Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mehmet A demeurant ... en Turquie ; M. SKYUREK demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 9 novembre 2005 du premier conseiller de l'ambassade de France en Turquie refusant de lui délivrer un visa d'entrée en France pour rejoindre son épouse, d'enjoindre à l‘autorité administrative de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de huit jours, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, cette somme étant versée à la SELARL Eden avocats - Madeline, Rouly, Falacho qui renonce au versement de l'aide juridictionnelle ;
il soutient que, marié avec Mme B, de nationalité française, le 30 avril 2005, l'urgence résulte de ce qu'il est séparé de son épouse depuis plus de treize mois ; que la décision contestée indique à tort qu'il a demandé un visa de court séjour ; qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, consacrant son respect de sa vie privée et familiale ; que l'administration n'a nullement établi la fraude qui aurait consisté à contracter mariage dans le seul but de s'établir en France ; que, d'ailleurs, le tribunal de grande instance de Dieppe a autorisé le mariage après en avoir vérifié la sincérité ; que les époux ont été unis plus d'un an avant le mariage et apportent la preuve de la sincérité de leurs sentiments ; qu'il réside en Turquie avec son fils à Pazarcik, K Maras, et non au domicile de son ancienne épouse à Adana ; que les démarches qu'il avait entreprises pour être autorisé à séjourner en France, antérieurement à son mariage, sont sans incidence sur son droit à la délivrance d'un visa pour rejoindre son épouse ; que ces moyens sont propres à créer un doute sérieux quand à la légalité du refus de visa ;
Vu la décision dont la suspension est demandée et le recours formé devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
Vu, enregistré le 30 juin 2006, le mémoire en défense présenté par le ministre des affaires étrangères, tendant au rejet de la requête ; le ministre soutient que les conclusions à fins d'injonction à l'administration de délivrer le visa sollicité sont irrecevables devant le juge des référés qui n'a pas le pouvoir d'annuler la décision contestée et, par voie de conséquence, celui de prononcer les injonctions qui découleraient d'une annulation ; que les visas permettant aux étrangers de rejoindre en France leur conjoint sont des visas de 90 jours leur permettant de solliciter une carte de séjour temporaire ; qu'un faisceau d'indices précis et concordants fait apparaître que le mariage du requérant avec Mme B, son aînée de sept ans, a été contracté dans le seul but de lui permettre de s'établir en France, ce qu'il avait en vain essayé de faire auparavant en sollicitant l'asile et en se maintenant irrégulièrement sur le territoire ; que Mme B n'a pu préciser la date de sa rencontre avec M. A ; qu'elle ne s'est jamais rendue en Turquie pour voir son mari et n'apporte pas la preuve de contacts téléphoniques qu'elle allègue ; que, cherchant à joindre le requérant par téléphone à son domicile, les services de l'ambassade se sont entretenus avec son ancienne épouse dont il est ainsi établi qu'elle réside avec son ancien époux ; qu'ainsi les moyens présentés ne sont pas propres à créer un doute sérieux ; qu'eu égard à l'absence de sincérité du mariage, l'urgence ne peut être regardée comme établie ;
Vu, enregistré le 6 juillet 2006, le mémoire en réplique présenté par M. A, tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et, en outre, par le motif qu'il apporte la preuve, par de nombreuses attestations, dont celle de son épouse, de la réalité des liens du mariage ; qu'il produit les factures établissant les très fréquentes conversations téléphoniques entre les époux ;
Vu, enregistré le 10 juillet 2006, le nouveau mémoire présenté par le ministre des affaires étrangères, tendant au rejet de la requête par les mêmes moyens et, en outre, par le motif que de nouveau contacts pris par l'ambassade de France en Turquie avec les personnes résidant au domicile de M. A à K Maras ont permis d'enregistrer les dires de son ancienne épouse qui a déclaré connaître le mariage célébré par M. A et avoir l'intention de le rejoindre en France lorsqu'il s'y sera régulièrement établi ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 instituant une commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et d'autre part, le ministre des affaires étrangères ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 10 juillet 2006 à 16 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Matuchansky, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
- le représentant du ministre des affaires étrangères ;
Considérant que l'article L. 521-1 du code de justice administrative dispose : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. » ;
Considérant qu'alors qu'il séjournait irrégulièrement en France, M. A, ressortissant de la République de Turquie, a fait la connaissance de Mme B, de nationalité française ; qu'il a alors obtenu le prononcé de son divorce en Turquie, le 20 janvier 2004, et décidé de son mariage avec Mme B, qui a été célébré le 30 avril 2005, à la suite d'une décision du tribunal de grande instance de Dieppe ; qu'il demande la suspension de la décision du 9 novembre 2005 par laquelle le premier conseiller de l'ambassade de France en Turquie a refusé le visa qu'il sollicitait pour rejoindre en France sa nouvelle épouse, au motif que son mariage n'aurait été contracté que dans le seul but de s'établir en France et que, dans la réalité, la communauté de vie entre lui-même et son ancienne épouse n'aurait pas cessé à la suite de son divorce ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et des précisions apportées au cours de l'audience, que si la réalité de l'intention conjugale de Mme B, épouse A, est attestée par diverses déclarations et confirmée par ses très nombreux appels téléphoniques adressés à son mari depuis son retour en Turquie, les investigations de l'ambassade de France tendent à établir que l'ancienne épouse de ce dernier réside avec lui au domicile qu'il a indiqué et qu'elle a déclaré connaître le remariage de son ex-époux et avoir l'intention de le rejoindre en France lorsqu'il y aurait obtenu une autorisation de séjour ; que, eu égard à ces éléments, les moyens présentés par M. A tirés de ce que l'administration aurait à tort fondé sa décision sur un détournement de l'institution du mariage et aurait méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale ne peuvent être regardés comme propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande de suspension présentée par M. A et, par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées sur le fondement de l'article L .761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. Mehmet A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Mehmet A et au ministre des affaires étrangères.