Vu la requête, enregistrée le 13 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Corinne A, demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de mettre en demeure les sociétés TF1, France 2 et France 3 de respecter le principe d'équité entre les candidats à l'élection présidentielle en lui ouvrant davantage leur antenne, en particulier en l'invitant aux émissions de grande écoute programmées à 20h30, et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;
elle soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que le principe d'équité est applicable au temps de parole et au temps d'antenne des différents candidats déclarés ou présumés à l'élection présidentielle pendant la période préliminaire qui s'achèvera le 20 mars prochain et que c'est seulement avant cette date que l'équité pourra être rétablie au titre de cette période ; que l'abstention du Conseil supérieur de l'audiovisuel porte atteinte à la liberté fondamentale que constitue le principe du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion ; que cette atteinte est grave et manifestement illégale en ce que les trois plus grandes chaînes de télévision ne respectent pas le principe d'équité et les différentes composantes à prendre en compte pour évaluer la représentativité des candidats telles qu'elles sont fixées par la recommandation du 7 novembre 2006 et le guide d'application qui lui est annexé ; que le résultat qu'elle a obtenu au premier tour de l'élection présidentielle de 2002, soit 1,88% des suffrages exprimés, ce qui représentait le dixième des suffrages obtenus par M. Chirac, devrait lui permettre de bénéficier du dixième du temps de parole et d'antenne consacré à M. Sarkozy ; que la carence du Conseil supérieur de l'audiovisuel à utiliser le pouvoir de mise en demeure qu'il tient de la loi du 30 septembre 1986 pour mettre fin à cette situation est manifestement illégale ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2007, présenté par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que la fin de la période préliminaire devrait intervenir dans plus d'un mois et qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne lui impose de prendre un dispositif spécifique au cours de cette période ; qu'aucune atteinte grave n'est portée au principe du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, dès lors que le traitement médiatique de la candidature de Mme A est conforme au principe d'équité ; qu'ainsi elle a bénéficié en moyenne, sur les chaînes TF1, France 2, France 3, Canal + et M6, pour la période du 1er décembre 2006 au 2 février 2007, de 2,0% de temps de parole et 1,5% de temps d'antenne, ce qui est en relation avec ses résultats de 2002, soit 1,88% des suffrages exprimés ; que l'absence de mise en demeure ne constitue pas une illégalité manifeste, eu égard d'une part à la jurisprudence qui reconnaît au Conseil supérieur de l'audiovisuel une marge d'appréciation dans le choix des mesures permettant de faire respecter les obligations des opérateurs et d'autre part aux observations périodiquement formulées par le conseil aux services de télévision sur le respect du principe d'équité, qui ont entraîné une amélioration de la situation de plusieurs candidats, dont Mme A ; que les mises en demeure adressées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel concernent le respect d'obligations générales mais ne peuvent imposer à une chaîne d'inviter un candidat particulier et encore moins de programmer son passage à une heure précise ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2007, présenté pour la société TF1, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge de Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne justifie que dans un délai très bref, le Conseil supérieur de l'audiovisuel mette en demeure la société TF1 d'ouvrir d'avantage son antenne à Mme A et qu'aucune circonstance particulière ne justifie que Mme A ait accès aux émissions de grande écoute programmées à 20h30 ; que la société TF1 respecte le principe d'équité à son égard dès lors que la proportionnalité entre deux résultats au premier tour de l'élection présidentielle de 2002 n'est pas un critère pertinent et que Mme A bénéficie sur TF1, à la date du 14 février 2007, d'un pourcentage de temps de parole et d'antenne supérieur à son résultat de 1,88% en 2002 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2007, présenté pour les sociétés France 2 et France 3, qui concluent au rejet de la requête ; elles soutiennent que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors qu'aucune atteinte définitive, au cours de la phase préliminaire en cours, n'est susceptible d'être portée aux candidats, lesquels ne sont pas officiellement déclarés comme tels par le Conseil constitutionnel ; qu'il n'y a aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en ce que la période préliminaire n'impose pas une stricte égalité entre les candidats ; qu'au demeurant, Mme A a bénéficié d'un traitement équitable sur France 2 et France 3 et sera prochainement invitée à des émissions programmées à des heures de forte audience ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ;
Vu la recommandation du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 7 novembre 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme Corinne A et d'autre part, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, la société TF1, la société France 2 et la société France 3 ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 16 février 2007 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Nicolaÿ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme Corinne A ;
- Me Briard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société TF1 ;
- les représentants de la société TF1 ;
- Me Piwnica, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des sociétés France 2 et France 3 ;
- les représentants de la société France Télévisions ;
- les représentants du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale...» ;
Considérant que, pour assurer le respect du principe du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, qui est une liberté fondamentale, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, auquel il appartient, en vertu des articles 1er, 3-1 et 13 de la loi du 30 septembre 1986, de veiller à ce que les services de radio et de télévision ne méconnaissent pas le principe d'équité de traitement entre candidats pendant la période précédant la campagne électorale officielle, a distingué, par sa recommandation du 7 novembre 2006 à l'ensemble des services de télévision et de radio concernant le traitement de l'actualité électorale en vue de l'élection présidentielle, d'une part, une période préliminaire, courant du 1er décembre 2006 jusqu'à la veille de la publication de la liste des candidats établie par le Conseil constitutionnel, d'autre part, une période intermédiaire, courant du jour de la publication de la liste des candidats établie par le Conseil constitutionnel jusqu'à la veille de l'ouverture de la campagne, soit le dimanche 8 avril 2007, et enfin la période de campagne, courant du lundi 9 avril 2007 jusqu'au second tour de scrutin, le dimanche 6 mai 2007 ; que selon cette recommandation, les services de radio et de télévision doivent appliquer, pendant la période préliminaire, un principe d'équité pour le temps de parole et le temps d'antenne des candidats déclarés ou présumés, pendant la période intermédiaire, un principe d'égalité pour le temps de parole des candidats figurant sur la liste établie par le Conseil constitutionnel et un principe d'équité pour leur temps d'antenne, et pendant la période de campagne, un principe d'égalité pour le temps de parole et le temps d'antenne des candidats ; que la publication de la liste des candidats établie par le Conseil constitutionnel est susceptible d'intervenir le 20 mars 2007 ;
Considérant qu'eu égard, d'une part, au temps de parole et d'antenne consacré par les sociétés TF1, France 2 et France 3 à la candidature de Mme A depuis le 1er décembre 2006, compte tenu notamment du résultat obtenu par l'intéressée au premier tour de l'élection présidentielle de 2002, et, d'autre part, à la marge d'appréciation dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans le choix des mesures, notamment les mises en demeure prévues par les articles 42 et 48-1 de la loi du 30 septembre 1986, auxquelles il peut recourir en vertu de cette loi pour veiller au respect par les opérateurs des obligations qui leur incombent, il ne résulte pas de l'instruction que le conseil aurait, en n'adressant pas de mise en demeure aux sociétés TF1, France 2 et France 3 concernant le temps consacré à cette candidature, porté une atteinte manifestement illégale au principe du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion ; qu'ainsi la requête de Mme A doit être rejetée ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme A la somme demandée par la société TF1 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme Corinne A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société TF1 tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Corinne A, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la société TF1, à la société France 2 et à la société France 3.