Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juillet et 5 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Nicolas A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 28 avril 2004 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance du 2 juillet 2003 par laquelle le président de la 1ère section du tribunal administratif de Paris a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître sa demande tendant à la décharge de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1996 à raison de revenus de source américaine ;
2°) statuant au fond, d'annuler l'ordonnance du président de la 1ère section du tribunal administratif de Paris et de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de lui allouer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Edouard Crépey, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Richard, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. A se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 28 avril 2004 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris, confirmant l'ordonnance du président de la 1ère section du tribunal administratif de Paris en date du 2 juillet 2003, a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître sa demande tendant à la décharge des suppléments de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1996 à raison de revenus d'activité de source américaine ;
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa du V de l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale, relatif à la CSG : Les différends nés de l'assujettissement à la contribution des revenus mentionnés aux articles L. 136-1 à L. 136-4 relèvent du contentieux de la sécurité sociale et sont réglés selon les dispositions applicables aux cotisations de sécurité sociale (...) ; qu'il suit de là qu'à la différence des litiges relatifs aux prélèvements opérés au titre de la CSG sur les revenus du patrimoine et de la CSG sur les revenus de placement, qui sont régis par les articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale et pour lesquels demeurent en vigueur les règles de droit commun attribuant compétence à la juridiction administrative, les litiges relatifs aux prélèvements opérés au titre de la CSG sur les revenus d'activité et les revenus de remplacement relèvent de la compétence de l'autorité judiciaire ; qu'ainsi, et alors même que ladite contribution présente le caractère d'une imposition de toute nature et non celui d'une cotisation de sécurité sociale au sens des dispositions constitutionnelles et législatives nationales et qu'elle peut être regardée comme un impôt direct au sens de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales, le président de la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les conclusions de M. A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires auxquelles il a été assujetti, pour l'année 1996, au titre de la CSG à raison de ses revenus d'activité de source américaine n'étaient pas au nombre de celles dont la juridiction administrative peut connaître ;
Considérant par ailleurs que la CRDS sur les revenus d'activité et de remplacement instituée par le I de l'article 14 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 modifiée est, en vertu du III du même article, recouvrée et contrôlée dans les conditions et sous les garanties et sanctions visées à l'article L. 136-5 précité du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi, les litiges concernant les prélèvements opérés à ce titre relèvent de la compétence de l'autorité judiciaire ; que, toutefois, cette règle doit s'entendre sous réserve, notamment, des dispositions du 1° du III et du I de l'article 15 de la même ordonnance, combinées avec celles du III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, en vertu desquelles la contribution sur les prélèvements opérés au titre des revenus d'activité et de remplacement de source étrangère est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu ; que les litiges nés des prélèvements effectués à ce dernier titre ressortissent, par l'effet de ce renvoi, à la juridiction administrative ; qu'ainsi, en jugeant que les conclusions de M. A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires auxquelles il a été assujetti, pour l'année 1996, au titre de la CRDS à raison de ses revenus d'activité de source américaine échappaient à la compétence du juge administratif, l'auteur de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant seulement qu'elle rejette les conclusions afférentes aux suppléments d'impôt mis à sa charge au titre de la CRDS ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le litige relatif aux suppléments d'impôt mis à la charge de M. A au titre de la CRDS pour l'année 1996 entre, eu égard à la nature et à la source des revenus en cause, dans le champ de compétence de la juridiction administrative ; qu'en jugeant le contraire pour rejeter les conclusions y afférentes, le président de la 1ère section du tribunal administratif de Paris a entaché son ordonnance du 2 juillet 2003 d'une erreur de droit ; que M. A est, par suite, fondé à en demander l'annulation dans cette mesure ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée sur ce point au tribunal administratif par le contribuable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la CRDS visant les revenus d'activité de source étrangère de M. A a été assise, contrôlée et recouvrée non pas, comme elle aurait dû l'être, en vertu des dispositions du III, 1° et du I de l'article 15 de l'ordonnance du 24 janvier 1996, combinées avec celles du III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, par l'administration fiscale, mais par l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Paris ; que, cette dernière n'ayant pas compétence pour procéder à un tel prélèvement, M. A est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à demander la décharge des impositions litigieuses ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'URSSAF de Paris une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 28 avril 2004 du président de la cour administrative d'appel de Paris, ensemble l'ordonnance du 2 juillet 2003 du président de la 1ère section du tribunal administratif de Paris sont annulées en tant qu'elles rejettent comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de M. A tendant à la décharge des suppléments de contribution pour le remboursement de la dette sociale auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1996 à raison de ses revenus d'activité de source américaine.
Article 2 : M. A est déchargé des suppléments de contribution pour le remboursement de la dette sociale auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1996 à raison de ses revenus d'activité de source américaine.
Article 3 : L'URSSAF de Paris versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Nicolas A, au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, au ministre de la santé et des solidarités et à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales de Paris.