Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 9 février 2005, 4 mai 2005 et 22 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 9 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation, d'une part, du jugement du 17 novembre 1999 du tribunal administratif de Poitiers ayant rejeté sa demande d'annulation de la décision du 27 novembre 1996 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Poitiers lui interdisant toute présence dans l'unité de chirurgie plastique, l'affectant à un nouveau bureau et lui imposant des horaires de travail contrôlés par émargement, et d'autre part de cette décision ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Poitiers la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Henri Plagnol, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Richard, avocat de M. A et de Me Odent, avocat du centre hospitalier universitaire de Poitiers,
- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que le directeur d'un centre hospitalier, qui exerce, aux termes de l'article L. 714-12 du code de la santé publique, devenu L. 6143-7, son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut légalement, lorsque la situation exige qu'une mesure conservatoire soit prise en urgence pour assurer la sécurité des malades et la continuité du service, décider, sous le contrôle du juge, et à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné, de suspendre ses activités cliniques et thérapeutiques au sein du centre hospitalier, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 69 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers, codifiées à l'article R. 6152-77 du code de la santé publique, qui ne prévoient la possibilité de suspendre les intéressés par une décision du ministre chargé de la santé que dans le seul cas où ils font l'objet d'une procédure disciplinaire ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 27 novembre 1996, le directeur du centre hospitalier universitaire de Poitiers a suspendu M. A de ses fonctions de praticien hospitalier affecté dans le service de chirurgie plastique, en lui interdisant toute présence dans ladite unité, en lui affectant un bureau dans d'autres locaux et en lui fixant des horaires de travail contrôlés par émargement ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux, a omis de répondre au moyen soulevé par M. A, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que le directeur du centre hospitalier universitaire de Poitiers n'avait pas immédiatement informé le ministre de la santé de la mesure suspendant l'intéressé de ses fonctions ; qu'ainsi la cour a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; que, dès lors, M. A est fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Considérant que si, dans des circonstances exceptionnelles et eu égard à l'urgence, le directeur du centre hospitalier universitaire de Poitiers pouvait légalement suspendre M. A de ses activités cliniques et thérapeutiques au sein du centre hospitalier, il n'est pas contesté que c'est seulement par une lettre du 27 décembre 1996, soit un mois après la date de sa décision de suspendre M. A, qu'il en a informé le ministre de la santé ; que, dans ces conditions, M. A est fondé à soutenir que cette décision est entachée d'illégalité et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à son annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse au centre hospitalier universitaire de Poitiers la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Poitiers la somme de 3 000 euros au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 9 décembre 2004 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement du 17 novembre 1999 du tribunal administratif de Poitiers sont annulés.
Article 2 : La décision du 27 novembre 1996 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Poitiers interdisant à M. A toute présence dans l'unité de chirurgie plastique, l'affectant à un nouveau bureau et lui imposant des horaires de travail contrôlés par émargement est annulée.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Poitiers versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre A, au centre hospitalier universitaire de Poitiers, au ministre de la santé et des solidarités et au ministre de la fonction publique.