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30/05/2007 | FRANCE | N°288538

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 30 mai 2007, 288538


Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE, dont le siège est 37, avenue des Champs-Elysées à Paris (75008) et M. Rémy A, président de son directoire, domicilié au siège de la société ; la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE et M. A demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 7 juillet 2005 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a prononcé un blâme à l'encontre de la SOCIETE EUROPE FINANCE ET INDUSTRIE et

une sanction pécuniaire de 50 000 euros à l'encontre de M. A et a o...

Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE, dont le siège est 37, avenue des Champs-Elysées à Paris (75008) et M. Rémy A, président de son directoire, domicilié au siège de la société ; la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE et M. A demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 7 juillet 2005 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a prononcé un blâme à l'encontre de la SOCIETE EUROPE FINANCE ET INDUSTRIE et une sanction pécuniaire de 50 000 euros à l'encontre de M. A et a ordonné la publication de ces sanctions au Bulletin des annonces légales obligatoires et sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mars 2007, présentée pour l'Autorité des marchés financiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le règlement général du Conseil des marchés financiers ;

Vu le règlement n° 98-08 de la Commission des opérations de bourse homologué par l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 22 janvier 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIÉTÉ EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE et de M. A et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'Autorité des marchés financiers,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable : « Les prestataires de services d'investissement (...) sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations (...). / Elles obligent notamment à : / 1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ; / 2. Exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ; / 3. Etre doté des ressources et des procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en oeuvre ces ressources et procédures avec un souci d'efficacité (...) » ; qu'aux termes de l'article 3-1-1 du règlement général du Conseil des marchés financiers, alors applicable : « Les règles de bonne conduite édictées au présent titre établissent (...) les principes généraux de comportement et leurs règles essentielles d'application et de contrôle auxquels doivent se conformer le prestataire habilité et les personnes agissant pour son compte ou sous son autorité./ Les dirigeants du prestataire habilité veillent au respect des présentes dispositions et à la mise en oeuvre des ressources et des procédures adaptées./ Les activités mentionnées à l'article 2-1 sont exercées avec diligence, loyauté, équité, dans le respect de la primauté des intérêts des clients et de l'intégrité du marché » ;

Considérant que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé un blâme à l'encontre de la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE et une sanction pécuniaire de 50 000 euros à l'encontre du président de son directoire, M. A, pour avoir méconnu ces dispositions ;

Sur les moyens tirés, d'une part, de ce que la procédure aurait été entachée d'irrégularité en raison de la méconnaissance, par les enquêteurs de la Commission des opérations de bourse, de l'obligation de secret professionnel et, d'autre part, de la violation du principe d'impartialité résultant du visa accordé par la Commission des opérations de bourse au prospectus simplifié :

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que les enquêteurs de la Commission des opérations de bourse auraient méconnu leur obligation de secret professionnel en informant, par la communication de leur lettre de mission, chacune des sociétés sur lesquelles ils procédaient à des investigations du fait que d'autres sociétés, également introduites en bourse par la SOCIETE EUROPE FINANCE ET INDUSTRIE, étaient l'objet d'investigations identiques, est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure suivie, dès lors qu'il n'est aucunement établi que la communication d'une telle information aurait porté atteinte à l'exercice, par la SOCIETE EUROPE FINANCE ET INDUSTRIE et M. A, des droits de la défense ;

Considérant, en second lieu, que la société requérante soutient que le principe d'impartialité faisait obstacle à ce que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers pût prononcer une sanction à l'encontre de la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE et de M. A en raison des conditions dans lesquelles cette société avait procédé à l'introduction en bourse de certains de ses clients, dès lors que la Commission des opérations de bourse, à laquelle a succédé l'Autorité des marchés financiers, avait, lors de ces introductions en bourse, apposé son visa sur le prospectus simplifié prévu par le règlement n° 98-08 de la Commission des opérations de bourse et engagé ainsi sa propre responsabilité ; que, cependant, un tel visa se borne à attester que le document satisfait aux exigences du règlement et n'a ni pour objet, ni pour effet, d'exonérer le prestataire de services de ses obligations à l'égard de son client ; qu'en tout état de cause, l'impartialité de la commission des sanctions, dont le législateur a assuré l'indépendance à l'égard des autres organes de l'Autorité des marchés financiers, ne saurait être utilement contestée à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens qui viennent d'être analysés, lesquels, s'ils étaient fondés, excluraient qu'après une annulation de sa décision, la commission des sanctions reprenne les poursuites, ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le moyen tiré de la violation du principe d'impartialité résultant de la composition de la commission des sanctions :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'un des membres de la formation de la commission des sanctions qui a pris la décision attaquée appartenait au comité exécutif d'un groupe bancaire français dont l'une des filiales était impliquée dans un différend financier persistant avec la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE, porté à la connaissance des instances centrales de ce groupe et notamment d'une personne siégeant comme l'intéressé au comité exécutif ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette situation, qui était de nature à susciter un doute quant à l'impartialité de celui-ci, faisait obstacle à ce qu'il pût, sans que soit méconnu le principe d'impartialité résultant des principes généraux du droit et de l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, participer à la délibération par laquelle la commission des sanctions a apprécié les responsabilités respectives de la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE et de M. A au regard des faits qui leur étaient reprochés ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité doit, à ce titre, être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE et M. A sont fondés à demander l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle a prononcé à leur encontre, respectivement, un blâme et une sanction pécuniaire de 50 000 euros et a ordonné la publication de ces sanctions au Bulletin des annonces légales obligatoires et sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre à l'Autorité des marchés financiers de supprimer de la décision publiée sur son site internet toutes les mentions relatives à la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE et M. A; qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le versement d'une somme de 2500 euros à chacun des deux requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par l'Autorité des marchés financiers ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 7 juillet 2005 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers est annulée en tant qu'elle a prononcé un blâme à l'encontre de la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE et une sanction pécuniaire de 50 000 euros à l'encontre de M. A, et qu'elle a ordonné la publication de ces sanctions au Bulletin des annonces légales obligatoires et sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers.

Article 2 : Il est enjoint à l'Autorité des marchés financiers de supprimer de la décision publiée sur son site internet toutes les mentions relatives à la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE et à M. A.

Article 3 : L'Autorité des marchés financiers versera à la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE et à M. A une somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'Autorité des marchés financiers tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE EUROPE, FINANCE ET INDUSTRIE, à M. Rémy A, à l'Autorité des marchés financiers et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 288538
Date de la décision : 30/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

13-01-02-01 CAPITAUX, MONNAIE, BANQUES. CAPITAUX. OPÉRATIONS DE BOURSE. AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. - COMMISSION DES SANCTIONS - A) IMPARTIALITÉ NE POUVANT EN PRINCIPE ÊTRE UTILEMENT CONTESTÉE AU TITRE DES ACTIVITÉS DES AUTRES ORGANES DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS - B) ABSENCE, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, DE PRÉJUGEMENT DE L'ISSUE DE LA PROCÉDURE DE SANCTION PAR L'APPOSITION DU VISA SUR LE PROSPECTUS SIMPLIFIÉ ÉTABLI À L'OCCASION DES INTRODUCTIONS EN BOURSE À RAISON DESQUELLES CETTE PROCÉDURE A ÉTÉ ENGAGÉE.

13-01-02-01 a) L'impartialité de la commission des sanctions, dont le législateur a assuré l'indépendance à l'égard des autres organes de l'Autorité des marchés financiers, ne peut en principe être utilement contestée au titre de l'activité de ces organes. Ainsi, un prestataire de services sanctionné à raison des conditions dans lesquelles il a procédé à l'introduction en bourse de certains de ses clients ne peut utilement contester l'impartialité de la commission des sanctions en se prévalant de la circonstance que, à l'occasion de ces introductions en bourse, la Commission des opérations de bourse, à laquelle a succédé l'Autorité des marchés financiers, a apposé son visa sur le prospectus simplifié prévu par le règlement n° 98-08 de cette Commission.,,b) En tout état de cause, l'issue de la procédure de sanction ne saurait être regardée comme ayant été préjugée par un tel visa, qui se borne à attester que le prospectus simplifié satisfait aux exigences du règlement et n'a ni pour objet, ni pour effet, d'exonérer le prestataire de services de ses obligations à l'égard de son client.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2007, n° 288538
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON ; SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:288538.20070530
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