Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 et 21 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CORSICA FERRIES, dont le siège est Palais de la mer, 5 bis rue Chanoine Leschi à Bastia (20296), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE CORSICA FERRIES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 3 de l'ordonnance du 23 octobre 2006 par lequel le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de la procédure organisée par la collectivité territoriale de Corse et l'Office des transports de la Corse pour le renouvellement de la délégation du service public de desserte maritime de la Corse à partir du port de Marseille ;
2°) statuant comme juge des référés, de faire droit aux conclusions de sa demande rejetées par l'article 3 de l'ordonnance attaquée ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la collectivité territoriale de Corse et de l'Office des transports de la Corse la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu la note en délibéré présentée pour la Société nationale Corse Méditerranée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n° 89/665/CEE du 21 décembre 1989 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Jouguelet, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE CORSICA FERRIES, de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de l'Office des transports de la Corse et de la collectivité territoriale de Corse et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la Société nationale Corse Méditerranée,
- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation (...) des conventions de délégation de service public./Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement .../ Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours... ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'Office des transports de la Corse (O.T.C.), mandaté à cet effet par la collectivité territoriale de Corse, a lancé en mai 2006 la procédure de passation de la délégation de service public de la desserte maritime de la Corse à partir de Marseille pour les années 2007 à 2013 ; que la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) a fait une offre portant sur les cinq lignes maritimes reliant Marseille aux ports de Bastia, Ajaccio, Balagne, Porto-Vecchio et Propriano ; que la SOCIETE CORSICA FERRIES a présenté une offre portant alternativement sur certaines de ces lignes ; que la Compagnie méridionale de navigation (CMN) a également déposé une offre ; qu'un groupement constitué par la SOCIETE CORSICA FERRIES et la CMN a fait une offre portant alternativement sur deux de ces lignes ; qu'après avis de la commission mentionnée à l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, le président de l'O.T.C. a commencé une négociation avec la SNCM pour l'ensemble des lignes et avec la SOCIETE CORSICA FERRIES pour les seules lignes de Balagne et de Porto-Vecchio ;
Considérant que la SOCIETE CORSICA FERRIES, agissant tant en son nom personnel qu'au nom du groupement, a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, saisi le président du tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à la suspension de la procédure de passation, à ce qu'il soit ordonné à l'O.T.C. de leur communiquer les décisions de rejet de la totalité ou d'une partie de leurs offres ainsi que leurs motifs, à l'annulation de ces décisions ainsi que de celle acceptant d'engager des négociations avec la SNCM et à la suppression dans le cahier des charges de la stipulation exigeant l'utilisation de navires mis en service après le 1er janvier 1987 ; que la CMN a également demandé à ce juge de suspendre et d'annuler la procédure de passation ; que, par une ordonnance en date du 23 octobre 2006, le juge des référés a, après jonction de ces trois demandes, suspendu la procédure de passation de la convention de délégation pour les cinq lignes et a enjoint à la collectivité territoriale de Corse et à l'O.T.C. de procéder à un nouvel examen de la candidature et des offres du groupement, mais a rejeté par l'article 3 de cette ordonnance le surplus des conclusions dont il était saisi ; que la SOCIETE CORSICA FERRIES et le groupement se pourvoient en cassation contre cet article 3 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat (...). La commission mentionnée à l'article L. 1411-5 dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières (...) et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire » ; qu'aux termes de l'article L. 1411-5 : Les plis contenant les offres sont ouverts par une commission (...). Au vu de l'avis de la commission, l'autorité habilitée à signer la convention engage librement toute discussion utile avec une ou des entreprises ayant présenté une offre ;
Sur le cahier des charges de la convention de délégation de service public :
Considérant que des spécifications techniques supérieures à celles exigées par la réglementation applicable au secteur d'activité peuvent être édictées par le règlement de la consultation ou le cahier des charges ; que, toutefois, si de telles spécifications ont pour effet de limiter la concurrence entre les candidats potentiels, elles doivent être justifiées par les nécessités propres au service public faisant l'objet de la délégation ;
Considérant qu'en relevant que les spécifications exigées par le cahier des charges de la convention, selon lesquelles les bâtiments doivent avoir été mis en service après le 1er janvier 1987, ne sont pas étrangères à l'objet de la délégation ou à ses conditions d'exécution, le juge des référés a ainsi vérifié si ces exigences étaient justifiées par les nécessités de la desserte maritime de la Corse et n'a pas commis d'erreur de droit ; que ce juge, qui a souverainement apprécié les nécessités de ce service public, n'a pas non plus entaché sa décision d'une contradiction de motifs en jugeant que cette stipulation du cahier des charges, dès lors qu'elle était justifiée par les nécessités du service, ne portait pas atteinte au principe d'égalité entre les candidats alors même qu'elle aurait comme effet d'avantager le délégataire sortant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SOCIETE CORSICA FERRIES tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle n'a pas supprimé cette clause doivent être rejetées ;
Sur la communication du choix des offres faisant l'objet de la négociation :
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité responsable de la personne publique délégante de notifier à l'opérateur économique ayant déposé une offre son choix de ne pas entamer de négociation avec lui ; que l'abstention de cette autorité d'informer cet opérateur de son choix ne fait obstacle ni à l'exercice par les candidats susceptibles d'être évincés du recours devant le juge du référé pré- contractuel prévu par les dispositions précitées de l'article L. 551-1, lequel recours peut être exercé à tout moment de la procédure de passation de la délégation, ni à l'exercice des autres recours juridictionnels ouverts en matière de passation des délégations de service public ; qu'elle ne méconnaît donc pas les objectifs de la directive n° 89/665/CEE du 21 décembre 1989 et ne porte pas atteinte au droit au recours ouvert par les dispositions précitées de l'article L. 551-1 ou au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction rappelé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il n'existait aucune obligation pour la collectivité territoriale de Corse de communiquer à la SOCIETE CORSICA FERRIES son choix, et les motifs de ce dernier, de ne pas entamer de négociation avec le groupement et de limiter la négociation avec la société elle-même à deux des lignes maritimes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société requérante tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a refusé, d'une part, d'enjoindre à la collectivité de lui communiquer ce choix et ses motifs, d'autre part, de suspendre la procédure de passation de la délégation de service public tant que cette communication n'aurait pas été effectuée, doivent être rejetées ;
Sur l'établissement de la liste des candidats :
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, la commission mentionnée à l'article L. 1411-5 doit, après réception des candidatures des opérateurs économiques intéressés par la passation de la délégation de service public, dresser la liste des candidats admis à présenter une offre au vu de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public ; qu'un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, éventuellement, les conditions de tarification du service rendu à l'usager, doit être adressé aux candidats admis pour qu'ils puissent établir leurs offres ; que la commission doit ensuite, après ouverture des plis contenant les offres, donner son avis sur les opérateurs économiques avec lesquels l'autorité responsable de la personne publique délégante peut engager la négociation ; que, toutefois, la collectivité peut décider d'adresser le document définissant les caractéristiques des prestations à tous les candidats faisant connaître leur intention de déposer une offre ; qu'en ce cas, chaque candidat doit produire une enveloppe contenant d'une part ses garanties professionnelles et financières ainsi que les pièces établissant son aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public, d'autre part le pli contenant son offre ; que la commission doit, pour respecter l'égalité des candidats, éliminer après ouverture de la première enveloppe, les candidatures dont les justifications sont insuffisantes, puis doit ouvrir les plis contenant les offres des seuls opérateurs dont la candidature a été admise et donner, après examen de ces offres, son avis au vu duquel l'autorité responsable de la personne publique délégante peut engager la négociation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la collectivité territoriale de Corse a adressé à tous les candidats qui en ont fait la demande, le dossier définissant les caractéristiques de la délégation du service public de desserte maritime de la Corse ; que la commission a tenu une première réunion le 7 août 2006 pour l'ouverture de la première enveloppe et s'est alors prononcée sur la recevabilité des candidatures, puis une seconde réunion le 13 septembre 2006 pour émettre son avis sur la sélection des offres ; que, dans ces conditions, le juge des référés n'a commis aucune erreur de droit en jugeant que la commission n'avait pas méconnu les dispositions de l'article L. 1411-1 ;
Sur la sélection des offres :
En ce qui concerne l'offre de la SNCM :
Considérant que lorsque le règlement de la consultation ou le cahier des charges impose la production de documents ou de renseignements à l'appui des offres, l'autorité habilitée à signer la convention ne peut, après avis de la commission mentionnée à l'article L. 1411-5, engager de négociation avec un opérateur économique dont l'offre n'est pas accompagnée de tous ces documents ou renseignements que si cette insuffisance, d'une part, ne fait pas obstacle à ce que soit appréciée la conformité de l'offre aux exigences du cahier des charges et, d'autre part, n'est pas susceptible d'avoir une influence sur la comparaison entre les offres et le choix des candidats qui seront admis à participer à la négociation ; que, par suite, la SOCIETE CORSICA FERRIES est fondée à soutenir que le juge des référés, en jugeant que la liberté de négociation reconnue à la personne publique délégante par l'article L. 1411-5 justifiait que des négociations soient menées avec la SNCM sans rechercher si les irrégularités reprochées à son offre étaient telles qu'elles empêchaient d'apprécier sa conformité au cahier des charges ou d'effectuer utilement une comparaison avec les autres offres présentées, a commis une erreur de droit ;
En ce qui concerne l'offre de la SOCIETE CORSICA FERRIES :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que le juge des référés a considéré que la présentation d'offres portant sur les mêmes lignes, d'une part, par la SOCIETE CORSICA FERRIES et la CMN agissant chacune à titre individuel, d'autre part, par le groupement constitué par ces deux sociétés, constituait par principe une atteinte à la libre concurrence et à l'égalité des candidats ; que, dès lors qu'il estimait que cette entente interdisait d'admettre ces offres, il n'a pu, sans contradiction de motifs, en conclure que seules les offres présentées à titre individuel par la SOCIETE CORSICA FERRIES et la CMN devaient être écartées de la négociation tout en enjoignant à la collectivité de reprendre la négociation avec le groupement ; que, par suite, la SOCIETE CORSICA FERRIES est fondée à demander l'annulation de l'article 3 de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du choix du président de l'O.T.C. d'exclure de la négociation ses offres portant sur les lignes desservant à partir de Marseille les ports d'Ajaccio, Bastia et Propriano ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CORSICA FERRIES est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée seulement en ce qu'elle a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du choix du président de l'O.T.C. de l'exclure des négociations pour ces trois lignes et de retenir la SNCM pour cette dernière phase de la passation de la délégation ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur les conclusions présentées sur ces points par la SOCIETE CORSICA FERRIES devant le juge du référé pré-contractuel du tribunal administratif de Bastia ;
Sur les conclusions de la demande de la SOCIETE CORSICA FERRIES tendant à l'annulation du choix du président de l'O.T.C. de l'exclure des négociations pour les lignes desservant les ports d'Ajaccio, Bastia et Propriano et d'engager la négociation avec la SNCM :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la collectivité territoriale de Corse et l'Office des transports de la Corse :
Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative qu'un candidat susceptible d'être lésé peut demander au juge du référé pré-contractuel l'annulation des mesures prises en cours de procédure de passation du contrat alors même qu'elles ne constitueraient pas des décisions susceptibles d'un recours en annulation devant le juge de l'excès de pouvoir ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de saisine du président du tribunal administratif de Bastia, l'O.T.C. avait entamé des négociations avec la SNCM pour la totalité des lignes maritimes et avec la SOCIETE CORSICA FERRIES en ce qui concerne deux lignes et avait ainsi écarté de cette même phase de négociation les autres offres qui lui avaient été présentées ; que, contrairement à ce que soutiennent la collectivité territoriale de Corse et l'O.T.C., ces mesures peuvent être soumises au contrôle du juge du référé pré-contractuel ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la collectivité territoriale de Corse et l'O.T.C. et tirée de l'absence de décisions susceptibles d'être déférées à ce juge, ne peut qu'être écartée ;
En ce qui concerne la procédure de sélection des offres :
Considérant, en premier lieu, que, si le règlement particulier de l'appel d'offres autorise la présentation d'une offre globale pour l'ensemble des lignes faisant l'objet de la délégation, il exige des candidats qu'ils fournissent dans l'enveloppe contenant les offres des indications sur les moyens spécifiques prévus pour l'exécution du contrat, notamment les navires mis en place et le montant des compensations financières demandées année par année ainsi qu'un compte d'exploitation prévisionnel pour chacune des années faisant apparaître en particulier les coûts poste par poste pour chaque ligne déléguée ; que le cahier des charges détermine les conditions de desserte de chacune des lignes concédées en précisant les capacités minimales des navires selon les services de transport de passagers ou du fret et les périodes de l'année ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'analyse des offres par la commission de délégation de service public lors de sa séance du 13 septembre 2006, que l'offre de la SNCM comportait des comptes d'exploitation prévisionnels globaux et annonçait la présentation d'un compte prévisionnel par ligne qui n'incluait pas les charges à terre et les charges en capital ; que cette offre, qui se présentait comme indivisible, n'indiquait pas non plus les navires que la SNCM entendait affecter à chaque ligne et comptait au nombre des navires mis en place des bâtiments qui n'étaient pas désignés ; que cette absence d'informations précises sur des postes essentiels des comptes d'exploitation prévisionnels par ligne et sur les moyens nautiques affectés à ces lignes, rendait impossibles pour l'autorité représentant la collectivité délégante, au moment de choisir les opérateurs économiques avec lesquels elle souhaitait entamer la négociation, l'appréciation de la conformité de cette offre au cahier des charges de la délégation ainsi que toute comparaison utile, ligne par ligne, avec les offres présentées par les autres candidats qui portaient seulement, comme l'autorise le règlement de la consultation, sur l'exploitation de certaines de ces lignes ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en retenant l'offre de la SNCM en relevant que cette dernière pouvait apporter les précisions et indications manquantes en cours de négociation, le président de l'O.T.C. a méconnu les obligations de publicité et de mise en concurrence que doit respecter l'autorité délégante ; que, par suite, la SOCIETE CORSICA FERRIES est fondée à demander l'annulation du choix de ce président d'ouvrir des négociations avec la SNCM ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les offres de la SOCIETE CORSICA FERRIES étaient présentées de façon alternative comme portant de façon indissociable sur deux des trois lignes desservant les ports d'Ajaccio, Bastia et Propriano ; qu'elles ne comprenaient pas, pour l'une des deux lignes, l'ensemble des services mentionnés par le cahier des charges, en méconnaissance des exigences du règlement de la consultation ; que, dans ces conditions, l'autorité habilitée à passer le contrat pouvait, pour ce seul motif qu'elle a expressément invoqué, ne pas retenir ces offres ; que, par suite, la SOCIETE CORSICA FERRIES n'est pas fondée à demander au juge du référé pré-contractuel d'annuler le choix de ne pas engager avec elle des négociations pour l'exploitation de ces trois lignes ;
Considérant que le juge des référés pré-contractuels, dès lors qu'il est régulièrement saisi, dispose de l'intégralité des pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative pour mettre fin, s'il en constate l'existence, aux manquements de l'administration à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu'ainsi, eu égard à son office, il lui appartient de prendre toutes mesures nécessaires pour assurer le respect de ces obligations, lorsqu'il constate que, par suite de la décision qu'il prend, celles-ci ne peuvent être satisfaites par l'autorité responsable de la personne publique délégante, en cas de poursuite de la procédure de passation du contrat ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ce qui a été dit ci-dessus et du dispositif de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia non annulé par la présente décision, que la négociation ne pourrait plus porter que sur deux offres de la SOCIETE CORSICA FERRIES et sur les offres du groupement constitué par la SOCIETE CORSICA FERRIES et la CMN, dont l'admission à ce stade de la procédure de passation a été ordonnée par l'article 2 de l'ordonnance attaquée qui n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation ; que, dans ces circonstances, il y a lieu, pour assurer le respect des obligations de mise en concurrence, de prononcer l'annulation de toute la procédure de passation de la délégation du service public de desserte maritime des ports de Bastia, Ajaccio, Balagne, Porto-Vecchio et Propriano à partir du port de Marseille ; qu'il appartient en conséquence à la collectivité territoriale de Corse de reprendre cette procédure, soit intégralement, soit à compter de la nouvelle date qu'elle fixera pour la remise, dans les conditions prévues par le règlement particulier d'appel d'offres, des plis contenant les nouvelles offres des candidats ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE CORSICA FERRIES qui n'est pas dans la présente espèce la partie perdante, les sommes que demandent la collectivité territoriale de Corse, l'Office des transports de la Corse et la Société Nationale Corse Méditerranée au titre des frais supportés et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Corse et de l'Office des transports de la Corse chacun la somme de 2 500 euros que demande la SOCIETE CORSICA FERRIES au titre des frais supportés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 de l'ordonnance du 23 octobre 2006 du président du tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la SOCIETE CORSICA FERRIES tendant à l'annulation, d'une part, du choix de l'Office des transports de la Corse l'excluant des négociations pour les lignes desservant à partir de Marseille les ports d'Ajaccio, Bastia et Propriano et, d'autre part, du choix du même office d'engager des négociations avec la SNCM.
Article 2 : La procédure de passation de la délégation du service public de desserte maritime des ports de Bastia, Ajaccio, Balagne, Porto-Vecchio et Propriano à partir du port de Marseille, est annulée. Il appartient à la collectivité territoriale de Corse de reprendre cette procédure soit intégralement soit à compter de la nouvelle date qu'elle fixera pour la remise, dans les conditions prévues par le règlement particulier d'appel d'offres, des plis contenant les nouvelles offres des candidats.
Article 3 : La collectivité territoriale de Corse et l'Office des transports de la Corse verseront chacun à la SOCIETE CORSICA FERRIES une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE CORSICA FERRIES ainsi que les conclusions de la collectivité territoriale de Corse, de l'Office des transports de la Corse et de la SNCM tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CORSICA FERRIES, à l'Office des transports de la Corse, à la Société nationale Corse Méditerranée et à la collectivité territoriale de Corse.