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15/06/2007 | FRANCE | N°299966

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 15 juin 2007, 299966


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 décembre 2006 et 12 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PRINTING PACK BV, dont le siège est situé au 3051 Sraswinskylaan 1077 ZX à Amsterdam (Pays-Bas) ; la SOCIETE PRINTING PACK BV demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 5 décembre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête tendant à la suspension de deux avis à tiers détenteur émis le 23 octobre 2006 par le

receveur divisionnaire des impôts de Valence aux fins d'obtenir le paiement...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 décembre 2006 et 12 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PRINTING PACK BV, dont le siège est situé au 3051 Sraswinskylaan 1077 ZX à Amsterdam (Pays-Bas) ; la SOCIETE PRINTING PACK BV demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 5 décembre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête tendant à la suspension de deux avis à tiers détenteur émis le 23 octobre 2006 par le receveur divisionnaire des impôts de Valence aux fins d'obtenir le paiement, d'une part, d'une somme de 4 402 466 euros correspondant à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, d'une somme de 1 365 785 euros correspondant à des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés, mises en recouvrement le 31 août 2006 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention fiscale entre la France et les Pays-Bas du 16 mars 1973 tendant à limiter les doubles impositions et à éviter l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Spinosi, avocat de la SOCIETE PRINTING PACK BV,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE PRINTING PACK BV demande l'annulation de l'ordonnance du 5 décembre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de deux avis à tiers détenteur émis le 23 octobre 2006 par le receveur divisionnaire des impôts du pôle de recouvrement de Valence pour obtenir le paiement, d'une part, d'une somme de 4 402 466 euros correspondant à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, majorée des pénalités et intérêts de retard correspondants, et d'autre part, d'une somme de 1 365 785 euros correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés, majorées des pénalités et intérêts de retard correspondants, mises en recouvrement le 31 août 2006 ;

Sur la régularité en la forme de l'ordonnance attaquée :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 742-3 du code de justice administrative : Les ordonnances (...) indiquent à leur suite la qualité de leur signataire ; qu'aux termes de l'article R. 742 ;5 du même code : La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue ; que la minute de l'ordonnance attaquée a été signée par le magistrat qui l'a rendue ; que la circonstance que cette ordonnance a été, en outre, signée par un agent du greffe est sans incidence sur sa régularité ;

Considérant, d'autre part, qu'après avoir visé les mémoires produits par la société, analysé les moyens invoqués devant lui et cité les dispositions en application desquelles il a statué, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a suffisamment motivé le rejet de la demande présentée par la société sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative en se bornant à indiquer qu'en l'état de l'instruction, ces moyens, qu'il a rappelés dans les motifs de son ordonnance, n'étaient pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à l'existence de l'obligation de payer résultant des avis à tiers détenteur en litige ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ; qu'aux termes de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales : Lorsqu'à la suite d'une proposition de rectification, une procédure amiable en vue d'éliminer la double imposition est ouverte sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale ou de la convention européenne du 23 juillet 1990 relative à l'élimination des doubles impositions dans le cas de correction des bénéfices entre entreprises associées, le cours du délai d'établissement de l'imposition correspondante est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes. ; qu'aux termes de l'article 2 de la convention fiscale conclue entre la France et les Pays-Bas en date du 16 mars 1973, Les impôts auxquels s'applique la convention sont (..) en ce qui concerne la France : / - l'impôt sur le revenu ; / - l'impôt sur les sociétés ; / - la contribution des patentes en ce qui concerne l'article 8, y compris toutes retenues à la source, tous précomptes ou avances décomptés sur les impôts visés ci-dessus et qu'aux termes de l'article 27 lorsqu'un résident de l'un des Etats estime que les mesures prises par l'un des Etats ou par chacun des deux Etats entraînent ou entraîneront pour lui une imposition non conforme à la présente convention, il peut, indépendamment des recours prévus par la législation nationale de ces Etats, soumettre son cas à l'autorité compétente de l'Etat dont il est résident. Le cas devra être soumis dans les trois ans qui suivront la première notification de la mesure qui entraîne une imposition non conforme à la convention (…) ;

En ce qui concerne l'avis à tiers détenteur émis pour le paiement de rappels de la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, pour demander la suspension de l'avis à tiers détenteur émis pour obtenir le paiement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, majorée des pénalités et intérêts de retard correspondants, mis à sa charge, la SOCIETE PRINTING PACK BV a soutenu que la procédure amiable prévue par les stipulations précitées de l'article 27 de la convention fiscale entre la France et les Pays-Bas avait été ouverte à la suite de sa demande présentée le 28 février 2005 et que, dès lors, les dispositions de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales faisaient obstacle à la mise en recouvrement de cette imposition ;

Considérant toutefois qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 2 de la convention fiscale conclue entre la France et les Pays-Bas que la taxe sur la valeur ajoutée n'entre pas dans le champ d'application de cette convention ; que par suite, un litige relatif à un tel impôt ne peut donner lieu à l'ouverture de la procédure amiable prévue à l'article 27 de ladite convention ; que, dès lors, en jugeant que le moyen fondé sur la violation de l'article L 189 A du livre des procédures fiscales n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à l'existence de l'obligation de payer résultant de cet avis à tiers détenteur, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ;

En ce qui concerne l'avis à tiers détenteur émis pour le paiement de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société a également invoqué le moyen susanalysé à l'appui de sa demande de suspension de l'exécution de l'avis à tiers détenteur émis pour obtenir le paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés, majorées des pénalités et intérêts de retard correspondants ; que ces impositions supplémentaires, au titre desquelles a été ouverte en février 2005 une procédure amiable avec l'administration fiscale néerlandaise en application des stipulations précitées de l'article 27 de la convention fiscale conclue entre la France et les Pays-Bas, entrent dans le champ d'application de cette convention ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, éclairées par leurs travaux préparatoires, qu'en prévoyant que le cours du délai d'établissement de l'imposition est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable jusqu'au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes, le législateur a entendu prévenir les cas de double imposition d'un contribuable sur les bénéfices et prévoir également à cette fin que, sauf lorsque l'administration fait état d'éléments justifiant une mise en recouvrement immédiate de l'imposition, la mise en recouvrement des sommes litigieuses soit suspendue jusqu'à l'issue de cette procédure ;

Considérant qu'en jugeant que le moyen dont il était saisi n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à l'existence de l'obligation de payer les impositions supplémentaires en litige, sans rechercher si l'administration avait fait état d'éléments justifiant leur mise en recouvrement immédiate, alors que la SOCIETE PRINTING PACK BV avait soutenu devant lui sans être contredite que le service n'avait fait état d'un quelconque risque de non recouvrement de ces impositions, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, eu égard à son office, commis une erreur de droit ; que par suite, la SOCIETE PRINTING PACK BV est fondée, dans cette mesure, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative et de régler dans la même mesure l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la SOCIETE PRINTING PACK BV ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par l'administration que l'exécution de l'avis à tiers détenteur émis pour obtenir le paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés mises en recouvrement aurait pour effet de placer la SOCIETE PRINTING PACK BV en situation de cessation de paiement et de la contraindre à cesser toute activité ; que, par suite, la condition d'urgence doit être regardée comme satisfaite ;

Considérant, d'autre part, que l'administration ne fait état d'aucun élément justifiant la mise en recouvrement immédiate des impositions en litige alors qu'il n'est pas contesté que la procédure amiable est toujours en cours ; que par suite, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que, du fait de l'ouverture d'une procédure amiable sur le fondement des stipulations de l'article 27 de la convention fiscale franco ;néerlandaise, ces impositions ne pouvaient en application de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales être immédiatement mises en recouvrement est de nature à faire naître un doute sérieux quant à l'existence de l'obligation de payer résultant de l'avis à tiers détenteur relatif à ces impositions ;

Considérant que, par suite, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de cet avis à tiers détenteur ;

Sur les conclusions de la SOCIETE PRINTING PACK BV tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros demandée par la SOCIETE PRINTING PACK BV au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'ordonnance du 5 décembre 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble est annulée en tant qu'elle rejette la demande de suspension de l'exécution de l'avis à tiers détenteur émis le 23 octobre 2006 par le receveur divisionnaire des impôts du pôle de recouvrement de Valence aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 1 365 785 euros correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés, majorées des pénalités et intérêts de retard correspondants, mise en recouvrement le 31 août 2006.
Article 2 : L'exécution de l'avis à tiers détenteur mentionné à l'article 1er est suspendue.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE PRINTING PACK BV la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE PRINTING PACK BV est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PRINTING PACK BV et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 299966
Date de la décision : 15/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2007, n° 299966
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:299966.20070615
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