Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 novembre 2005, présentée par la fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, dont le siège est 57 rue Cuvier à Paris (75231 Cedex 05), représentée par Mlle A, mandatée par le bureau ; FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le I de l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-1129 du 8 septembre 2005 portant simplification en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement et l'élimination des déchets en tant qu'il a abrogé la disposition de l'article L. 541-25 du code de l'environnement selon laquelle « l'étude d'impact d'une installation de stockage des déchets, établie en application du titre 1er du présent livre, indique (...) les techniques envisageables destinées à permettre une éventuelle reprise des déchets dans le cas où aucune autre technique ne peut être mise en oeuvre » ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 juin 2006, présentée par le ministre de l'écologie et du développement durable ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37 et 38 ;
Vu la directive n° 75/442/CEE, du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets ;
Vu la directive n° 94/62/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d'emballages ;
Vu la directive n° 1999/31/CE, du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, notamment le 3° de son article 51 ;
Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Maud Vialettes, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que le 3° de l'article 51 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions définies à l'article 38 de la Constitution, les mesures nécessaires pour « abroger les dispositions devenues sans objet du code de l'environnement en ce qui concerne les installations classées et les déchets » ; qu'il résulte de ses termes mêmes que cette disposition n'habilitait le gouvernement à abroger par ordonnance que les dispositions législatives du code de l'environnement relatives aux installations classées ou aux déchets, qui soit seraient devenues redondantes avec d'autres dispositions en vigueur, soit auraient cessé d'être applicables par suite d'un changement dans les circonstances de droit ou dans les circonstances de fait ;
Considérant que si le principe de l'étude d'impact pour les installations classées a été posé par la loi et figure aujourd'hui à l'article L. 122-1 du code de l'environnement, la définition du contenu de celle-ci relève, en vertu des articles 34 et 37 de la Constitution, du domaine du règlement ; que, d'ailleurs, l'article L. 122-3 de ce code renvoie à des dispositions réglementaires prises en Conseil d'Etat le soin d'en définir le contenu ;
Considérant que le Gouvernement ne pouvait prendre d'ordonnance sur le fondement du 3° de l'article 51 de la loi du 9 décembre 2004 que dans les limites de l'habilitation que cette disposition lui conférait ; que cette habilitation, dans les termes où elle était rédigée et qui ont été analysés ci-dessus, ne comprenait pas l'autorisation d'abroger des dispositions législatives pour les mettre en conformité avec la hiérarchie des normes ; que, dès lors, elle ne lui permettait pas de procéder, en dehors des limites de l'habilitation dont il disposait, à l'abrogation de dispositions de forme législative adoptées postérieurement à l'entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958 et portant sur une matière réglementaire ;
Considérant que le Gouvernement a notamment abrogé, par le I de l'article 2 de l'ordonnance du 8 septembre 2005, l'article L. 541-25 du code de l'environnement ; que la deuxième phrase de l'article L. 541-25, qui avait été introduite par la loi du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement, disposait : « L'étude d'impact d'une installation de stockage des déchets, établie en application du titre Ier du présent livre, indique les conditions de remise en état du site du stockage et les techniques envisageables destinées à permettre une éventuelle reprise des déchets dans le cas où aucune autre technique ne peut être mise en oeuvre » ; qu'il n'est pas contesté que cette disposition, en tant qu'elle prévoit que l'étude d'impact doit indiquer les conditions de remise en état du site de stockage lorsqu'il est mis fin à l'exploitation de la décharge, non seulement relevait du domaine du règlement mais était aussi devenue redondante avec le 4° de l'article 3 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application des dispositions législatives relatives aux installations classées, dans sa rédaction issue du décret du 20 mars 2000, qui prévoit que toute étude d'impact doit indiquer « les conditions de remise en état du site après exploitation » ; que, par suite, elle était sans objet et pouvait, dès lors, légalement être abrogée par l'article 2 de l'ordonnance du 8 septembre 2005 sur le fondement du 3° de l'article 51 de la loi du 9 décembre 2004 ; qu'en revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une disposition en vigueur ou un changement dans les circonstances de fait ou de droit auraient rendu soit redondante, soit inapplicable, cette même disposition, en tant qu'elle prévoit que l'étude d'impact doit indiquer les conditions de reprise des déchets, pour le cas où, notamment, en raison d'un risque de pollution ou de la mise en oeuvre d'une nouvelle technique de traitement des déchets, il faudrait extraire ces déchets de la décharge où ils étaient stockés et les transférer sur un autre site ; que, dès lors, et même si cette disposition relevait également d'une matière réglementaire, elle n'était pas devenue sans objet au sens du 3° de l'article 51 de la loi du 9 décembre 2004 ; que par suite, FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT est fondée à soutenir que le I de l'article 2 de l'ordonnance du 8 septembre 2005, en tant qu'il abroge la disposition de l'article L. 541-25 du code de l'environnement, qui est divisible du reste de cet article, selon laquelle « l'étude d'impact d'une installation de stockage des déchets, établie en application du titre 1er du présent livre, indique (...) les techniques envisageables destinées à permettre une éventuelle reprise des déchets dans le cas où aucune autre technique ne peut être mise en oeuvre », excède les limites de l'habilitation donnée par le législateur ; que FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT est par suite fondée à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le I de l'article 2 de l'ordonnance du 8 septembre 2005 est annulé en tant qu'il a abrogé la disposition de l'article L. 541-25 du code de l'environnement selon laquelle « l'étude d'impact d'une installation de stockage des déchets, établie en application du titre 1er du présent livre, indique les techniques envisageables destinées à permettre une éventuelle reprise des déchets dans le cas où aucune autre technique ne peut être mise en oeuvre ».
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, au Premier ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'écologie et du développement durable.