Vu 1°), sous le n° 281147, la requête, enregistrée le 3 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION GENERALE DES FONCTIONNAIRES FORCE OUVRIERE ; la FEDERATION GENERALE DES FONCTIONNAIRES FORCE OUVRIERE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application de l'article 136 de la loi n° 2004-1485 de finances rectificative du 30 décembre 2004 et modifiant le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 282169, la requête, enregistrée le 6 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel AA, demeurant ... ; M. AA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite, notamment son article L. 24 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Lallet, Rapporteur,
- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de la FEDERATION GENERALE DES FONCTIONNAIRES FORCE OUVRIERE et de M. AA sont relatives au même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2004 : « I. - La liquidation de la pension intervient : (...) / 3°) Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article » ; que le décret attaqué du 10 mai 2005 pris en application de cette loi fixe la durée d'interruption requise à deux mois et prévoit que pour remplir la condition d'interruption peuvent être pris en compte le congé de maternité, de paternité, d'adoption, le congé parental, de présence parentale et les périodes de disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; qu'il précise enfin les situations constitutives d'une présomption d'interruption ;
Considérant, en premier lieu, qu'en fixant la durée de l'interruption d'activité exigée à deux mois, le pouvoir réglementaire n'a ni méconnu les termes de la loi du 30 décembre 2004, ni excédé ses compétences ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de la loi et de l'incompétence du signataire du décret attaqué doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en précisant au deuxième alinéa du I de l'article 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'une part, que l'interruption d'activité « (...) doit avoir lieu pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l'adoption et le dernier jour de la seizième semaine suivant la naissance ou l'adoption » et, d'autre part, au troisième alinéa du I de l'article 37 du même code, que : « Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, pour les enfants énumérés aux troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas du II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article, l'interruption d'activité doit intervenir soit avant leur seizième anniversaire, soit avant l'âge où ils ont cessé d'être à charge au sens des articles L. 512-3 et R. 512-2 à R. 512-3 du code de la sécurité sociale », le décret attaqué n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'au surplus, les fonctionnaires ayant élevé des enfants appartenant aux deux catégories ci-dessus étant placés, en vertu de la loi, dans des situations juridiques différentes, le décret attaqué pouvait prévoir des périodes de référence différentes pour l'interruption d'activité dans chacune de ces deux situations, sans pour autant qu'il soit porté atteinte au principe d'égalité ; qu'il en résulte que le moyen tiré de la violation de la loi et de l'atteinte au principe d'égalité doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de la loi que ne sont prises en compte que des périodes d'interruption d'activité et qu'ainsi, le décret attaqué, en ne prévoyant pas la prise en compte des périodes de temps partiel accordées de droit pour élever un enfant pour pouvoir remplir la condition permettant d'accéder à la retraite anticipée avec jouissance immédiate, n'a pas méconnu les dispositions législatives applicables ; qu'en prévoyant au III de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite que : « Les périodes visées au deuxième alinéa du 3° du I de l'article L. 24 sont les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation de l'intéressé et pendant lesquelles celui-ci n'exerçait aucune activité professionnelle », le décret attaqué n'a pas non plus méconnu les dispositions de cette même loi, laquelle prévoit que : « (...) Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article L. 24 de ce code par le décret attaqué quant aux conditions de prise en compte des périodes d'interruption d'activité doit être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que si certains des congés pouvant être pris en compte pour remplir la condition d'interruption d'activité de deux mois donnent lieu à rémunération, alors que d'autres ne font pas l'objet d'une rémunération, cette circonstance est, par elle-même, sans influence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant, en cinquième lieu, que, d'une part, les conditions dans lesquelles le décret attaqué peut légalement trouver à s'appliquer à des demandes présentées entre le 31 décembre 2004 et le 12 mai 2005, et notamment à la situation de M. AA, sont sans incidence sur sa légalité, dès lors que ce décret est pris pour l'application du I de l'article 136 de la loi du 30 décembre 2004 et non des dispositions du II du même article aux termes desquelles : « Les dispositions du I sont applicables aux demandes présentées avant leur entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée » ; qu'ainsi, le moyen tiré du caractère rétroactif du décret attaqué en ce qu'il serait appliqué à des demandes présentées avant le 12 mai 2005 est inopérant ; que pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que l'application rétroactive de ces dispositions serait incompatible avec les stipulations du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre du décret attaqué ;
Considérant, en sixième lieu, que si l'acquisition des droits à pension garantit le bénéfice d'une pension au sens de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les modalités de liquidation de cette dernière ne sont appréciées qu'à la date de l'admission à la retraite et sur la base de la législation en vigueur à cette date ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le décret soumettrait à des conditions nouvelles l'exercice d'un droit acquis dès la naissance ou l'arrivée de l'enfant doit être écarté ;
Considérant, en septième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : « Chaque Etat membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail./ Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier./ L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail » ; que, cependant, l'article 6 de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité instituant la Communauté européenne, après avoir rappelé les règles fixées par l'article 141 du traité, précise en son paragraphe 3 que : « Le présent article ne peut empêcher un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à compenser des désavantages dans leur carrière professionnelle » ; qu'eu égard à l'objet du droit, ouvert par la loi, d'entrer en jouissance immédiate de sa pension avant d'avoir atteint l'âge de la retraite, le principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes tel qu'il est garanti par l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne n'interdisait pas que la réglementation nationale fixe, par une disposition également applicable aux deux sexes, une durée minimale de deux mois à l'interruption d'activité ouvrant droit à cette entrée en jouissance et prévoie, parmi les positions statutaires donnant droit à son bénéfice, le congé de maternité, alors même que, de ce fait et en raison du caractère facultatif des autres congés, pour la plupart non rémunérés et dont certains n'étaient pas encore ouverts aux hommes à la date à laquelle leurs enfants sont nés, le dispositif nouveau devrait bénéficier principalement aux fonctionnaires de sexe féminin ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ; qu'il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de la méconnaissance, d'une part, de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de l'article 14 de la même convention ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION GENERALE DES FONCTIONNAIRES FORCE OUVRIERE et M. AA ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le versement des sommes que les requérants demandent au titre des frais qu'ils auraient exposés ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la FEDERATION GENERALE DES FONCTIONNAIRES FORCE OUVRIERE et de M. AA sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION GENERALE DES FONCTIONNAIRES FORCE OUVRIERE, à M. Michel AA et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.