Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PRÉSIDENT DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL tendant à ce que le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat, statuant en référé sur le fondement de l'article 42-10 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 :
1°) enjoigne à la société SAPRODIF de fournir le rapport sur les conditions d'exécution des obligations imposées au service « Radio Méditerranée-Med FM » pour l'année 2004, accompagnée des comptes de bilan de résultat et de la déclaration annuelle des données sociales au titre du même exercice ;
2°) enjoigne à la société SAPRODIF de se conformer à cette obligation pour l'avenir dans les délais fixés par l'article 14 de la convention du service et, en tout état de cause, avant le terme de l'exercice suivant celui pour lequel les informations afférentes ont été demandées ;
3°) prononce à l'encontre de la société SAPRODIF une astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance prononçant l'injonction demandée ;
il expose que pour permettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel (C.S.A.) de contrôler le respect par les éditeurs et distributeurs de services autorisés de leurs obligations, l'article 19 de la loi du 30 septembre 1986 l'habilite à recueillir auprès d'eux « toutes les informations nécessaires » ; que selon l'article 42-10, en cas de manquement aux obligations résultant des dispositions de la loi, il peut demander en justice qu'il soit ordonné à la personne responsable de s'y conformer, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets ; que ces dispositions trouvent pleinement à s'appliquer à la société SAPRODIF, bénéficiaire en vertu d'une décision du 2 septembre 1992, reconduite à deux reprises, de l'autorisation d'exploiter un service de radio dans la zone de Paris dénommé « Méditerranée FM, Med FM », qui, en méconnaissance de l'article 14 de la convention conclue avec le C.S.A., se refuse à communiquer les informations permettant le contrôle des obligations qui lui sont imposées ; que la société SAPRODIF s'est abstenue de déférer à huit mises en demeure qui lui ont été adressées entre le 14 octobre 1997 et le 20 décembre 2005 ; que des sanctions pécuniaires lui ont été infligées à trois reprises pour le non respect de ses obligations respectivement pour les exercices 2001, 2002 et 2003 ; qu'il semble que l'opérateur ait préféré s'acquitter des amendes prononcées plutôt que de fournir les éléments demandés ; qu'en ce qui concerne l'exercice 2004, la mise en demeure décidée le 20 décembre 2005 n'a été suivie d'aucun effet et expose d'ores et déjà la société aux sanctions énumérées à l'article 42-1de la loi ; que cette éventualité n'exclut pas la mise en oeuvre concomitante de la procédure prévue par l'article 42-10 de la loi ; qu'en l'espèce, l'action en référé est seule de nature à mettre un terme au comportement de la société qui, en raison de son caractère délibéré et de la répétition des manquements à ses obligations, revêt une particulière gravité ; que les éléments demandés au titre de l'exercice 2004 concernent le rapport sur les conditions d'exécution des obligations imposées au service « Radio Méditerranée- Med FM » pour l'année 2004, accompagné des comptes de bilan, de résultat et de la déclaration annuelle des données sociales au titre du même exercice ; que la prévention de la commission du même manquement nécessite d'enjoindre également à la société de se conformer à l'avenir à ces obligations dans le délai fixé par l'article 14 de la convention et, en tout cas, avant le terme de l'exercice suivant celui pour lequel les informations afférentes ont été demandées ;
Vu les pièces desquelles il résulte que communication de la requête a été donnée à la société SAPRODIF, laquelle n'a pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication modifiée notamment par la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 et par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004, en particulier ses articles 28 et 42-10 ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 553-1 ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le PRÉSIDENT DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL, d'autre part, la société SAPRODIF ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 18 juillet 2006 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus les représentants du PRÉSIDENT DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL ;
- Sur les dispositions législatives applicables ;
Considérant qu'au nombre des moyens dont il dispose pour assurer l'exercice des missions qui lui sont confiées par le législateur, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut infliger à un éditeur ou à un distributeur de services de radiodiffusion sonore ou de télévision qui ne se conforme pas aux mises en demeure qui lui ont été adressées, en application de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée, en fonction de la gravité du manquement, l'une des sanctions énumérées à l'article 42-1 de la loi ; que, conformément aux principes généraux du droit, aucune sanction ne peut être prononcée sans que soit respecté le principe général des droits de la défense ; qu'en outre, l'infliction d'une sanction excédant par sa gravité la suspension d'un service ou d'une partie de programme pour un mois ou plus, ne peut être décidée que dans le respect des garanties instituées par l'article 42-7 de la loi ;
Considérant que l'article 42-10 de la loi dispose dans son premier alinéa qu'en cas de manquement aux obligations résultant de la présente loi et pour l'exécution des missions du Conseil supérieur de l'audiovisuel, son président « peut demander en justice qu'il soit ordonné à la personne qui en est responsable de se conformer à ces dispositions, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets » ; qu'en vertu de la seconde phrase ajoutée à cet alinéa par l'article 82 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004, la demande en justice du président de l'instance de régulation « peut avoir pour objet de faire cesser la diffusion, par un opérateur satellitaire, d'un service de télévision relevant de la compétence de la France dont les programmes portent atteinte à l'un au moins des principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 ou 15 » ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 42-10, « La demande est présentée devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat qui statue en référé et dont la décision est immédiatement exécutoire. Il peut prendre, même d'office, toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour l'exécution de son ordonnance » ;
Considérant qu'il appartient au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sur le fondement de ces dispositions, non seulement de constater les manquements allégués dans la demande du président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, mais également, le cas échéant, de prescrire des mesures à caractère conservatoire et d'ordonner toute mesure visant à ce que le responsable du manquement mette fin à l'irrégularité relevée ou en supprime les effets ; que toutefois, il ne saurait aller jusqu'à prescrire à un éditeur ou diffuseur de services des mesures lui enjoignant de se conformer à des obligations dont le fait générateur ne s'est pas encore concrétisé à la date où, statuant en référé, il met en oeuvre les pouvoirs qu'il tient de la loi, faute que se trouve établie en pareil cas l'existence d'un manquement auquel il importerait de mettre fin ou de supprimer les effets ;
- Sur l'application en l'espèce des dispositions législatives pertinentes ;
Considérant que, par une décision du 2 septembre 1992 prise sur le fondement de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la société SOPRADIF à exploiter, dans la zone de Paris, un service de radio dénommé « Méditerranée FM, Med FM » ; que cette autorisation a été reconduite d'abord, par une décision du 4 mars 1997 puis, par une décision du 17 septembre 2002 ; que la convention conclue, conformément aux prévisions de l'article 28 de la loi, stipule au premier alinéa de son article 14 que la société titulaire de l'autorisation est tenue de communiquer à l'instance de régulation de l'audiovisuel « toutes les informations lui permettant d'exercer le contrôle du respect des obligations qui lui sont imposées » ; qu'une telle exigence a son fondement dans les dispositions de l'article 19 de la loi ; qu'à cette fin, il est spécifié au deuxième alinéa de l'article 14 de la convention que le titulaire de l'autorisation doit apporter, à la demande du Conseil, « la preuve qu'il dispose véritablement des moyens nécessaires pour produire son programme » ; qu'est mentionnée de ce chef, la production de la déclaration annuelle des données sociales du personnel ou tout document contractuel ou comptable relatif aux relations avec des prestataires chargés de réaliser le programme diffusé ; que le troisième alinéa de l'article 14 fait obligation au titulaire de fournir des informations sur les pourcentages des chansons d'expression française diffusées aux heures d'écoute significatives ; que, d'après le quatrième alinéa du même article, le titulaire communique au Conseil avant le 31 juillet de chaque année, « un rapport sur les conditions d'exécution de ses obligations au cours de l'année précédente accompagné des comptes de bilan et de résultat du dernier exercice clos » ;
Considérant que faute pour la société SOPRADIF de fournir les informations ainsi exigées, au titre respectivement des exercices 2001, 2002 et 2003, le Conseil supérieur de l'audiovisuel lui a infligé des amendes d'un montant s'élevant, pour la première infraction, à 2000 euros et pour chacune des deux suivantes à 5000 euros ; que, par une décision du 20 décembre 2005, il l'a mise en demeure de se conformer à ses obligations d'information pour l'exercice 2004 ; que la société s'est abstenue d'y déférer ;
Considérant que le manquement par la société SOPRADIF aux obligations qui résultent pour elle de décisions prises conformément aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986 et pour leur application est établi ; que ce manquement compromettant la bonne exécution des missions du Conseil supérieur de l'audiovisuel, il y a lieu d'enjoindre à la société SOPRADIF de fournir à ce Conseil le rapport sur les conditions d'exécution des obligations imposées au service « Radio Méditerranée - Med FM » pour l'année 2004, accompagné des comptes de bilan et de résultat afférents au dernier exercice clos avant le 31 juillet 2005, et de la déclaration des données sociales du personnel ou, à défaut de cette dernière, de tout document contractuel ou comptable relatif aux relations avec les prestataires chargés de réaliser le programme diffusé ; que, conformément aux conclusions de la requête du PRÉSIDENT DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL, il y a lieu d'assortir l'injonction d'un délai d'un mois et de prévoir que l'inobservation de ce délai est assorti de 500 euros par jour de retard ;
Considérant en revanche que, pour les motifs indiqués ci-dessus, il n'appartient pas au président de la section du contentieux d'enjoindre à la société SOPRADIF de se conformer « pour l'avenir » à ses obligations ;
O R D O N N E :
Article 1er : Il est enjoint à la société SOPRADIF de prendre toutes dispositions, pour communiquer au Conseil supérieur de l'audiovisuel, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, le rapport sur les conditions d'exécution des obligations imposées au service « Radio Méditerranée - Med FM », pour l'année 2004, accompagné d'une part des comptes de bilan et de résultat afférents au dernier exercice clos avant le 31 juillet 2005, et d'autre part, de la déclaration des données sociales du personnel ou, à défaut de cette dernière, de tout document contractuel ou comptable relatif aux relations avec les prestataires chargés de réaliser le programme diffusé.
Article 2 : Tout dépassement du délai prescrit à l'article 1er donnera lieu à une astreinte de 500 euros par jour de retard.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PRÉSIDENT DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L' AUDIOVISUEL est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au PRÉSIDENT DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L' AUDIOVISUEL et à la société SOPRADIF.