Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 6 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Martine A, demeurant ...; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 16 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement du 24 décembre 2002 du tribunal administratif de Caen condamnant la commune de Vire à lui verser une somme de 10 387,37 euros, qu'elle estime insuffisante, d'autre part, a rejeté sa demande d'indemnisation à hauteur de 66 295,31 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de condamner la commune de Vire à lui verser la somme de 66 295,31 euros avec intérêts et capitalisation et de mettre à la charge de la commune la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Courtial, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Vire,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans la journée du 15 juin 2000 alors qu'elle marchait sur le trottoir d'une rue de la commune de Vire, Mme A a trébuché sur un objet métallique et qu'alors qu'elle tentait de retrouver son équilibre, le talon de sa chaussure s'est trouvé entravé dans une excavation, laissée sans protection, destinée à recevoir un mât à l'occasion de cérémonies, ce qui a entraîné la chute de l'intéressée ; que, par un jugement en date du 24 décembre 2002, le tribunal administratif de Caen a partiellement fait droit à la demande de réparation de la requérante, en jugeant que le défaut d'entretien normal ainsi révélé était de nature à engager la responsabilité de la commune de Vire et en condamnant celle-ci à réparer la moitié des conséquences dommageables de l'accident, pour un montant de 10 387,37 euros ; que la requérante se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté pour la totalité sa demande d'indemnisation ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'existence de l'excavation dépourvue de protection dont Mme A allègue qu'elle a provoqué sa chute n'est pas remise en cause par le rapport des services de police et les attestations de témoins et n'est d'ailleurs pas contestée par la commune de Vire dans ses différentes écritures ; qu'en estimant, dans ces conditions, pour juger que l'accident dont Mme A a été victime ne pouvait être regardé comme imputable à un défaut d'entretien normal de la voie publique, que les pièces du dossier ne permettaient pas d'établir l'emplacement et les caractéristiques exactes de l'excavation, la cour a entaché son appréciation des faits de dénaturation ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué doit être, pour ce seul motif, annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sur la requête principale :
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait méconnu l'article R. 741-2 du code de justice administrative en omettant de mentionner l'ensemble des pièces de procédure, qui n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que l'excavation dans laquelle le talon de la chaussure de la requérante s'est trouvé entravé et qui a précipité sa chute n'était ni protégée ni signalée depuis plusieurs jours ; que, dès lors, l'accident doit être regardé comme imputable à un défaut d'entretien normal de la voie publique de nature à engager la responsabilité de la commune de Vire ; que, toutefois, cette responsabilité est atténuée par l'inattention de la requérante, dès lors que l'objet métallique sur lequel Mme A a d'abord trébuché, qui était de taille réduite et aisément visible en plein jour sur le trottoir, ne constituait pas un obstacle excédant ceux que les usagers de la voie publique peuvent normalement s'attendre à rencontrer sur leur trajet ; que, dans les circonstances de l'espèce, il a été fait par les premiers juges une juste appréciation des faits de la cause en mettant à la charge de la commune de Vire la moitié des conséquences dommageables de l'accident survenu à la victime ; que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Caen n'a pas mis à la charge de la commune la totalité ou au moins les trois-quarts des conséquences dommageables de l'accident n'est donc pas fondé ;
Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, de confirmer le jugement attaqué en ce qui concerne l'indemnisation des préjudices subis et de condamner la commune de Vire à payer la somme de 2 663,86 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados et la somme de 10 387,37 euros à Mme A, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2001 et des intérêts à compter du 25 novembre 2001 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Caen ;
Sur le recours incident de la commune de Vire :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit la chute de Mme A a été précipitée par l'excavation laissée sans protection sur la voie communale ; qu'ainsi la responsabilité de la commune est engagée par ce défaut d'entretien normal sans que l'inattention de la victime l'exonère de plus de la moitié des conséquences dommageables de l'accident ; que, dès lors, les conclusions incidentes de la commune de Vire ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Vire la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;
Considérant que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A la somme que demande la commune de Vire au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt en date du 16 décembre 2004 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : La commune de Vire versera à Mme A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi en cassation de Mme A, la requête qu'elle a présentée à la cour administrative d'appel, le recours incident de la commune de Vire et le surplus des conclusions de la commune en cassation sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Martine A, à la commune de Vire et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.