Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet 2003 et 2 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mlle Marinette A, demeurant ... ; Mlle A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 3 à 6 de la décision du 10 mars 2003 de la commission centrale d'aide sociale qui, après avoir annulé la décision du 12 février 1997 par laquelle lui a été réclamé un trop-perçu au titre du revenu minimum d'insertion dont elle a bénéficié entre le 1er janvier 1992 et le 31 août 1995, d'un montant de 83 410 F, et la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Loire en date du 1er juillet 1999 rejetant sa demande d'annulation de la décision du 12 février 1997, a, d'une part, renvoyé l'affaire devant le préfet de la Loire pour la période comprise entre le 1er janvier 1992 et le 30 juin 1997, d'autre part, mis à la charge de l'Etat au profit de son avocat, Maître de Cenival, la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et, enfin, rejeté les conclusions de Mlle A tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 200 000 F (182 938,82 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel qu'elle a subi du fait de la suspension du versement de l'allocation de revenu minimum d'insertion ;
2°) statuant au fond, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 182 938,82 euros, à majorer de la même somme par an au cours de l'instance devant le Conseil d'Etat, avec intérêts de retard et capitalisation, en réparation du préjudice moral et matériel qu'elle a subi du fait de la suspension du versement de l'allocation de revenu minimum d'insertion, somme augmentée de 10 % pour atteinte à la vie privée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Veil, Auditeur,
- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mlle A se pourvoit contre la décision du 10 mars 2003 par laquelle la commission centrale d'aide sociale, après avoir annulé à ses articles 1 et 2 la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Loire du 1er juillet 1999 et celle de la caisse d'allocations familiales de Saint-Etienne du 12 février 1997 réclamant le remboursement d'un indu de 83 410 F (12 715,77 euros) au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion perçue au cours des années 1992 à 1995, a, dans l'article 3 de sa décision, enjoint au préfet de la Loire de réexaminer les droits de Mlle A pour la période comprise entre le 1er janvier 1992 et le 31 août 1995 conformément aux motifs de sa décision, puis, dans l'article 4, renvoyé celle-ci devant le préfet de la Loire aux fins d'examen de ses droits à l'allocation de revenu minimum d'insertion au titre de la période comprise entre le 1er septembre 1995 et le 30 juin 1997, assortis des intérêts de retard au taux légal, et, dans son article 5, mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de Mlle A de la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens, avant de rejeter, dans l'article 6, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au versement de dommages et intérêts ;
Sur la régularité de la procédure devant le Conseil d'Etat :
Considérant que les moyens de la requérante tendant à critiquer la procédure devant le Conseil d'Etat, étant sans incidence sur le sort du pourvoi, ne peuvent qu'être écartés ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision de la commission centrale d'aide sociale en tant qu'elle statue sur la période comprise entre le 1er janvier 1992 et le 31 janvier 1995 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment d'une décision du 26 janvier 2004 du directeur adjoint de la caisse d'allocations familiales de Saint-Etienne devenue définitive et du mémoire en défense du département de la Loire, que ce dernier a renoncé à poursuivre le recouvrement des sommes versées à Mlle A au titre de la période mentionnée ci-dessus ; que, par suite, la requête de Mlle A est devenue sans objet en tant qu'elle porte sur cette période ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision attaquée en tant que son article 4 statue sur la période comprise entre le 1er septembre 1995 et le 30 juin 1997 :
Considérant que, dès lors que la commission centrale d'aide sociale estimait qu'elle ne pouvait, en l'état de l'instruction, se prononcer elle-même sur la consistance des droits de Mlle A au titre de cette période, elle a pu légalement en déduire qu'il lui appartenait de renvoyer l'intéressée devant l'administration pour que celle-ci se prononce sur les droits de Mlle A au titre de la période en cause ;
Sur les conclusions dirigées contre l'article 5 de la décision attaquée :
Considérant qu'en mettant à la charge de l'Etat le versement à l'avocate de Mlle A, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, une somme en application des articles 75-I et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et en estimant que la requérante ne pouvait prétendre à la prise en charge de frais exposés par elle, la commission centrale d'aide sociale a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; que, dès lors, les conclusions dirigées contre l'article 5 de sa décision ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions dirigées contre l'article 6 de la décision attaquée :
Considérant que les juridictions de l'aide sociale n'ont pas compétence pour se prononcer sur des conclusions tendant à la mise en jeu de la responsabilité des autorités administratives du fait des décisions qu'elles prennent en matière d'aide sociale, lesquelles soulèvent un litige distinct de celles qui tendent à l'annulation et à la réformation de ces décisions ; qu'il suit de là que les conclusions de Mlle A, dirigées contre la décision attaquée en tant qu'elle rejette ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au versement de dommages et intérêts, ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision de la commission centrale d'aide sociale en tant qu'elle statue sur la période comprise entre le 1er février 1995 et le 31 août 1995 :
Considérant que Mlle A ne peut utilement reprocher à la commission centrale d'aide sociale de ne pas avoir répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 533-1 du code de la sécurité sociale dès lors que, ces dispositions étant inapplicables à l'allocation du revenu minimum d'insertion, ce moyen était inopérant ;
Considérant que la commission centrale d'aide sociale n'a pas commis de dénaturation en estimant que Mlle A avait perçu des revenus d'actions et d'obligations, dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article 28 du décret du 12 décembre 1998, il lui appartenait de faire connaître à l'autorité administrative l'ensemble des ressources dont elle disposait sous peine de se voir réclamer l'ensemble des sommes qui lui avaient été versées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à demander l'annulation des articles 3 à 6 de la décision du 10 mars 2003 de la commission centrale d'aide sociale ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent dès lors être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de la commission centrale d'aide sociale en date du 10 mars 2003 en tant qu'elle statue sur la période comprise entre le 1er janvier 1992 et le 31 janvier 1995.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle A est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle Marinette A, au département de la Loire et au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.