Vu, 1°) sous le n° 288186, la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 16 décembre 2005, 25 janvier et 3 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société ALMIRALL SAS, dont le siège est immeuble le Barjac, 1, boulevard Victor à Paris (75015) ; la société ALMIRALL SAS demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 novembre 2005 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a délivré aux laboratoires Alter une autorisation de mise sur le marché de la spécialité Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé en qualité de générique de la spécialité Kestin 10 mg, comprimé exploitée par ALMIRALL SAS ;
Vu, 2°) sous le n° 291509, la requête, enregistrée le 20 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société ALMIRALL SAS, dont le siège est Le Barjac, 1, boulevard Victor à Paris (75015) ; la société ALMIRALL SAS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 février 2006 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a procédé à l'inscription au répertoire des groupes génériques de la spécialité Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé en qualité de générique de leur spécialité Kestin 10 mg, comprimé pelliculé exploitée par ALMIRALL SAS ;
2°) de mettre à la charge de la société Laboratoires Alter le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, 3°) sous le n° 297038, la requête, enregistrée le 20 mars 2006 au secrétariat contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société ALMIRALL SAS, dont le siège est Immeuble Le Barjac, 1, boulevard Victor à Paris (75015) ; la société ALMIRALL SAS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a rejeté sa demande tendant au retrait de la décision du 29 novembre 2005 portant autorisation de mise sur le marché de la spécialité Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé en qualité de générique de la spécialité Kestin 10 mg, comprimé pelliculé ;
2°) d'enjoindre au directeur de l'AFSSAPS de procéder au retrait de l'autorisation de mise sur le marché délivrée à la spécialité Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Veil, Auditeur,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la société ALMIRALL SAS et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Laboratoires Alter,
- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par décision en date du 29 novembre 2005, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a délivré à la société des laboratoires Alter une autorisation de mise sur le marché pour la spécialité Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé ; que, dans la même décision, il a identifié cette spécialité comme étant un générique de la spécialité Kestin 10 mg, comprimé pelliculé, exploitée par la société ALMIRALL SAS ; que, par une décision ultérieure en date du 28 février 2006, il a inscrit au répertoire des génériques Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé en qualité de générique de Kestin 10 mg, comprimé pelliculé ; que la société ALMIRALL demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions ainsi que de la décision implicite résultant du silence gardé par le directeur général de l'agence sur sa demande en date du 2 mai 2006 tendant à ce qu'il les retire ; qu'ainsi, ces requêtes concernent la même spécialité pharmaceutique ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes du 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, désormais repris au a) de ce 5°, a le caractère d'une spécialité générique d'une spécialité de référence : « 5° Sans préjudice des dispositions des articles L. 611-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, (...) celle qui a la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 5121-1 du même code : « Pour l'application du présent livre, on entend par : 1° Biodisponibilité, la vitesse et l'intensité de l'absorption dans l'organisme, à partir d'une forme pharmaceutique, du principe actif ou de sa fraction thérapeutique destinée à devenir disponible au niveau des sites d'action ;/ 2° Bioéquivalence, l'équivalence des biodisponibilités (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour qu'une entreprise puisse obtenir l'identification d'une spécialité qu'elle exploite en qualité de générique d'une spécialité de référence, ces deux spécialités doivent avoir la même composition qualitative et quantitative en principe actif ainsi que la même forme pharmaceutique et cette entreprise doit en outre démontrer, par des études de biodisponibilité appropriées, que la vitesse et l'intensité de l'absorption dans l'organisme du principe actif de sa spécialité ou de la fraction thérapeutique de celui-ci sont équivalentes à celles de la spécialité de référence ;
Considérant, d'autre part, que l'article L. 5121-9 du code de la santé publique prévoit que l'autorisation de mise sur le marché d'une spécialité pharmaceutique est refusée « lorsque la documentation et les renseignements fournis ne sont pas conformes au dossier qui doit être présenté à l'appui de la demande » ; qu'en vertu des dispositions des articles R. 5121-21 et R. 5121-25 du même code, la demande d'autorisation de mise sur le marché doit être accompagnée d'un dossier comprenant notamment « les comptes rendus des expertises analytiques, pharmacologiques, toxicologiques et cliniques » ; qu'aux termes du I de l'article R. 5121-29 du même code : « Par dérogation aux dispositions des articles R. 5121-21 et R. 5121-25 : (...)/ 2° Le demandeur n'est pas tenu de fournir les résultats des essais pharmacologiques et toxicologiques ni les résultats des essais cliniques s'il peut démontrer : (...) / c) (...) que la spécialité pharmaceutique est essentiellement similaire à une spécialité autorisée depuis au moins dix ans en France ou dans un autre pays membre de la Communauté européenne (...) et commercialisée en France » (...) ; qu'il résulte de l'article R. 5121-32 du code de la santé publique que les conditions pour qu'une spécialité soit regardée comme essentiellement similaire à une autre spécialité sont identiques à celles requises pour que l'une de ces spécialités ait le caractère d'une spécialité générique de l'autre ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier des résultats convergents d'une étude réalisée à la demande de la société requérante et achevée le 13 novembre 2006 ainsi que d'une étude réalisée par la société Alter à la demande de l'agence, qu'Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé, qui est fabriquée à partir d'une molécule d'Ebastine non micronisée, n'est pas bioéquivalente à la spécialité Kestin 10 mg, comprimé pelliculé, fabriquée après micronisation de l'Ebastine ; que, par suite, l'une des conditions exigées par le 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique pour qu'Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé, puisse être identifiée comme une spécialité générique de la spécialité Kestin 10 mg, comprimé pelliculé, n'était pas remplie ; que, de même, en l'absence de bioéquivalence, Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé, ne pouvait être regardée comme étant essentiellement similaire à la spécialité Kestin 10 mg, comprimé pelliculé ; qu'au surplus, le dossier déposé en vue de la délivrance de son autorisation de mise sur le marché ne faisait apparaître aucune similitude essentielle avec une autre spécialité mise sur le marché en France ; que, dans ces conditions, Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé ne pouvait être regardée comme un générique de Kestin 10 mg, comprimé pelliculé, et n'était essentiellement similaire à aucune spécialité commercialisée en France ; que, dès lors, les décisions du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé en date du 29 novembre 2005 délivrant une autorisation de mise sur le marché à Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé, en l'identifiant comme générique de la spécialité Kestin 10 mg, comprimé pelliculé et du 28 février 2006 l'inscrivant au répertoire des groupes génériques ont été délivrées en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 5121-1 et R. 5121-29 du code de la santé publique ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, la société ALMIRALL est fondée à en demander l'annulation ; que cette annulation rend sans objet ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé refusant de retirer ces décisions, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à ce dernier de procéder à ce retrait ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société des laboratoires Alter le versement à la société ALMIRALL, qui a notamment financé une étude de bioéquivalence, de la somme de 6 000 euros ; qu'en revanche, doivent être rejetées les conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge, d'une part, de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, dès lors que les décisions en litige dans la présente affaire comme l'ensemble des décisions prises par son directeur général dans l'exercice des pouvoirs qu'il tient du code de la santé publique le sont au nom de l'Etat, d'autre part, de la société ALMIRALL qui n'est pas la partie perdante ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par cette dernière à l'encontre de l'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé en date du 29 novembre 2005 délivrant une autorisation de mise sur le marché à Ebastine Alter 10 mg, comprimé pelliculé, en l'identifiant comme générique de la spécialité Kestin 10 mg, comprimé pelliculé et celle en date du 28 février 2006 l'inscrivant au répertoire des groupes génériques sont annulées.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société ALMIRALL SAS tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a refusé de retirer les décisions annulées à l'article 1er de la présente décision et à ce qu'il soit enjoint à ce dernier de procéder à ce retrait.
Article 3 : La société des laboratoires Alter SAS versera à la société ALMIRALL SAS la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société ALMIRALL SAS et les conclusions de la société des laboratoires Alter SAS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société ALMIRALL SAS, à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, à la société des laboratoires Alter SAS et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.