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20/06/2007 | FRANCE | N°290265

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 20 juin 2007, 290265


Vu le recours, enregistré le 15 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 13 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté ses recours tendant à l'annulation de chacun des deux jugements, en date du 9 novembre 2000 et du 26 mars 2002, par lesquels le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy une réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelle

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Vu le recours, enregistré le 15 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 13 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté ses recours tendant à l'annulation de chacun des deux jugements, en date du 9 novembre 2000 et du 26 mars 2002, par lesquels le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy une réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie, respectivement au titre des années 1997 et 1998 et au titre des années 1999 et 2000, dans les rôles de la commune d'Aurec-sur-Loire (Haute-Loire) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Daniel Fabre, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Douai que la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy utilise, à Aurec-sur-Loire (Haute-Loire), pour les besoins de son activité d'entreposage pour le compte de tiers, des installations de stockage qu'elle prend à bail, et dont l'administration, après une vérification de la comptabilité de la société propriétaire Sogebail, a, en 1995, estimé qu'elles présentaient le caractère d'un établissement industriel, et que la valeur locative servant de base à la taxe foncière sur les propriétés bâties, à reprendre dans les bases de la taxe professionnelle en vertu du 1° de l'article 1469 du code général des impôts, devait, par suite, en être déterminée, non plus, comme il avait été fait jusqu'alors, suivant les règles définies, pour les locaux commerciaux, par l'article 1498 dudit code, mais par application des dispositions de l'article 1499 de celui-ci ; que les cotisations de taxe professionnelle auxquelles la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy a été assujettie au titre de chacune des années 1997 à 2000 ont, de ce fait, été établies par l'administration sur des bases comportant addition aux éléments de ses déclarations de la valeur locative des susdites installations passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties telle qu'elle résultait de l'application des règles d'évaluation fixées par l'article 1499 ; que, par l'arrêt contre lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit, la cour administrative d'appel a rejeté ses recours formés à l'encontre des deux jugements, en date du 9 novembre 2000 et du 26 mars 2002, par lesquels le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à la société la réduction de ces impositions aux montants résultant du maintien d'une évaluation des installations suivant les règles définies par l'article 1498, au motif que, si, contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal, l'administration avait à bon droit regardé les installations en cause comme constitutives d'un établissement industriel au sens de l'article 1499, la société, en revanche, était fondée à soutenir que les impositions litigieuses avaient été établies en méconnaissance du principe général des droits de la défense, la lettre du 17 février 1995 par laquelle le service l'avait informée de son intention de modifier l'évaluation des installations, en l'invitant à présenter des observations si elle l'estimait utile, n'ayant satisfait au respect de ce principe qu'en ce qui concerne les années d'imposition 1992 à 1994, objets de la vérification de comptabilité à laquelle elle faisait suite ;

Considérant que, si le respect du principe général des droits de la défense exige, lorsqu'une imposition est assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, que l'administration n'établisse, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir mis à même de présenter ses observations, et si, notamment, l'administration doit s'acquitter de cette obligation avant d'établir une cotisation de taxe professionnelle sur des bases affectées par un rehaussement d'éléments que le redevable a chiffrés dans la déclaration annuelle prévue par l'article 1477 du code général des impôts, elle n'y est, en revanche, pas tenue lorsque, sans remettre en cause les éléments ainsi déclarés, elle effectue, comme en l'espèce, une nouvelle évaluation de la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière dont le contribuable a disposé pour les besoins de son activité, qu'il lui appartient d'ajouter auxdits éléments afin de déterminer le montant total des bases de la taxe ; que, par suite, en statuant ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la cour administrative d'appel a, en tout état de cause, entaché d'une erreur de droit l'arrêt attaqué, dont le ministre est, dès lors, fondé à demander l'annulation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que revêtent un caractère industriel, au sens de l'article 1499 du code général des impôts, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entrepôt dont dispose, à Aurec-sur-Loire, la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy est équipé de moyens techniques permettant une manipulation entièrement informatisée et mécanisée des produits réceptionnés, stockés puis réexpédiés ; que l'importance de ces moyens et le rôle prépondérant que leur utilisation joue dans l'exercice par la société de son activité au sein de l'établissement confèrent à celui-ci, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, un caractère industriel, au sens de l'article 1499 du code général des impôts ;

Considérant, toutefois, qu'il convient d'examiner, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, les autres moyens soulevés, tant en première instance qu'en défense aux recours d'appel du ministre, par la S.A.R.L. Etablissement Roger Rondy à l'encontre de la régularité ou du bien-fondé des impositions litigieuses ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que le moyen tiré de ce que les impositions litigieuses auraient été établies en méconnaissance du principe général des droits de la défense n'est pas fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés par la société de ce que la direction régionale des impôts d'Auvergne aurait incompétemment procédé à la vérification de la comptabilité de la société propriétaire des installations de stockage dont elle dispose, puis décidé du rehaussement de la valeur locative de ces installations entrant dans les bases de la taxe professionnelle dont elle est redevable, sont, en tout état de cause, inopérants au regard de la régularité des cotisations litigieuses, dès lors que l'administration a établi celles-ci, en ajoutant aux éléments de base déclarés par la société la valeur locative qui, selon elle, devait être attribuée auxdites installations passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, indépendamment de toute procédure préalable de vérification ou de redressement, susceptible d'en affecter la régularité ; que le moyen tiré par la société de ce que les cotisations litigieuses auraient été mises en recouvrement par voie de rôles incompétemment rendus exécutoires par le directeur régional des impôts d'Auvergne manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, que, si, selon la documentation administrative de base 6 C-251 du 15 décembre 1988, les établissements où sont réalisées des manipulations ou des prestations de services doivent être regardés comme des établissements industriels au sens de l'article 1499 du code général des impôts lorsque le rôle de l'outillage et de la force motrice y est prépondérant, alors même qu'ils ne constituent pas des usines ou ateliers se livrant à la transformation de matières premières ou à la fabrication et à la réparation d'objets, ces prescriptions ne comportent aucune interprétation formelle de l'article 1499 différente de celle énoncée précédemment, et dont puisse utilement se prévaloir la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en appliquant, jusqu'en 1995, aux entrepôts en cause les règles d'évaluation prévues par l'article 1498 du code général des impôts pour les locaux commerciaux, l'administration n'a pas, contrairement à ce que soutient la S.A.R.L. Etablissement Roger Rondy pris formellement position sur l'appréciation, au regard de la loi fiscale, d'une situation de fait dont elle ne connaissait pas, alors, tous les éléments ; que la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy ne saurait, dès lors, utilement se prévaloir de la garantie qu'instituent les dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en dernier lieu, que la société n'est, en tout état de cause, pas fondée à invoquer une méconnaissance par l'administration de principes généraux du droit communautaire, à l'encontre de cotisations de taxe professionnelle uniquement régies par la loi fiscale interne ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements dont il fait appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy une réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de chacune des années 1997 à 2000 dans les rôles de la commune d'Aurec-sur-Loire ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy demande en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 13 décembre 2005 et les jugements du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 novembre 2000 et du 26 mars 2002 sont annulés.

Article 2 : La S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy est rétablie aux rôles de la taxe professionnelle de la commune d'Aurec-sur-Loire de chacune des années 1997 à 2000 à raison de l'intégralité des droits auxquels elle a été primitivement assujettie.

Article 3 : Les conclusions de la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la S.A.R.L. Etablissements Roger Rondy.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. QUESTIONS COMMUNES. VALEUR LOCATIVE DES BIENS. - RÈGLES DE DÉTERMINATION (ART. 1496 À 1499 DU CGI) - ETABLISSEMENTS INDUSTRIELS - NOTION - ACTIVITÉ NÉCESSITANT D'IMPORTANT MOYENS TECHNIQUES - CONDITIONS - IMPORTANCE ET RÔLE PRÉPONDÉRANT DE CES MOYENS [RJ1] - APPLICATION À DES INSTALLATIONS DE STOCKAGE [RJ2].

19-03-01-02 Un entrepôt de stockage équipé de moyens techniques permettant une manipulation entièrement informatisée et mécanisée des produits réceptionnés, stockés puis réexpédiés présente un caractère industriel au sens des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts, eu égard à l'importance de ces moyens et au rôle prépondérant que leur utilisation joue dans l'exercice par la société de son activité au sein de l'établissement.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 27 juillet 2005, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie c/ Société des pétroles Miroline, n° 261899-273663, p. 338.,,

[RJ2]

Cf. 10 février 2006, SNC Distribution Leader Price, n° 270766, à mentionner aux tables, feuilles roses p. 31.


Publications
Proposition de citation: CE, 20 jui. 2007, n° 290265
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Daniel Fabre
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 20/06/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 290265
Numéro NOR : CETATEXT000018006534 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-06-20;290265 ?
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