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06/04/2007 | FRANCE | N°293238

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 06 avril 2007, 293238


Vu, enregistré le 10 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 4 mai 2006 par lequel le tribunal administratif de Lyon, avant de statuer sur la demande par laquelle M. Tiago A conteste la décision du 3 novembre 2004 de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel du Rhône le classant dans la catégorie A des travailleurs handicapés et non dans une catégorie correspondant à un handicap plus lourd, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette

requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen le...

Vu, enregistré le 10 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 4 mai 2006 par lequel le tribunal administratif de Lyon, avant de statuer sur la demande par laquelle M. Tiago A conteste la décision du 3 novembre 2004 de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel du Rhône le classant dans la catégorie A des travailleurs handicapés et non dans une catégorie correspondant à un handicap plus lourd, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions de savoir :

1°) si la contestation de son classement comme travailleur handicapé en catégorie A constitue un recours de plein contentieux qui implique que le juge statue sur les droits du requérant à la date à laquelle il se prononce ;

2°) dans l'affirmative, si la requête a conservé son objet, compte tenu en particulier du dispositif transitoire instauré en faveur des travailleurs handicapés classés en catégorie C avant le 1er janvier 2006 ;

3°) dans ce cas si, au besoin selon des modalités de contrôle différentes, relève de l'office du juge l'appréciation de la situation du demandeur antérieurement à cette dernière date ;

4°) si est de nature, par elle-même, à faire obstacle à l'organisation d'une expertise médicale la circonstance que, en dépit de l'invitation qui lui a été adressée tant à travers les écritures de l'administration en défense que par le greffe du tribunal, le requérant n'ait ni produit copie de tout ou partie de son dossier médical, ni fait état de difficultés particulières pour en obtenir communication ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;

Vu le décret n° 2005-1589 du 19 décembre 2005 relatif à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées et modifiant le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative, et notamment ses articles L. 113-1 et R. 113-1 à R. 113-4 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

REND L'AVIS SUIVANT

I - Aux termes de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles, issu de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : I. La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées est compétente pour : / 1° Se prononcer sur l'orientation de la personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion scolaire ou professionnelle et sociale ; (...) /4° Reconnaître, s'il y a lieu, la qualité de travailleur handicapé aux personnes répondant aux conditions définies par l'article L. 323-10 du code du travail (...). L'article L. 241-9 du même code dispose que les décisions prises par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées au titre du 1° et du 4° du I de l'article L. 241-6 précité peuvent faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative.

Il ne résulte pas de ces dispositions, compte tenu notamment des travaux préparatoires de la loi du 11 février 2005, que le législateur, en supprimant les commissions départementales des travailleurs handicapés, juridictions administratives spécialisées, et en confiant aux juridictions administratives de droit commun le soin de connaître des litiges auxquels peuvent donner lieu les décisions mentionnées au 1° et au 4° du I de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles, ait entendu que les recours désormais portés devant la juridiction administrative de droit commun devaient être d'une autre nature que celle de recours de plein contentieux reconnue par la jurisprudence aux recours portés devant les commissions départementales des travailleurs handicapés. Au demeurant, le juge administratif de droit commun se trouve saisi, comme l'étaient les commissions départementales, de questions qui justifient, par leur nature, qu'il dispose de pouvoirs excédant ceux d'un juge de l'annulation.

Les recours mentionnés à l'article L. 241-9 du code de l'action sociale et des familles constituent donc des recours de plein contentieux, ce qui implique que le juge statue sur les droits du requérant en se plaçant à la date où il rend sa décision.

II - Le IV de l'article 27 de la loi du 11 février 2005 a abrogé, à compter du 1er janvier 2006, l'article L. 323-12 du code du travail, aux termes duquel : La commission technique d'orientation et de reclassement professionnel classe le travailleur handicapé selon ses capacités professionnelles, à titre temporaire ou définitif et en fonction de l'emploi qui lui est proposé, dans une des catégories qui sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat. Le décret n° 2005-1589 du 19 décembre 2005 a de son côté abrogé l'article R. 323-32 du même code qui disposait que : Au vu des divers éléments d'appréciation dont elle dispose et après audition du handicapé et, le cas échéant, des autres personnes intéressées, la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel reconnaît, s'il y a lieu, la qualité de travailleur handicapé en application de l'article L. 323-10 et classe l'intéressé en application de l'article L. 323-23 dans l'une des catégories A, B ou C suivant que le handicap est léger, modéré ou grave.

Par ailleurs, en application du I de l'article 96 de la loi du 11 février 2005, entre la date de publication de la loi au Journal officiel de la République française, soit le 12 février 2005, et le 1er janvier 2006, la commission des droits et de l'autonomie des travailleurs handicapés était compétente pour prendre les décisions de classement des intéressés selon la gravité de leur handicap. En outre, en application du II du même article, pendant une période de deux ans à compter du 1er janvier 2006, les travailleurs handicapés classés en catégorie C sont considérés comme des travailleurs handicapés présentant un handicap lourd, pour l'application des dispositions de l'article L. 323-8-2 du code du travail relatives à l'obligation de participation des employeurs au fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés.

Il résulte de ce qui a été dit au I que le juge administratif, saisi d'un recours contre une décision de classement dans l'une des catégories A, B ou C prise par une commission technique d'orientation et de reclassement professionnel ou par une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées doit, dès lors qu'il statue en se plaçant à une date postérieure au 1er janvier 2006, prononcer un non-lieu, sans que puissent y faire obstacle les dispositions du II de l'article 96 de la loi du 11 février 2005.

Il appartiendra au requérant de rechercher le cas échéant, s'il s'y croit fondé, réparation du préjudice qui aura pu résulter pour lui, au titre de la période antérieure au 1er janvier 2006, de la décision de classement qu'il entendait contester.

III. Le juge peut requérir la production par le requérant, auquel le secret médical n'est pas opposable, de son dossier médical. Si le requérant donne des indications sérieuses sur les difficultés qu'il aurait à obtenir communication de ce dossier, le juge peut prescrire à l'administration, dans le cadre de son pouvoir d'instruction, de le communiquer à l'intéressé. C'est dans tous les cas au requérant qu'il appartient de décider s'il entend porter son dossier à la connaissance du tribunal. Si le requérant refuse, cet élément doit être pris en compte pour apprécier si, compte tenu notamment de l'obligation pour le juge de respecter le caractère contradictoire de la procédure, il est possible et utile d'ordonner une expertise médicale.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Lyon, à M. Tiago A, à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 293238
Date de la décision : 06/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

AIDE SOCIALE - DIFFÉRENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES - RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS DE LA COMMISSION DES DROITS ET DE L'AUTONOMIE DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS (ART - L - 241-6 DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES) - A) NATURE - PLEIN CONTENTIEUX - B) RECOURS DIRIGÉS CONTRE LES DÉCISIONS DE CLASSEMENT EXAMINÉS APRÈS L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI N°2005-10 DU 11 FÉVRIER 2005 - NON-LIEU - C) PRODUCTION DEVANT LE JUGE DU DOSSIER MÉDICAL DU REQUÉRANT - CONDITIONS.

04-02-04 a) Il ne résulte pas des dispositions des articles L. 241-6 et L. 241-9 du code de l'action sociale et des familles, compte tenu notamment des travaux préparatoires de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 dont ils sont issus, que le législateur, en supprimant les commissions départementales des travailleurs handicapés, juridictions administratives spécialisées, et en confiant aux juridictions administratives de droit commun le soin de connaître des litiges auxquels peuvent donner lieu les décisions mentionnées au 1° et au 4° du I de l'article L. 241-6, ait entendu que les recours désormais portés devant la juridiction administrative de droit commun devaient être d'une autre nature que celle de recours de plein contentieux reconnue par la jurisprudence aux recours portés devant les commissions départementales des travailleurs handicapés. Au demeurant, le juge administratif de droit commun se trouve saisi, comme l'étaient les commissions départementales, de questions qui justifient, par leur nature, qu'il dispose de pouvoirs excédant ceux d'un juge de l'annulation. Les recours mentionnés à l'article L. 241-9 du code de l'action sociale et des familles constituent donc des recours de plein contentieux, ce qui implique que le juge statue sur les droits du requérant en se plaçant à la date où il rend sa décision.,,b) La loi du 11 février 2005 ayant abrogé, à compter du 1er janvier 2006, le classement en catégories, le juge de droit commun, dès lors qu'il statue postérieurement à cette date, n'a d'autre solution que de prononcer un non-lieu sur une demande tendant à la réformation d'une décision de classement prise par une commission technique d'orientation et de reclassement professionnel ou par une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Il appartient, dans ce cas, au requérant de rechercher le cas échéant, s'il s'y croit fondé, réparation du préjudice qui aura pu résulter pour lui, au titre de la période antérieure au 1er janvier 2006, de la décision de classement qu'il entendait contester.,,c) Le juge peut requérir la production par le requérant, auquel le secret médical n'est pas opposable, de son dossier médical. Si le requérant donne des indications sérieuses sur les difficultés qu'il aurait à obtenir communication de ce dossier, le juge peut prescrire à l'administration, dans le cadre de son pouvoir d'instruction, de le communiquer à l'intéressé. C'est dans tous les cas au requérant qu'il appartient de décider s'il entend porter son dossier à la connaissance du tribunal. Si le requérant refuse, cet élément doit être pris en compte pour apprécier si, compte tenu notamment de l'obligation pour le juge de respecter le caractère contradictoire de la procédure, il est possible et utile d'ordonner une expertise médicale.

PROCÉDURE - DIVERSES SORTES DE RECOURS - RECOURS DE PLEIN CONTENTIEUX - RECOURS AYANT CE CARACTÈRE - RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS DE LA COMMISSION DES DROITS ET DE L'AUTONOMIE DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS (ART - L - 241-6 DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES).

54-02-02-01 Il ne résulte pas des dispositions des articles L. 241-6 et L. 241-9 du code de l'action sociale et des familles, compte tenu notamment des travaux préparatoires de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 dont ils sont issus, que le législateur, en supprimant les commissions départementales des travailleurs handicapés, juridictions administratives spécialisées, et en confiant aux juridictions administratives de droit commun le soin de connaître des litiges auxquels peuvent donner lieu les décisions mentionnées au 1° et au 4° du I de l'article L. 241-6, ait entendu que les recours désormais portés devant la juridiction administrative de droit commun devaient être d'une autre nature que celle de recours de plein contentieux reconnue par la jurisprudence aux recours portés devant les commissions départementales des travailleurs handicapés. Au demeurant, le juge administratif de droit commun se trouve saisi, comme l'étaient les commissions départementales, de questions qui justifient, par leur nature, qu'il dispose de pouvoirs excédant ceux d'un juge de l'annulation. Les recours mentionnés à l'article L. 241-9 du code de l'action sociale et des familles constituent donc des recours de plein contentieux, ce qui implique que le juge statue sur les droits du requérant en se plaçant à la date où il rend sa décision.

TRAVAIL ET EMPLOI - RÉGLEMENTATIONS SPÉCIALES À L'EMPLOI DE CERTAINES CATÉGORIES DE TRAVAILLEURS - EMPLOI DES HANDICAPÉS - COMMISSION DÉPARTEMENTALE DES HANDICAPÉS - SUPPRESSION - A) ORIENTATION DES RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS DE LA COMMISSION DES DROITS ET DE L'AUTONOMIE DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS (ART - L - 241-6 DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES) VERS LE JUGE ADMINISTRATIF DE DROIT COMMUN - A) CONSÉQUENCE SUR LA NATURE DU RECOURS CONTENTIEUX - ABSENCE - B) RECOURS DIRIGÉS CONTRE LES DÉCISIONS DE CLASSEMENT EXAMINÉS APRÈS L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI N°2005-10 DU 11 FÉVRIER 2005 - NON-LIEU - C) PRODUCTION DEVANT LE JUGE DU DOSSIER MÉDICAL DU REQUÉRANT - CONDITIONS.

66-032-02-02 a) Il ne résulte pas des dispositions des articles L. 241-6 et L. 241-9 du code de l'action sociale et des familles, compte tenu notamment des travaux préparatoires de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 dont ils sont issus, que le législateur, en supprimant les commissions départementales des travailleurs handicapés, juridictions administratives spécialisées, et en confiant aux juridictions administratives de droit commun le soin de connaître des litiges auxquels peuvent donner lieu les décisions mentionnées au 1° et au 4° du I de l'article L. 241-6, ait entendu que les recours désormais portés devant la juridiction administrative de droit commun devaient être d'une autre nature que celle de recours de plein contentieux reconnue par la jurisprudence aux recours portés devant les commissions départementales des travailleurs handicapés. Au demeurant, le juge administratif de droit commun se trouve saisi, comme l'étaient les commissions départementales, de questions qui justifient, par leur nature, qu'il dispose de pouvoirs excédant ceux d'un juge de l'annulation. Les recours mentionnés à l'article L. 241-9 du code de l'action sociale et des familles constituent donc des recours de plein contentieux, ce qui implique que le juge statue sur les droits du requérant en se plaçant à la date où il rend sa décision.,,b) La loi du 11 février 2005 ayant abrogé, à compter du 1er janvier 2006, le classement en catégories, le juge de droit commun, dès lors qu'il statue postérieurement à cette date, n'a d'autre solution que de prononcer un non-lieu sur une demande tendant à la réformation d'une décision de classement prise par une commission technique d'orientation et de reclassement professionnel ou par une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Il appartient, dans ce cas, au requérant de rechercher le cas échéant, s'il s'y croit fondé, réparation du préjudice qui aura pu résulter pour lui, au titre de la période antérieure au 1er janvier 2006, de la décision de classement qu'il entendait contester.,,c) Le juge peut requérir la production par le requérant, auquel le secret médical n'est pas opposable, de son dossier médical. Si le requérant donne des indications sérieuses sur les difficultés qu'il aurait à obtenir communication de ce dossier, le juge peut prescrire à l'administration, dans le cadre de son pouvoir d'instruction, de le communiquer à l'intéressé. C'est dans tous les cas au requérant qu'il appartient de décider s'il entend porter son dossier à la connaissance du tribunal. Si le requérant refuse, cet élément doit être pris en compte pour apprécier si, compte tenu notamment de l'obligation pour le juge de respecter le caractère contradictoire de la procédure, il est possible et utile d'ordonner une expertise médicale.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 avr. 2007, n° 293238
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Glaser

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:293238.20070406
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