Vu le recours, enregistré le 22 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 novembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 19 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Nantes a accordé à la S.A. Ferette la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'année 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Daniel Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la S.A. Ferette,
- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Nantes que la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés litigieuse, à laquelle la S.A. Ferette, qui exploitait une entreprise de transport routier de marchandises, avait été assujettie au titre de l'année 1995, et dont le tribunal administratif de Nantes lui a accordé la décharge par un jugement du 19 novembre 2002, procédait de ce qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de cette société, l'administration a remis en cause la déduction d'une provision que celle-ci avait constituée afin de constater la dépréciation de licences de transport inscrites à son actif immobilisé pour le prix de leur acquisition, et auxquelles le changement de réglementation résulté des dispositions du décret du 14 mars 1986 relatif aux transports routiers de marchandises avait, selon elle, fait perdre toute valeur ; qu'au cours de la procédure de redressement contradictoire, l'administration a motivé la réintégration de la provision en soutenant que le changement de réglementation résulté du décret du 14 mars 1986 ne constituait pas un événement rendant probable la dépréciation des licences de transport antérieurement acquises, et, faisant valoir qu'il s'agissait là d'une question de droit échappant à la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, a rejeté la demande de la société tendant à ce que cet organisme fût consulté ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE a, devant la cour administrative d'appel, abandonné le motif susanalysé, que le tribunal administratif avait jugé infondé, et soutenu que la réintégration de la provision était justifiée du fait que son montant ne correspondait pas à une évaluation suffisamment précise de la dépréciation des licences que détenait la société ; que, par l'arrêt attaqué la cour administrative d'appel, estimant que ce nouveau motif soulevait une question de fait relevant de la compétence de la commission départementale des impôts, a jugé que sa substitution au motif initialement retenu par l'administration, sans que la société ait bénéficié de la garantie que constitue la consultation de cette commission, ne pouvait pas être admise ;
Considérant que, si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend relatif à une question de fait dont la solution commande le bien-fondé du nouveau motif invoqué par l'administration ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, la cour administrative d'appel a rejeté à juste titre comme constitutif d'une proposition de substitution, soumise à la condition susénoncée, le moyen par lui tiré, devant elle, de ce que l'imposition litigieuse aurait été justifiée pour un motif autre que celui qu'avait, jusqu'alors, retenu à tort l'administration, quand bien même l'un comme l'autre de ces motifs se rapportait à l'application de l'une des règles auxquelles est subordonnée la déductibilité d'une provision en vertu des dispositions de l'article 39-1-5° du code général des impôts ; que la cour a, dès lors, à bon droit, sans mettre en cause la recevabilité du ministre à soulever un moyen nouveau, garantie par les dispositions, dont se prévaut celui-ci, de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, ni entacher son arrêt d'aucune irrégularité, recherché d'office si la condition susénoncée, permettant d'accueillir la proposition de substitution de motif, était ou non remplie en l'espèce ;
Considérant qu'il suit de là que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, en remboursement des frais exposés par la S.A.S Giraud Ouest, venue aux droits de la S.A. Ferette, et non compris dans les dépens, la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la S.A.S Giraud Ouest, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la S.AS. Giraud Ouest.