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08/02/2007 | FRANCE | N°300783

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 08 février 2007, 300783


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la circulaire du 1er décembre 2006 du secrétaire général du conseil national de l'ordre des médecins donnant instruction aux conseils régionaux actuels de poursuivre leurs fonctions disciplinaires au-delà de la proclamation des résultats des élections des membres des nouveaux conseils rég

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Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la circulaire du 1er décembre 2006 du secrétaire général du conseil national de l'ordre des médecins donnant instruction aux conseils régionaux actuels de poursuivre leurs fonctions disciplinaires au-delà de la proclamation des résultats des élections des membres des nouveaux conseils régionaux devant intervenir le 1er février 2007 et reportant la fixation de la date des élections aux chambres disciplinaires à une date postérieure à la parution du décret relatif au fonctionnement de ces chambres ;

M. A soutient que sa requête est recevable ; qu'en prescrivant aux conseils régionaux actuels de poursuivre leurs fonctions disciplinaires au-delà de la proclamation des élections des membres des nouveaux conseils régionaux, la circulaire litigieuse modifie les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que dès lors, la circulaire du 1er décembre 2006 a le caractère d'un acte réglementaire faisant grief ; que le requérant présente, en sa double qualité de médecin et de président du conseil régional de l'ordre des médecins des Pays de Loire, un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir ; que la circulaire attaquée est entachée d'excès de pouvoir ; qu'en premier lieu, le secrétaire général du conseil national de l'ordre des médecins était incompétent pour édicter la décision attaquée ; qu'en second lieu, la circulaire litigieuse méconnaît l'article 44 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 et le décret n°2006-269 du 7 mars 2006, en ce qu'elle vise à proroger le mandat des anciens conseils régionaux au-delà de ce que ces dispositions ont prévu ; que les élections des nouveaux conseils régionaux de l'ordre des médecins auront lieu le 1er février 2007, et la circulaire litigieuse est de nature à créer de graves irrégularités et inconvénients ; que dès lors, il y a urgence à suspendre la décision attaquée ;

Vu la circulaire dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête aux fins d'annulation présentée par M. A à l'encontre de cette circulaire ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2007, présenté pour le conseil national de l'ordre des médecins, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A la somme de 2000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la requête de Monsieur A est irrecevable, faute de viser un acte faisant grief ; qu'en effet, il résulte de l'article 44 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 modifié par l'article 5 de l'ordonnance n°2005-1040 du 26 août 2005 que les mandats des conseillers régionaux en cours à la date des élections des membres des nouveaux conseils régionaux sont prorogés jusqu'à la date de proclamation des résultats des élections des nouveaux conseils régionaux, ainsi que des chambres disciplinaires ; que dès lors, en rappelant par son courriel du 1er décembre 2006 que les conseils régionaux actuels ainsi que les sections disciplinaires et d'assurances sociales du conseil national continueront de siéger jusqu'à l'élection des futures chambres disciplinaires tout en transférant aux nouveaux conseils régionaux les dossiers des états pathologiques et des appels en matière d'inscription, et que le conseil national fixera la date des élections des chambres disciplinaires de première instance après la constitution des nouveaux conseils régionaux et la parution du décret sur le fonctionnement des chambres, le secrétaire général du conseil national de l'ordre des médecins n'a fait que décrire l'état du droit applicable et en fixer les conséquences pratiques en déterminant le calendrier des élections ; que, par suite, la circulaire litigieuse n'a pas modifié le droit en vigueur et ne constitue pas un acte susceptible de recours ; que subsidiairement, les conditions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne sont pas remplies ; que l'urgence n'est pas constituée ; qu'en effet, l'argument tiré des inconvénients et irrégularités qui découleraient de l'application de la circulaire attaquée n'est pas pertinent ; que du reste, ces considérations ne sont pas susceptibles de prévaloir sur l'intérêt public qui s'attache à la continuité du service public de la justice disciplinaire ; qu'enfin, il résulte des dispositions de l'article 8 du décret n°2006-269 du 7 mars 2006 que, contrairement aux affirmations du requérant, le conseil national de l'ordre des médecins est bien compétent pour organiser les élections des nouveaux conseils régionaux ; qu'enfin, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la circulaire attaquée serait entachée d'une erreur de droit par fausse interprétation de l'article 44 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 et du décret n°2006-269 du 7 mars 2006, dès lors que le secrétaire général du conseil national de l'ordre des médecins s'est borné, par le document litigieux, à rappeler le droit applicable ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er février 2007, présenté par M. A, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre que l'intérêt public attaché à la continuité du service public de la justice disciplinaire rend urgente l'élection des membres des chambres disciplinaires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 modifiée relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le décret n°2006-269 du 7 mars 2006 relatif à la composition et aux modalités d'élection des conseils de l'ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et de leurs chambres disciplinaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Michel A et d'autre part, le conseil national de l'ordre des médecins et le ministre de la santé et des solidarités ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 5 février 2007 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- M. Michel A ;

- Me Barthélémy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil national de l'ordre des médecins ;

- les représentantes du ministre de la santé et des solidarités ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a institué au sein de l'ordre des médecins des chambres disciplinaires de première instance, distinctes du conseil régional chargé désormais de fonctions purement administratives, et présidées par un magistrat administratif ; que de même a été créée une chambre disciplinaire nationale auprès du conseil national de l'ordre des médecins ; que cette loi a en outre conféré à l'auteur d'une plainte la qualité de partie devant les juridictions disciplinaires de l'ordre ; qu'aux termes de l'article 44 de la loi, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 août 2005 : « Les dispositions des articles 18 et 42, à l'exception du VI de l'article 42, entreront en vigueur dès la proclamation des résultats des élections des conseils régionaux et interrégionaux et des chambres disciplinaires dans les conditions prévues au troisième alinéa. Ces élections interviendront dans les six mois suivant la date de publication du décret mentionné à l'article L. 4124-11 du code de la santé publique. Les mandats des conseillers régionaux et interrégionaux en cours à cette date seront, en tant que de besoin, prorogés jusqu'à la proclamation des résultats des élections. / Dans l'attente de l'entrée en vigueur des dispositions des articles 18, 42 et 62, les compétences attribuées à l'article 45 à la chambre disciplinaire de première instance et à la chambre disciplinaire nationale sont exercées respectivement par le conseil régional ou interrégional et la section disciplinaire du conseil national. Les compétences attribuées au conseil national sont exercées par la section disciplinaire du conseil national./ La proclamation des résultats des élections aux conseils régionaux ou interrégionaux puis aux chambres disciplinaires est faite par le conseil national de l'ordre./ Le plaignant ne devient partie que dans les requêtes introduites après la mise en place des chambres disciplinaires de première instance... » ; qu'un décret du 7 mars 2006 a fixé la composition et les modalités d'élection des conseils de l'ordre des médecins et de ses chambres disciplinaires ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des premier, deuxième et quatrième alinéas précités de l'article 44 de la loi du 4 mars 2002, interprétés à la lumière du principe de continuité du service public, que les anciens conseils régionaux de l'ordre des médecins demeurent compétents en matière disciplinaire dans l'attente de la mise en place effective des chambres disciplinaires, laquelle est subordonnée à leur élection, à la nomination de leurs présidents et à la parution du décret fixant leurs règles de fonctionnement et de procédure ; qu'ainsi le secrétaire général du conseil national de l'ordre des médecins s'est borné à rappeler les règles découlant de la loi en indiquant, dans sa circulaire du 1er décembre 2006 transmise par courrier électronique aux présidents des conseils régionaux, que les anciens conseils régionaux continueront à siéger en matière disciplinaire même après l'élection, le 1er février 2007, des nouveaux conseils régionaux compétents en matière administrative ; que les moyens tirés de l'incompétence du secrétaire général et de l'erreur de droit ne paraissent donc pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette circulaire en tant qu'elle prend position sur le maintien des anciens conseils régionaux;

Considérant, en revanche, qu'eu égard aux dispositions précitées du premier alinéa de l'article 44 de la loi du 4 mars 2002, qui se réfèrent au décret qui a été ultérieurement pris le 7 mars 2006, et à l'article R. 4124-6 inséré dans le code de la santé publique par ce décret du 7 mars 2006, selon lequel le conseil régional élit les membres de la chambre disciplinaire de première instance à la première réunion qui suit chaque renouvellement, les moyens tirés de ce que le secrétaire général du conseil national de l'ordre des médecins aurait illégalement ajouté une règle aux dispositions législatives et réglementaires applicables, en indiquant, dans la circulaire contestée, que la date des élections aux chambres disciplinaires sera fixée après la parution du décret fixant les règles de fonctionnement de ces chambres, paraissent, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette disposition de la circulaire ; que l'urgence qui s'attache à la mise en place des institutions disciplinaires créées par le législateur justifie que la circulaire contestée soit, dans cette mesure, suspendue ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. A la somme demandée par le conseil national de l'ordre des médecins au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la circulaire du secrétaire général du conseil national de l'ordre des médecins en date du 1er décembre 2006 est suspendue en tant que cette circulaire décide de ne pas fixer la date des élections des chambres disciplinaires de première instance avant la parution du décret fixant les règles de fonctionnement de ces chambres.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté, ainsi que les conclusions présentées par le conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Monsieur Michel A, au conseil national de l'ordre des médecins et au ministre de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 300783
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2007, n° 300783
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:300783.20070208
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