Vu 1°) sous le n°293542, la requête enregistrée le 18 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Gaston B, demeurant à ... ; M. B demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n°2006-482 du 26 avril 2006 portant adaptation en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie de l'article 1609 quatervicies du code général des impôts ;
Vu 2°) sous le n° 293924, la requête enregistrée le 31 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la POLYNESIE FRANÇAISE représentée par son président en exercice ; la POLYNESIE FRANCAISE demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2006-482 du 26 avril 2006 portant adaptation en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie de l'article 1609 quatervicies du code général des impôts ;
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Vu 3°) sous le n°294 054, la requête enregistrée le 5 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Tamara A, domiciliée ...; Mme A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2006-482 du 26 avril 2006 portant adaptation en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie de l'article 1609 quatervicies du code général des impôts ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 74 et 74-1 ;
Vu la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Philippe Thiellay, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, avocat de LA POLYNESIE FRANÇAISE, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer,
- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n°s 293542, 293924 et 294054 sont dirigées contre le même acte ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision ;
Considérant que le gouvernement a, par l'ordonnance du 26 avril 2006, étendu à la Polynésie française et à la Nouvelle Calédonie, en prévoyant les adaptations nécessaires, l'application de l'article 1609 quatervicies du code général des impôts ; que cet article a pour objet d'autoriser les personnes publiques ou privées, exploitant des aérodromes répondant à certaines caractéristiques de trafic, à percevoir une taxe dénommée « taxe d'aéroport » ; qu'en vertu du IV. de cet article, « le produit de la taxe est affecté sur chaque aérodrome au financement des services de sécurité - incendie - sauvetage, de lutte contre le péril aviaire, de sûreté et des mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux » ;
Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 74-1 de la Constitution : « Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le gouvernement peut, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'État, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure » ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : « Nonobstant toute disposition contraire, les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat par l'article 14, sous réserve des compétences attribuées aux communes ou exercées par elles en application de la présente loi organique » ; qu'aux termes de l'article 14, « les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes : ( ...) 8° (...) Police et sécurité concernant l'aviation civile » ; qu'enfin, aux termes des dispositions du I. de l'article L. 213-3 du code de l'aviation civile applicables en Polynésie française en vertu de son III, « les exploitants d'aérodromes civils (...) sont tenus d'assurer, sous l'autorité du titulaire des pouvoirs de police mentionné à l'article L. 213-2, le sauvetage et la lutte contre les incendies d'aéronefs, ainsi que la prévention du péril aviaire » ;
Considérant que s'il résulte des articles 13, 14, 102 et 140 de cette loi organique que la Polynésie française exerce la compétence fiscale, cette compétence ne concerne que les impositions instituées au profit de cette collectivité ou, dans les cas prévus par la loi organique, au profit d'autres collectivités de la Polynésie française ; qu'en matière de police et de sécurité concernant l'aviation civile, l'Etat est compétent pour fixer les règles applicables sur l'ensemble des aérodromes de Polynésie française et pour contrôler leur application ; que les compétences que l'Etat détient en vertu de l'article 14 de la loi organique, impliquent qu'il puisse édicter les règles permettant de disposer des ressources nécessaires à l'exercice de ces missions, notamment par l'institution d'une taxe, ou étendre celles applicables en métropole, en application de l'article 74-1 de la Constitution, en y apportant, le cas échéant, des adaptations ; que l'objet de la taxe en cause est de contribuer à l'amélioration de la sécurité aérienne, y compris en permettant de lutter contre le péril aviaire ou d'effectuer des mesures dans le cadre de contrôles environnementaux ; que, par suite, en étendant à la Polynésie française l'application de l'article 1609 quatervicies du code général des impôts, l'Etat n'a ni méconnu les dispositions de l'article 74-1 de la Constitution, ni celles de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Considérant en deuxième lieu, que le champ d'application de la taxe d'aéroport est limité par l'ordonnance attaquée aux aérodromes appartenant à l'Etat dont le trafic embarqué ou débarqué s'élève à plus de 400 000 « unités de trafic », seuil dépassé en Polynésie française par le seul aérodrome international de Tahiti Faa'a ; qu'il ressort des pièces du dossier que les autres aérodromes de Polynésie, relevant soit de l'Etat, soit de cette collectivité, accueillent essentiellement des vols intérieurs au territoire de Polynésie et enregistrent un trafic nettement moins important ; que, connaissant une situation différente de celle de l'aérodrome de Tahiti Faa'a, ils peuvent se voir appliquer un traitement différent ; que, par suite, l'ordonnance attaquée ne méconnaît pas le principe d'égalité ;
Considérant enfin, que le V de l'article 1609 quatervicies du code général des impôts prévoit que la taxe d'aéroport est « recouvrée et contrôlée selon les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions que celles prévues pour la taxe de l'article 302 bis K » du même code ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'aucun texte ne prévoirait les modalités précises de recouvrement et de contrôle de la taxe d'aéroport et les garanties pour les entreprises qui y sont soumises, manque en fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B, LA POLYNESIE FRANCAISE et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance du 26 avril 2006 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par la POLYNESIE FRANCAISE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de M. B, de la POLYNESIE FRANCAISE et de Mme A, les sommes que l'Etat demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. B, de LA POLYNESIE FRANCAISE et de MME A sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Gaston B, à la POLYNESIE FRANCAISE, à Mme Tamara A, au ministre de l'outre-mer, au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au Premier ministre.