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06/11/2006 | FRANCE | N°262821

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 06 novembre 2006, 262821


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 17 décembre 2003 et 19 avril 2004, présentés pour M. et Mme B, demeurant ... ; M. et Mme B demandent que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'arrêt du 2 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 décembre 1999, a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'obligation de payer, d'une part, les compléments de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe d'apprentis

sage mis à la charge de Mme B pour la période du 1er janvier 1980 au 3...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 17 décembre 2003 et 19 avril 2004, présentés pour M. et Mme B, demeurant ... ; M. et Mme B demandent que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'arrêt du 2 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 décembre 1999, a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'obligation de payer, d'une part, les compléments de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe d'apprentissage mis à la charge de Mme B pour la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1983 et, d'autre part, les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et les pénalités correspondantes auxquelles M. et Mme B ont été assujettis au titre des années 1980 à 1983 ;

2°) statuant au fond, les décharge de l'obligation de payer ces impositions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hugues Hourdin, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. et Mme B,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B, qui exploitait un restaurant à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 1980 à 1983 ; qu'un examen d'ensemble de la situation fiscale personnelle de l'intéressée a également été diligenté ; que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, mis en recouvrement le 14 mars 1985, sont résultés de ces premières opérations de contrôle pour la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1983 et que des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu ont été, en conséquence des secondes, mises à la charge de M. et Mme B au titre des années 1980 à 1983 par avis de mise en recouvrement du 30 avril 1985 ; que les contribuables ont formé, respectivement les 7 et 8 octobre 1985, deux réclamations à l'encontre de chacune de ces deux catégories d'impositions et les ont assorties d'une demande de sursis de paiement ; qu'ils ont déposé, le 30 décembre 1988, deux autres réclamations dirigées contre les mêmes impositions, également assorties d'une demande de sursis de paiement ; que, par jugement du 30 juin 1994, le tribunal administratif de Marseille, saisi par les contribuables du litige qui les opposait à l'administration à la suite du rejet de leurs réclamations, a rejeté leurs demandes en décharge des impositions contestées ; que les requérants, qui ont reçu notification de ce jugement le 3 août 1994, ont été recherchés en paiement des impositions qu'ils restaient devoir ; qu'à cette fin, une mise en demeure et un avis à tiers détenteur ont été notifiés à Mme B les 5 août et 5 octobre 1994 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en ce qui concerne les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à la charge de M. et Mme B, des mises en demeure leur ont été adressées les 8 août 1994, 31 octobre 1994 et 17 janvier 1995 et un commandement de payer leur a été décerné le 15 février 1995 ; que les redevables ont formé opposition à ces divers actes de poursuite en invoquant la prescription de l'action en recouvrement ; que ces oppositions ayant été rejetées, ils ont saisi le tribunal administratif de Marseille de demandes en décharge de l'obligation de payer les impositions en cause ; que, par jugements des 22 novembre et 17 décembre 1999, ce tribunal a rejeté leurs demandes ;

Considérant que, pour demander l'annulation de l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'ils avaient relevé à l'encontre de ces deux jugements, M. et Mme B soutiennent, en premier lieu, que la cour a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit en estimant que l'action en recouvrement des impositions en litige n'était pas prescrite ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : Les comptables du Trésor qui ne font aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable./ Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription ; qu'aux termes de l'article L. 275 du même livre : La notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa est interrompu dans les conditions indiquées à l'article L. 274 ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 277 de ce livre dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1981 : Le contribuable qui conteste le bien fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. A l'exception des cas où la réclamation concerne des impositions consécutives à la mise en oeuvre d'une procédure d'imposition d'office ou à des redressements donnant lieu à l'application des pénalités prévues en cas de mauvaise foi ou de manoeuvres frauduleuses, le sursis de paiement est accordé dès lors que le contribuable a constitué des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor (...) ; que dans la rédaction que lui a donnée la loi du 30 décembre 1986, applicable à compter du 1er janvier 1987, le même article L. 277 prévoit que le sursis de paiement est accordé de plein droit au contribuable qui en formule expressément la demande, sans autre condition que la constitution de garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor même en cas de mise en oeuvre d'une procédure d'imposition d'office et d'assujettissement à des pénalités pour mauvaise foi ou manoeuvres frauduleuses ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'indépendamment de l'incidence des actes interrompant la prescription de l'action en recouvrement, le délai de prescription de cette action est suspendu à l'égard du comptable mis dans l'impossibilité d'agir à raison du sursis de paiement dont bénéficie le contribuable qui en a fait la demande dans le délai légalement applicable ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de Mme B, l'intéressée a formulé une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement le 7 octobre 1985; qu'invitée, le 26 janvier 1989, à fournir des garanties au soutien de la seconde réclamation qu'elle avait déposée le 30 décembre 1988 à l'encontre des mêmes impositions, elle a fait savoir à ce comptable que les garanties précédemment constituées, et acceptées, demeuraient valables ; qu'il suit de là que la prescription, qui a commencé à courir le lendemain du jour de la notification de l'avis de mise en recouvrement notifié le 21 mars 1985, a été suspendue le 7 octobre 1985 ; qu'elle a recommencé à courir le 7 février 1986, à l'expiration du délai imparti au directeur des services fiscaux pour statuer sur la réclamation dont il avait été saisi, et ce jusqu'au 30 décembre 1988, date de la seconde réclamation introduite par la requérante ; qu'elle a recommencé à courir à compter du 3 août 1994, date à laquelle le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 juin précédent lui a été notifié ; qu'ainsi, le 7 octobre 1994, date à laquelle a été notifié l'avis à tiers détenteur litigieux, quatre ans ne s'étaient pas écoulés ; que c'est, par suite, sans dénaturer les pièces du dossier, et sans entacher son arrêt d'une inexactitude matérielle non plus que d'une erreur de droit, que la cour, après avoir relevé ces faits, en a déduit que la prescription n'était pas acquise à Mme B ;

Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond relativement aux impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à la charge de M. et Mme B que ces impositions ont été mises en recouvrement le 30 avril 1985 ; que la réclamation formulée par les contribuables l'a été le 8 octobre 1985 ; que les garanties offertes ont été constituées et acceptées par le comptable du Trésor le 11 juin 1986 ; qu'à compter de cette date, les contribuables bénéficiaient du sursis de paiement sous l'empire de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales alors en vigueur ; qu'il suit de là que la prescription, qui a commencé à courir le 1er mai 1985, a été suspendue le 8 février 1986, date à laquelle expirait le délai imparti au directeur des services fiscaux pour statuer sur la réclamation dont il avait été saisi ; qu'elle a recommencé à courir le 9 février 1986 jusqu'au 11 juin 1986 et a été à nouveau suspendue ensuite ; que le sursis de paiement dont bénéficiaient les intéressés ayant expiré le 3 août 1994 pour les mêmes motifs que ci-dessus, la prescription a repris son cours jusqu'au 15 février 1995, date à laquelle les redevables ont reçu notification d'un commandement de payer les impositions en cause ; qu'ainsi, à cette date, quatre ans ne s'étaient pas écoulés ; que c'est, par suite, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction applicable en l'espèce que la cour, après avoir relevé ces faits, en a déduit que la prescription n'était pas acquise aux requérants ;

Considérant, en second lieu, que si, au soutien de l'appel qu'ils avaient formé à l'encontre des jugements susmentionnés, les requérants faisaient valoir qu'ils n'étaient pas tenus de payer les intérêts moratoires dont, en application de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales, le versement leur a été réclamé à la suite de la notification du jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 juin 1994 relatif aux impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 1980 à 1983, et soutiennent en cassation que la cour, qui a visé ce moyen, s'est cependant abstenue d'y répondre, il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué qu'en relevant que les contribuables avaient obtenu le bénéfice du sursis de paiement et en en déduisant qu'ils étaient tenus au paiement des intérêts moratoires, les juges du fond ont implicitement mais nécessairement répondu à ce moyen ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : Lorsqu'une juridiction rejette totalement ou partiellement la demande d'un contribuable tendant à obtenir l'annulation ou la réduction d'une imposition établie en matière d'impôts directs à la suite d'un redressement ou d'une taxation d'office, les cotisations ou fractions de cotisations maintenues à la charge du contribuable et pour lesquelles celui-ci avait obtenu un sursis de paiement, donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la seule condition à laquelle elles soumettent le paiement des intérêts moratoires est que le contribuable ait obtenu le bénéfice du sursis de paiement ; qu'il suit de là qu'en jugeant que les intérêts moratoires dont les requérants sont redevables sont dus, contrairement à ce qu'ils soutiennent, au titre de l'ensemble des périodes en cause, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent M. et Mme B au titre des frais par eux exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. et Mme B est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 06 nov. 2006, n° 262821
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Hugues Hourdin
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 06/11/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 262821
Numéro NOR : CETATEXT000008084391 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-11-06;262821 ?
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