Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 août et 22 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. William A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 3 avril 2003 par lequel la cour régionale des pensions de Versailles a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 17 octobre 2001 du tribunal départemental des pensions des Yvelines rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 août 2000 lui refusant le bénéfice d'une révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation et infirmités nouvelles ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de la SCP Lyon-Caen-Fabiani-Thiriez, la somme de 2 800 euros que M. A aurait exposée s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne la baisse d'acuité visuelle :
Considérant qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article 5 du décret du 20 février 1959 que les décisions prises en matière de pensions militaires d'invalidité peuvent faire l'objet, dans un délai de six mois à compter de leur notification, d'un pourvoi devant le tribunal départemental des pensions ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret, dans sa rédaction applicable au présent litige : L'assistance judiciaire est accordée à tout intéressé qui en fait la demande au président du tribunal départemental ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré (…), l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / - soit de la notification de la décision d'admission provisoire ; / - soit de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet est devenue définitive ; /- soit, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision ministérielle du 29 août 2000 rejetant la demande de pension présentée par M. A pour arthrose cervicale, pour présence de corps étrangers dans les parties molles du cou et pour baisse d'acuité visuelle a été notifiée à l'intéressé le 31 août 2000 ; que cette notification mentionnait les voies et délais de recours ; que M. A s'est pourvu contre cette décision devant le tribunal départemental des pensions des Yvelines le 14 septembre 2000, et a assorti son mémoire d'une demande d'aide juridictionnelle ; que, si le mémoire de M. A n'est pas expressément motivé en ce qui concerne l'infirmité dénommée baisse d'acuité visuelle par début de maculopathie droite, l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle a présenté le 17 septembre 2001 des conclusions relatives à cette infirmité ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces conclusions aient été présentées plus de six mois à compter soit de la date de la décision d'admission provisoire, soit de la date à laquelle la décision d'admission est devenue définitive, soit de la date à laquelle l'avocat de M. A a été désigné ; que, dès lors, ces conclusions doivent être regardées comme étant encore recevables à la date à laquelle elles ont été déposées ; qu'il suit de là qu'en jugeant que le tribunal n'avait pas été saisi d'un recours contre la décision rejetant la demande de pension de M. A pour baisse d'acuité visuelle, la cour régionale des pensions de Versailles a commis une erreur de droit ;
En ce qui concerne l'arthrose cervicale et la présence de corps étrangers dans les parties molles du cou :
Considérant qu'en jugeant, au vu des conclusions de l'expertise conduite devant la commission de réforme, que les deux dernières infirmités invoquées constituaient des affections distinctes ne justifiant pas d'indemnisation, l'arthrose étant d'apparition récente et la présence de corps étrangers dans les parties molles du cou entraînant une invalidité inférieure au minimum indemnisable, la cour, à qui il appartenait de prendre parti entre les différents avis médicaux versés à son dossier, s'est livrée à une appréciation souveraine des faits et a suffisamment motivé sa décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il statue sur la baisse d'acuité visuelle ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire, dans cette mesure, devant le cour régionale des pensions de Paris ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761 ;1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'intéressé, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 800 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Versailles en date du 3 avril 2003 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions relatives à la baisse d'acuité visuelle.
Article 2 : Le jugement de l'affaire, en ce qui concerne l'infirmité mentionnée à l'article 1er ci-dessus, est renvoyé à la cour régionale des pensions de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez la somme de 2 800 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. William A et au ministre de la défense.