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02/02/2007 | FRANCE | N°297834

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 02 février 2007, 297834


Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 29 septembre et 16 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Lidia A, demeurant ...; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 15 juin 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 28 février 2006 par lequel de préfet de l'Eure a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, d'autr

e part, à ce que soit prescrit au préfet de lui délivrer un titre de séjour ...

Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 29 septembre et 16 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Lidia A, demeurant ...; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 15 juin 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 28 février 2006 par lequel de préfet de l'Eure a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, d'autre part, à ce que soit prescrit au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 28 février 2006 du préfet de l'Eure ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Auditeur,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention ‘‘vie privée et familiale'' est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français » ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du même code : « (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre (...) » ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge des référés, et, en particulier, des motifs de la décision préfectorale attaquée, laquelle se borne à indiquer que Mme A, de nationalité moldave, ne remplit pas la condition de communauté de vie avec son mari et réside dans un foyer à Evreux, que le préfet de l'Eure, auquel les dispositions précitées confèrent un pouvoir d'appréciation pour accorder ou refuser le renouvellement du titre de séjour lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales de son conjoint, ait examiné si l'intéressée, qui invoquait de telles violences, pouvait bénéficier de ces dispositions ; qu'ainsi, en retenant que le moyen tiré de ce que le préfet de l'Eure avait méconnu les dispositions de cet article ne présentait pas un caractère sérieux, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a commis une erreur de droit ; que, dès lors, Mme A est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 14 avril 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la suspension du refus opposé par le préfet de l'Eure à sa demande de renouvellement de titre de séjour ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quant une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé ; que cette condition d'urgence est, en principe, constatée dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour ; que, par suite, Mme A demandant la suspension du refus de renouvellement de titre de séjour qui lui a été opposé et le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ne faisant état d'aucune circonstance particulière de nature à faire échec en l'espèce à la présomption d'urgence qui existe en pareil cas, la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative précité doit être regardée comme remplie ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le préfet de l'Eure aurait inexactement appliqué les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander la suspension de l'arrêté du 28 février 2006 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui renouveler son titre de séjour temporaire en qualité de conjointe de Français ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées devant le juge des référés :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire (...) » ; qu'en vertu de ces dispositions, il n'appartient pas au juge des référés d'enjoindre au préfet de délivrer à Mme A une carte de séjour temporaire ; qu'en revanche, il lui appartient, qu'il soit saisi ou non de conclusions à cette fin, d'assortir la suspension des obligations provisoires qui en découleront pour l'administration ; qu'en l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Eure de délivrer à Mme A, à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond par le tribunal administratif de Rouen sur sa demande en annulation de la décision contestée, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rouen en date du 15 juin 2006 est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté en date du 28 février 2006 par lequel le préfet de l'Eure a refusé à Mme A le renouvellement de son titre de séjour est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande présentée par l'intéressée devant le tribunal administratif de Rouen, tendant à l'annulation de l'arrêté susvisé.

Article 3 : Il est fait injonction au préfet de l'Eure, à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision, de délivrer à Mme A une autorisation provisoire de séjour, valable jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le fond par le tribunal administratif de Rouen sur sa demande en annulation de l'arrêté contesté.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Lidia A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 297834
Date de la décision : 02/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2007, n° 297834
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Jérôme Marchand-Arvier
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:297834.20070202
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