Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jacques A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 15 octobre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 25 novembre 2003 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande de condamnation du département d'Eure-et-Loir à lui verser une indemnité de 7 170,36 euros au titre du préjudice qu'il a subi du fait du retard dans la réalisation des travaux de réhabilitation de la gendarmerie de Brézolles, et d'autre part, à la condamnation du département à lui verser cette somme ;
2°) statuant au fond, de condamner le département d'Eure-et-Loir à lui verser la somme de 7 170,36 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 juin 1999 et leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge du département d'Eure-et-Loir le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. A et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du département d'Eure-et-Loir,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département d'Eure-et-Loir a confié, par un marché conclu le 19 juin 1995, la maîtrise d'oeuvre des travaux de réhabilitation de la gendarmerie de Brezolles à un groupement représenté par M. A, architecte ; qu'à la suite du retard subi dans l'exécution des travaux, M. A a demandé au département le paiement d'une rémunération complémentaire ; que, n'ayant pas obtenu satisfaction, M. A a saisi le tribunal administratif d'Orléans qui a rejeté sa demande de condamnation du département par un jugement en date du 25 novembre 2003 ; que par un arrêt en date du 15 octobre 2005, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. A contre ce jugement ; que M. A se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que si le cocontractant de l'administration peut obtenir une indemnisation à raison des difficultés matérielles rencontrées dans l'exécution d'un marché présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties, dès lors que, s'agissant d'un marché à rémunération forfaitaire, il justifie en outre que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, il peut aussi, en cas de faute de la collectivité contractante dans l'exécution du contrat, mettre en cause sa responsabilité contractuelle pour obtenir la réparation du préjudice subi ; que, dès lors que M. A, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, avait fondé sa demande d'indemnisation sur la faute commise par le département d'Eure-et-Loir dans la conduite des travaux, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit en retenant, pour rejeter sa demande, l'absence de caractère exceptionnel et imprévisible des retards invoqués par le requérant sans rechercher si ces retards n'étaient pas imputables à une faute du département dans l'exécution du contrat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'à l'appui de sa requête d'appel, M. A soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif d'Orléans, les retards dans l'exécution des travaux étaient imputables au choix du département de ne pas recourir à un pilote coordonnateur du chantier ; que toutefois, il résulte de l'instruction que, d'une part, il n'est nullement établi que le retard, d'ailleurs très limité, dans le commencement des travaux serait dû à l'absence de pilote assurant la coordination du chantier ; que, d'autre part, les retards résultant tant de l'absence de réalisation préalablement au début des travaux d'une étude du sol que de la nécessité de modifier les coffrages initialement prévus pour les volets roulants, provenaient de difficultés techniques et non de l'absence de pilote assurant la coordination ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du département d'Eure-et-Loir, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que M. A demande au titre des frais exposés par lui en cassation et en appel et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. A une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par le département d'Eure-et-Loir en cassation et en appel et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 15 octobre 2004 est annulé.
Article 2 : La requête de M. A devant la cour administrative d'appel de Nantes et ses conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. A versera au département d'Eure-et-Loir la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A, au département d'Eure-et-Loir et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.