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29/11/2006 | FRANCE | N°281232

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 29 novembre 2006, 281232


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juin et 3 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Ange A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 19 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2000 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault lui a retiré le bénéfice du logement qu'elle occupa

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2°) statuant comme juge du fond d'annuler la décision du 20 jan...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juin et 3 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Ange A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 19 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2000 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault lui a retiré le bénéfice du logement qu'elle occupait ;

2°) statuant comme juge du fond d'annuler la décision du 20 janvier 2000 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault ;

3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983, n° 84-16 du 11 janvier 1984 et n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ;

Vu le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Hemery, avocat de Mme A et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ; qu'aux termes, d'autre part, de l'article 5 du décret du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels : « Les sapeurs-pompiers professionnels ont droit au logement en caserne dans la limite des locaux disponibles.... » ;

Considérant que la décision mettant fin au logement en caserne d'un sapeur-pompier professionnel doit être regardée, eu égard aux termes de l'article 5 du décret du 25 septembre 1990, comme ayant le caractère d'une décision individuelle défavorable refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit, au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 précité ; que par suite, en estimant qu'une telle décision n'entre dans aucune catégorie de décisions dont la motivation est exigée par la loi du 11 juillet 1979, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que son jugement doit être annulé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que Mme A, recrutée par des arrêtés du 5 janvier et 6 septembre 1990 au corps communal des sapeurs-pompiers de Béziers en qualité de capitaine, nommée chef de corps du centre de secours principal de Béziers, puis promue au grade de commandant de sapeurs-pompiers professionnels en 1995 a bénéficié, au titre des dispositions précitées du décret du 25 septembre 1990, d'un logement de fonction situé dans l'enceinte du centre de secours principal de Béziers ; que par la décision attaquée du 20 janvier 2000, le président du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault l'a informée qu'elle ne pourrait plus disposer d'un logement au sein du centre de secours principal de Béziers à compter du 1er avril 2000 ;

Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 1424-9 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : « Les sapeurs-pompiers professionnels, officiers et non officiers, sont recrutés et gérés par le service départemental d'incendie et de secours... Les sapeurs-pompiers professionnels officiers... sont nommés dans leur emploi conjointement par l'autorité compétente de l'Etat et le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours. » ; qu'aux termes de l'article L. 1424-30 du même code : « Le président du conseil est garant de la bonne administration du service départemental d'incendie et de secours » ; que le président du service départemental d'incendie et de secours tient de ces dispositions compétence pour prendre les décisions individuelles d'attribution de logements de fonction aux sapeurs-pompiers nommés dans le service ; que par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir que le président du SDIS de l'Hérault aurait été incompétent pour prendre la décision attaquée en l'absence d'une délibération du conseil d'administration l'y autorisant ;

Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A excipe de l'illégalité de la délibération du 23 juillet 1999 par laquelle le conseil d'administration du service d'incendie et de secours de l'Hérault a approuvé la convention relative aux transferts de compétences des personnels et matériels entre la commune de Béziers et ce service, elle n'apporte à l'appui de ce moyen aucun élément susceptible d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant en troisième lieu, que pour informer Mme A qu'elle ne pourrait plus disposer d'un logement au sein du centre de secours principal de Béziers à compter du 1er avril 2000, la décision litigieuse fait état d'une « restructuration » ; que cette motivation de la décision, alors qu'un projet de rénovation de la caserne était envisagé depuis l'été 1999, doit être regardée comme suffisante au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

Considérant enfin qu'il ressort des pièces du dossier et des documents produits par le service départemental qu'une restructuration de la caserne destinée notamment à y aménager des dortoirs pour les équipes de garde, qui nécessitait la libération de logements de fonction occupés, était programmée pour l'été 2000, et s'est effectivement achevée à l'été 2001 ; que par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée, qui ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, n'aurait pas été prise dans l'intérêt du service ou aurait été entachée de détournement de pouvoir ; que la circonstance qu'elle ait été en situation de congé maladie à la date de la décision attaquée est sans influence sur la légalité de cette mesure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme A la somme que demande le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 19 janvier 2005 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault, tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Ange A, au service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 281232
Date de la décision : 29/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-04-02-03 COLLECTIVITÉS TERRITORIALES. DISPOSITIONS GÉNÉRALES. SERVICES PUBLICS LOCAUX. DISPOSITIONS PARTICULIÈRES. SERVICES D'INCENDIE ET SECOURS. - SAPEURS-POMPIERS PROFESSIONNELS - DÉCISION INDIVIDUELLE D'ATTRIBUTION D'UN LOGEMENT EN CASERNE - A) COMPÉTENCE - B) DÉCISION METTANT FIN AU LOGEMENT EN CASERNE - MOTIVATION OBLIGATOIRE.

135-01-04-02-03 a) Le président du service départemental d'incendie et de secours tient des dispositions des articles L. 1424-9 et 1424-30 du code général des collectivités territoriales compétence pour prendre les décisions individuelles d'attribution de logements de fonction aux sapeurs-pompiers nommés dans le service. Par suite le requérant n'est pas fondé à soutenir que le président du SDIS aurait été incompétent pour prendre la décision attaquée mettant fin à son logement en caserne en l'absence d'une délibération du conseil d'administration l'y autorisant.,,b) La décision mettant fin au logement en caserne d'un sapeur-pompier professionnel doit être regardée, eu égard aux termes de l'article 5 du décret du 25 septembre 1990, comme ayant le caractère d'une décision individuelle défavorable refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit, au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 précité. Par suite, obligation de motivation d'une telle décision.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2006, n° 281232
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Chauvaux
Avocat(s) : HEMERY ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:281232.20061129
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