Vu la requête, enregistrée le 31 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Michèle B épouse A, demeurant ... ; Mme B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 8 juin 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 27 mars 2003 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé pour excès de pouvoir une décision du préfet du Val ;de ;Marne en date du 12 octobre 1999 l'excluant définitivement du bénéfice des allocations de chômage à compter du 7 octobre 1998, ensemble la décision du 14 février 2000 du préfet du Val ;de ;Marne rejetant le recours gracieux formé à l'encontre de cette décision ;
2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du 27 mars 2003 du tribunal administratif de Melun et les décisions du 12 octobre 1999 et du 14 février 2000 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,
- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de Mme B épouse A,
- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, le juge d'appel doit répondre notamment aux moyens invoqués en première instance par le défendeur, alors même que ce dernier ne les aurait pas expressément repris dans un mémoire en défense devant lui ; qu'en s'abstenant d'examiner le moyen soulevé devant le tribunal administratif de Melun et tiré de l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du tribunal correctionnel de Créteil en date du 20 décembre 2001 relaxant Mme B des poursuites pour fraude engagées à son encontre, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens, Mme B est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 351 ;1 du code du travail : « Les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement » ; qu'il résulte du dernier alinéa de l'article L. 351 ;17 du code du travail que le droit au revenu de remplacement institué par l'article L. 351 ;1 au profit des travailleurs involontairement privés d'emploi s'éteint en cas de fraude ou de fausse déclaration ; que l'article R. 311 ;3 ;2 du code du travail applicable en l'espèce dispose que « Les changements de situation que les demandeurs d'emploi sont tenus de porter à la connaissance de l'Agence nationale pour l'emploi et qui, affectant leur situation, sont susceptibles d'avoir une incidence sur leur inscription ou leur classement comme demandeurs d'emploi sont les suivants : / 1. L'exercice de toute activité professionnelle, même occasionnelle ou réduite et quelle que soit sa durée (…)/ Les changements de situation doivent être portés à la connaissance de l'Agence nationale pour l'emploi dans un délai de soixante ;douze heures (…) » ; qu'aux termes de l'article R. 351 ;28 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, antérieure au décret n° 2005 ;915 du 2 août 2005 : « Sont exclues, à titre temporaire ou définitif, du revenu de remplacement mentionné par l'article L. 351 ;1 les personnes qui : (…) / 3. Ont fait des déclarations inexactes ou présenté des attestations mensongères en vue de toucher indûment le revenu de remplacement prévu à l'article L. 351 ;1, ou ont, en toute connaissance de cause, perçu indûment ledit revenu » ; qu'aux termes de l'article R. 351 ;33 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure au décret du 2 août 2005 déjà mentionné : « Si le contrôle conduit à constater qu'un travailleur ne peut, légalement, bénéficier du revenu de remplacement prévu par l'article L. 351 ;1, le préfet fait connaître à l'intéressé et aux institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage sa décision motivée de lui refuser l'attribution, le renouvellement ou le maintien du revenu de remplacement par application de l'article R. 351 ;27 ou R. 351 ;28 (…) » ; que les dispositions de l'article R. 351 ;34 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, font obligation au travailleur faisant l'objet d'une décision l'excluant du bénéfice du revenu de remplacement sur le fondement de l'article R. 351 ;33 du code du travail, s'il entend contester cette décision, de former un recours gracieux préalable ;
Sur l'appel du ministre en tant qu'il concerne la décision du 12 octobre 1999 :
Considérant qu'il résulte des dispositions rappelées ci ;dessus que la décision du 14 février 2000 confirmant, sur recours gracieux obligatoire, la décision du 12 octobre 1999 excluant définitivement Mme B du bénéfice du revenu de remplacement à compter du 7 octobre 1998 s'est substituée à cette dernière ; que, par suite, les conclusions dirigées contre la décision du 12 octobre 1999 étaient irrecevables ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 27 mars 2003 en tant qu'il a statué sur ces conclusions et de rejeter celles ;ci comme irrecevables ;
Sur l'appel du ministre en tant qu'il concerne la décision du 14 février 2000 :
Considérant que, par arrêté du 7 janvier 2000, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 31 janvier 2000, le préfet du Val ;de ;Marne a donné au directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ou, en cas d'empêchement, à son adjoint, délégation afin de signer, dans les conditions prévues à l'article R. 351 ;33 du code du travail, les décisions de refus d'ouverture, de renouvellement et de maintien du revenu de remplacement, au nombre desquelles figurent les décisions d'exclusion ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 14 février 2000 a été signée par M. C, directeur départemental adjoint du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Val ;de ;Marne, au nom du préfet ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 14 février 2000 comme ayant été prise par une autorité incompétente ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B devant le tribunal administratif de Melun ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 351 ;17, R. 311 ;3 ;2 et R. 351 ;28 du code du travail précédemment rappelées que le préfet ne peut exclure du bénéfice du revenu de remplacement prévu à l'article L. 351 ;1 du même code le demandeur d'emploi qui a omis de déclarer aux services de l'Agence nationale pour l'emploi une activité professionnelle, même occasionnelle ou réduite, que dans le cas où cette omission avait pour but la perception de ce revenu, alors que celle ;ci était indue ;
Considérant qu'il est constant que Mme B a été désignée gérante de la SARL Dream Games, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 9 octobre 1998, alors qu'elle était inscrite comme demandeur d'emploi auprès de l'Agence nationale pour l'emploi, qu'elle a été indemnisée par l'Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce du 7 octobre 1998 au 30 juin 1999 et qu'elle n'a pas déclaré aux services de l'Agence nationale pour l'emploi son mandat de gérante au sein de cette société ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a accompli dans cette fonction qu'un nombre très réduit de tâches administratives ponctuelles, tout en continuant activement à effectuer des démarches de recherche d'un emploi, pour l'occupation duquel elle restait immédiatement disponible, et que l'activité de gérant de la SARL Dream Games était en réalité exercée par son mari ; que, par suite, la seule circonstance que Mme B a manqué à ses obligations déclaratives, alors que l'activité non déclarée qu'elle a exercée ne pouvait être regardée comme un emploi de nature à la priver du bénéfice du revenu de remplacement, ne pouvait légalement fonder la décision d'exclusion litigieuse ; qu'il suit de là que la décision du 14 février 2000 par laquelle le préfet du Val ;de ;Marne l'a exclue à titre définitif du revenu de remplacement à compter du 7 octobre 1998 est entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 8 juin 2005 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 27 mars 2003 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du préfet du Val ;de ;Marne en date du 12 octobre 1999.
Article 3 : La demande présentée par Mme B devant le tribunal administratif de Melun, en tant qu'elle est dirigée contre la décision du préfet du Val ;de ;Marne en date du 12 octobre 1999, est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à Mme B une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Michèle B épouse A et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.