistrature, a rejeté sa demande tendant au versement de son traitement à compter de la date d'expiration de son détachement de longue durée auprès du ministère des affaires é

trangères, ensemble la décision du 30 décembre 2005 ;

2°) de condamner ...

Vu 1°, sous le n° 294706, la requête, enregistrée le 28 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Pascal A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 27 avril 2006 par laquelle le directeur des services judiciaires, rejetant son recours hiérarchique dirigé contre une décision du 30 décembre 2005 du sous-directeur de la magistrature, a rejeté sa demande tendant au versement de son traitement à compter de la date d'expiration de son détachement de longue durée auprès du ministère des affaires étrangères, ensemble la décision du 30 décembre 2005 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 507,68 euros correspondant au traitement qui lui est dû pour la période du 15 septembre 2005 au 31 mars 2006 ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de procéder au versement de ladite somme et de régulariser en conséquence sa situation au regard de ses droits à la retraite, à l'avancement et à la sécurité sociale, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu 2°, sous le n° 294707, la requête, enregistrée le 28 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Pascal A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 17 mai 2006 en tant qu'il prononce sa réintégration dans le corps judiciaire à compter du 1er avril 2006 et non à compter du 15 septembre 2005 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 modifié relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Bonnot, chargé des fonctions de Maître des Requêtes-rapporteur,

- les observations de Me Georges, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 294706 et 294707 concernent la situation d'un même magistrat ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que M. A, magistrat de l'ordre judiciaire, a été placé, à compter du 1er décembre 1995, en position de détachement auprès du ministère des affaires étrangères pour servir successivement, au titre de la coopération judiciaire, aux Comores, au Rwanda puis au Mali ; que son détachement dans ce dernier pays est venu à expiration le 14 septembre 2005 ; que le requérant demande l'annulation, d'une part, du décret du 17 mai 2006 en tant qu'il prononce sa réintégration dans le corps judiciaire à compter du 1er avril 2006 et non à compter du 15 septembre 2005 et, d'autre part, des décisions du 30 décembre 2005 du sous-directeur de la magistrature et du 27 avril 2006 du directeur des services judiciaires qui, en l'absence de réintégration préalable, lui refusent le versement de son traitement du 15 septembre 2005 au 31 mars 2006 ;

Considérant qu'en vertu de l'article 68 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant certaines positions, dont le détachement, s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire ;

Considérant que l'administration a l'obligation de placer ses agents dans une position régulière ; qu'il résulte du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat que l'agent dont le détachement de longue durée pour accomplir une mission d'intérêt général à l'étranger prend fin et n'est pas renouvelé par son administration d'origine est immédiatement réintégré, au besoin en surnombre, dans son corps d'origine ; que, dans le cas où l'administration n'a pas reçu en temps utile les souhaits d'affectation de l'intéressé à l'issue de son détachement, cette circonstance permet de l'affecter sur un emploi qu'il n'a pas demandé mais ne dispense pas l'administration de l'obligation de le réintégrer et de lui verser son traitement ; que le magistrat ainsi réintégré a droit à son traitement à compter du jour d'expiration de son détachement ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. A a fait connaître au ministère de la justice dès le 23 mai 2005 le souhait de renouveler son détachement et d'être affecté auprès du ministre de la justice du Tchad ; que ce n'est que le 30 décembre 2005, postérieurement à la date d'expiration de son détachement, que le sous-directeur de la magistrature a fait savoir à l'intéressé que le ministère ne souhaitait pas affecter un magistrat comme assistant technique au Tchad ;

Considérant que M. A, qui a fait connaître en temps utile son souhait de renouveler, sur un autre poste, son détachement, n'avait pas, contrairement à ce que soutient le ministre, à formuler de voeux d'affectation dans le corps judiciaire avant que lui soit notifié le sort réservé à sa demande de renouvellement de détachement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A, dont le détachement a expiré le 14 septembre 2005, devait être réintégré dans le corps judiciaire dès le 15 septembre 2005 ; qu'ainsi, le décret attaqué est entaché d'erreur de droit en ce qu'il ne prononce la réintégration de l'intéressé qu'à compter du 1er avril 2006 ; que M. A est dès lors fondé à en demander l'annulation en tant qu'il fixe sa date de réintégration au 1er avril 2006 ; que, par voie de conséquence, les décisions du 30 décembre 2005 du sous-directeur de la magistrature et du 27 avril 2006 du directeur des services judiciaires, qui s'analysent comme un refus d'engager une procédure de réintégration à la date du 15 septembre 2005, doivent être également annulées ;

Considérant que M. A est fondé à demander le versement de son traitement pour la période du 15 septembre 2005 au 31 mars 2006, sans que l'absence de service fait puisse lui être opposé ; qu'il y a lieu, statuant sur les conclusions de pleine juridiction présentées par M. A, de prescrire au garde des sceaux, ministre de la justice, de verser à l'intéressé les traitements qui lui sont dus, sans prononcer d'injonction assortie d'une astreinte ;

Considérant que la présente décision implique nécessairement que le garde des sceaux, ministre de la justice régularise la situation de M. A au regard de sa carrière et de ses droits à pension ; qu'il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de procéder à ces régularisations dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le décret du 17 mai 2006 portant réintégration de M. A est annulé en tant qu'il prononce la réintégration à compter du 1er avril 2006.

Article 2 : Les décisions du sous-directeur de la magistrature du 30 décembre 2005 et du directeur des services judiciaires du 27 avril 2006, sont annulées.

Article 3 : Le garde des sceaux, ministre de la justice, versera à M. A les traitements qui lui sont dus au titre de la période du 15 septembre 2005 au 31 mars 2006.

Article 4 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de régulariser la situation de M. A au regard de sa carrière et de ses droits à pension dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera la somme de 4 000 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pascal A et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 294706
Date de la décision : 09/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-04-02-006 JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES. MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE. MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE. AFFECTATION. - DÉTACHEMENT D'UN MAGISTRAT - OBLIGATION POUR L'ADMINISTRATION DE PLACER L'INTÉRESSÉ EN SITUATION RÉGULIÈRE À LA FIN DU DÉTACHEMENT [RJ1].

37-04-02-006 L'administration a l'obligation de placer ses agents dans une position régulière. Il résulte du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat que l'agent dont le détachement de longue durée pour accomplir une mission d'intérêt général à l'étranger prend fin et n'est pas renouvelé par son administration d'origine est immédiatement réintégré, au besoin en surnombre, dans son corps d'origine. Dans le cas où l'administration n'a pas reçu en temps utile les souhaits d'affectation de l'intéressé à l'issue de son détachement, cette circonstance permet de l'affecter sur un emploi qu'il n'a pas demandé mais ne dispense pas l'administration de l'obligation de le réintégrer et de lui verser son traitement. Le magistrat ainsi réintégré a droit à son traitement à compter du jour d'expiration de son détachement.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 6 novembre 2002, M. Guisset, n° 227147, p. 376 ;

Juge des référés, 12 décembre 2001, Mme Pantz, n° 239168, T. pp. 1011-1018.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2007, n° 294706
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Frédéric Bonnot
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : GEORGES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:294706.20070709
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