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27/09/2006 | FRANCE | N°278563

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 27 septembre 2006, 278563


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 13 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Christine B, demeurant ... ; Mme B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 2 juillet 2002 du tribunal administratif de Besançon annulant, à la demande de Mme Pascale A, l'arrêté du 26 juillet 2000 du préfet du Doubs lui accordant l'autorisation de transférer son of

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 13 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Christine B, demeurant ... ; Mme B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 2 juillet 2002 du tribunal administratif de Besançon annulant, à la demande de Mme Pascale A, l'arrêté du 26 juillet 2000 du préfet du Doubs lui accordant l'autorisation de transférer son officine pharmaceutique dans la galerie marchande de la ZAC du Pied des Gouttes à Montbéliard ;

2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du 2 juillet 2002 et de rejeter les conclusions dirigées contre l'arrêté du 26 juillet 2000 du préfet du Doubs ;

3°) de mettre à la charge de Mme A le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Derepas, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme B et de Me Luc-Thaler, avocat Mme A,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. / Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d'assurer un service de garde satisfaisant ; qu'aux termes de l'article L. 5125-14 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : A l'exception des cas de force majeure constatés par le représentant de l'Etat dans le département, ou si ces officines sont dans l'impossibilité de se conformer aux conditions minimales d'installation telles qu'elles figurent dans le décret prévu à l'article L. 5125-32, peuvent obtenir un transfert : (...) /- les officines situées dans une commune d'au moins 2 500 habitants et de moins de 30 000 habitants où le nombre d'habitants par pharmacie est égal ou inférieur à 2 500 ; (...) / Ce transfert peut être effectué : / - au sein de la même commune (...) ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le transfert d'une officine pharmaceutique au sein d'une commune de plus de 2 500 et de moins de 30 000 habitants est subordonné à la condition que, d'une part, le nombre d'habitants par pharmacie dans la commune soit égal ou inférieur à 2 500 et que, d'autre part, ce transfert permette de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil ;

Considérant, d'autre part, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'ainsi, lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la satisfaction de plusieurs conditions et que l'administration a omis d'examiner l'une de ces conditions au cours de la procédure administrative, elle peut faire valoir pour la première fois devant le juge de l'excès de pouvoir le motif tiré de ce que cette condition était, en réalité, remplie à la date de la décision attaquée ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis l'auteur du recours à même de présenter ses observations sur ce nouveau motif, de rechercher si celui-ci, combiné à celui qui avait été retenu initialement, est de nature à fonder légalement la décision ; que dans l'affirmative, le juge peut écarter le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en s'abstenant d'examiner l'une des conditions légales de la décision, sous réserve que le défaut d'examen de cette condition n'ait pas privé l'intéressé d'une garantie procédurale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'après avoir énoncé que la légalité de la décision de transfert d'officine pharmaceutique attaquée était subordonnée au respect des conditions posées respectivement par les articles L. 5125-3 et L. 5125-14 du code de la santé publique, et après avoir constaté que l'administration avait pris cette décision sur le seul fondement du second de ces articles sans vérifier si les conditions posées par le premier étaient remplies, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que le ministre ne pouvait utilement soutenir devant le juge que ces conditions étaient satisfaites ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme B est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il est constant que le préfet du Doubs s'est fondé, pour prendre la décision attaquée, sur la seule circonstance que, dans la commune de Montbéliard, le nombre d'habitants par officine était, à la date de cette décision, inférieur à 2 500 ; que, toutefois, devant le juge de l'excès de pouvoir, l'administration soutient en outre que le transfert autorisé permettait, à la date de la décision attaquée, de satisfaire de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, l'officine transférée dans le centre commercial situé dans la zone d'aménagement concerté du Pied des Gouttes à Montbéliard pouvait utilement approvisionner, en premier lieu, la population résidente et saisonnière de ce quartier, en deuxième lieu, les habitants de zones résidentielles comme celles des Grands Cantons, de Pezolle et du Grand Chenois, proches de la zone d'aménagement concerté du Pied des Gouttes et dépourvues de pharmacie, et, en troisième lieu, une partie des quartiers de la Grande et de la Petite Hollande et des Portes du Jura, auxquels la zone d'aménagement concerté du Pied des Gouttes était reliée par un nombre croissant de voies de communication ; qu'ainsi, la décision attaquée répondait à la condition de satisfaction optimale des besoins en médicaments de la population du quartier d'accueil posée par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique ; que cette décision satisfaisait donc aux deux conditions de légalité posées respectivement par les articles L. 5125-3 et L. 5125-14 du même code ; que, dans ces conditions, Mme B est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 26 juillet 2000 du préfet du Doubs l'autorisant à transférer son officine pharmaceutique ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de Mme A ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 10 janvier 2005 et le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 2 juillet 2002 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.

Article 3 : Mme A versera la somme de 2 000 euros à Mme B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Christine B, à Mme Pascale A et au ministre de la santé et des solidarités.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOTIVATION - SUBSTITUTION DE MOTIFS DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF - DÉCISION ADMINISTRATIVE DONT LA LÉGALITÉ EST SUBORDONNÉE À LA SATISFACTION DE PLUSIEURS CONDITIONS PAR LE BÉNÉFICIAIRE DE CETTE DÉCISION - ADMINISTRATION AYANT OMIS DE VÉRIFIER LE RESPECT D'UNE DES CONDITIONS À LA DATE DE SA DÉCISION - POSSIBILITÉ DE FAIRE VALOIR DEVANT LE JUGE QUE LA CONDITION ÉTAIT REMPLIE [RJ1].

01-03-01-02 L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Ainsi, lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la satisfaction de plusieurs conditions et que l'administration a omis d'examiner l'une de ces conditions au cours de la procédure administrative, elle peut faire valoir pour la première fois devant le juge de l'excès de pouvoir le motif tiré de ce que cette condition était, en réalité, remplie à la date de la décision attaquée. Il appartient alors au juge, après avoir mis l'auteur du recours à même de présenter ses observations sur ce nouveau motif, de rechercher si celui-ci, combiné à celui qui avait été retenu initialement, est de nature à fonder légalement la décision. Dans l'affirmative, le juge peut écarter le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en s'abstenant d'examiner l'une des conditions légales de la décision, sous réserve que le défaut d'examen de cette condition n'ait pas privé l'intéressé d'une garantie procédurale.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - SUBSTITUTION DE MOTIFS - DÉCISION ADMINISTRATIVE DONT LA LÉGALITÉ EST SUBORDONNÉE À LA SATISFACTION DE PLUSIEURS CONDITIONS PAR LE BÉNÉFICIAIRE DE CETTE DÉCISION - ADMINISTRATION AYANT OMIS DE VÉRIFIER LE RESPECT D'UNE DES CONDITIONS À LA DATE DE SA DÉCISION - POSSIBILITÉ DE FAIRE VALOIR DEVANT LE JUGE QUE LA CONDITION ÉTAIT REMPLIE [RJ1].

54-07-01-06 L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Ainsi, lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la satisfaction de plusieurs conditions et que l'administration a omis d'examiner l'une de ces conditions au cours de la procédure administrative, elle peut faire valoir pour la première fois devant le juge de l'excès de pouvoir le motif tiré de ce que cette condition était, en réalité, remplie à la date de la décision attaquée. Il appartient alors au juge, après avoir mis l'auteur du recours à même de présenter ses observations sur ce nouveau motif, de rechercher si celui-ci, combiné à celui qui avait été retenu initialement, est de nature à fonder légalement la décision. Dans l'affirmative, le juge peut écarter le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en s'abstenant d'examiner l'une des conditions légales de la décision, sous réserve que le défaut d'examen de cette condition n'ait pas privé l'intéressé d'une garantie procédurale.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 6 février 2004, Mme Hallal, p. 48.


Publications
Proposition de citation: CE, 27 sep. 2006, n° 278563
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Luc Derepas
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : LUC-THALER ; SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Date de la décision : 27/09/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 278563
Numéro NOR : CETATEXT000008223290 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-09-27;278563 ?
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